Le Parlement belge a adpté en avril 2003 une loi sur la recherche sur les embryons in vitro. Nous nous réjouissons de ce début de cadre normatif; mais il s’agit pour nous d’un cadre qui reste bien insuffisant au regard des droits des femmes, les premières concernées pourtant !
Il semble que malgré deux années de débat, nous n’ayons pas
réussi à faire entendre à une majorité de membres du Parlement que les personnes
visées par ces expérimentations sont les femmes, et qu’en conséquence, des
mesures devaient être prévues dans la loi pour réaffirler leurs droits sexuels
et reproductifs.
Voici les
enjeux pour lesquels nous voulons que, lors de la prochaine législature, une
loi vienne compléter celle qui a été votée :
le profit des firmes
pharmaceutiques,
les rêves des chercheurs
et les mouvements réactionnaires
désireux de revenir à une situation
d’avant la loi IVG
ne
peuvent primer sur le droit des femmes à maîtriser leur fécondité !
Les femmes et la maîtrise de la fécondité
Pour nous, le statut de l’embryon a été défini lors de la
loi sur la dépénalisation partielle de l’interruption volontaire de grossesse :
c’est un acquis qu’il n’est pas question de remettre en question au détour
d’arguments fallacieux qui, dans un
nouveau contexte, voudraient transformer l’embryon en sujet de droit. La loi
sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse constitue LA
référence normative. Les femmes sont
sujets de droit, et ce, y compris dans la maîtrise de leur
fécondité : il s’agit de le
réaffirmer haut et fort !
L’utérus productif et l’information sur les risques et les
droits des femmes
Le réseau décisionnel autour de la recherche sur l’embryon inclut
les protagonistes de la procréation médicalement assistée. La médicalisation de
la fécondité a atteint un stade sans précédent qui fait craindre pour
l’authentique consentement éclairé des femmes. Cela met en lumière le risque
que représente le déplacement de la fécondation du corps de la femme vers le
laboratoire. Les femmes concernées doivent être informées avec précision des
risques qu’elles encourent : nous pensons bien sûr aux conséquences
possibles de la stimulation ovarienne (mortalité de 2%), à l’infertilité
potentielle des jeunes femmes n’ayant pas encore eu d’enfant… Les intérêts
économiques en jeu font craindre des pressions morales – même indirectes – sur
les femmes d’autant plus fragiles qu’elles sont en doute sur leur fertilité. Il
faudra également laisser à celles-ci la possibilité d’introduire un recours.
Tout ceci est d’autant plus crucial lorsque l’on sait que la loi n’exclut pas
la production d’embryons uniquement à des fins de recherche avec, in fine, le
risque de voir le corps des femmes transformé en machine à produire des
ovocytes.
Un organe paritaire
Le législateur n’a pas jugé opportun d’exiger la parité dans
la composition de la Commission fédérale pour la recherche sur les embryons,
malgré le dépôt d’amendements dans ce sens.
Elle est pourtant essentielle pour garantir un éclairage sur la liberté
des femmes et la maîtrise de leur propre corps contre – peut-être – le monde de
la recherche. Il faudra donc revoir la loi pour rendre la parité obligatoire
dans la Commission fédérale.
Un débat public animé par les femmes et les féministes,
femmes et hommes
Dans une démocratie, pour que le public se sente interpellé
par une question, il faut qu’il soit non seulement informé mais aussi éclairé.
Le débat sur la recherche sur les embryons n’a pas réellement pu sortir des
salles du Parlement pour atteindre l’opinion publique et expliquer en termes
simples les enjeux complexe qui en relèvent. On y retrouve pourtant une tension
entre deux valeurs : celle de la liberté individuelle des femmes à
maîtriser leur fécondité et celle d’un universalisme abstrait qui fait que la
loi ne garantit pas aux intéressées les droits acquis ces trente dernières
années en matière de droits reproductifs. Les femmes ne sont pas des objets de
laboratoires, nous souhaitons que les associations de femmes et mouvements
féministes soient associés à une large
campagne dans l’opinion publique afin de rendre les enjeux bien visibles.
Nous en appelons aux futur-es Ministres de l’égalité des
chance et de la santé ainsi qu’au futur parlement qui seront amenés à évaluer
cette loi pour l’améliorer et nous nous
engageons à rester vigilantes.
Claudine DRION