REFORME
DE L’ORDONNANCE DE 1945 SUR L’ENTREE ET LE SEJOUR
DES
ETRANGER/E/S EN FRANCE :
ANALYSES ET
REVENDICATIONS DU COMITE D’ACTION INTER-ASSOCIATIF :
“ Droits des
femmes, droit au séjour, contre la double violence ” (juin 2003)
Le
comité d’action interassociatif “ Droits des femmes, droit au séjour,
contre la double violence ” se compose d’associations de femmes issues de
l’immigration ou de solidarité envers ces femmes souvent confrontées à la
double précarité et à la double violence vécues par les femmes étrangères parce
qu’elles sont femmes et étrangères.
DOUBLE
VIOLENCE :
VIOLENCES
CONJUGALES ENTRETENUES PAR LA DEPENDANCE JURIDIQUE
Nos
associations dénoncent la dépendance juridique des femmes obtenant un droit au
séjour en raison de leur mariage avec un français ou un résident
étranger : en cas de rupture de la vie commune, leur titre de séjour peut
ne pas être délivré ou renouvelé ou leur être retiré. Cette dépendance est
d’autant plus dramatique quand elle ne laisse aux femmes que le choix entre la
sauvegarde de leur intégrité physique et morale, mais l’irrégularité du séjour,
et la régularité du séjour, mais au péril de leur vie.
Ces situations de
dépendance, très fréquentes, nous préoccupent déjà depuis longtemps, mais ce
projet de loi tend à les accroître. Il favorise en effet encore davantage le
maintien des femmes étrangères, épouses de français ou d’étrangers, dans des
situations de dépendance propices à des violences à leur encontre, et même les
aggrave.
En revanche le droit à
une vie familiale et la diversité des liens qui peuvent constituer une famille
ne sont reconnus.
NOUS DEMANDONS :
- la suppression des modifications concernant le
regroupement familial (articles 7, 13 et 28 du projet de loi) et le maintien de
la situation antérieure, à savoir que l’entrée en France par le regroupement
familial assure la délivrance du même titre de séjour que la personne que l’on
vient rejoindre
- la suppression de la modification concernant
les conjoints de français (article 11 du projet de loi) et le maintien de la
situation antérieure, à savoir la délivrance d’une carte de résident au bout
d’un an de mariage
- le maintien et le renouvellement du titre de
séjour en cas de rupture de la communauté de vie due à des conflits dans le
couple (violences conjugales, répudiations …). Ce point doit être inséré dans
les articles 12 bis et 15 de l’Ordonnance de 1945 et entraîner une modification
de l’article 29 IV de cette ordonnance, ainsi qu’une modification de l’article
28 du nouveau projet de loi.
- la régularisation des épouses de
polygames : ces femmes ne sont en effet en rien responsables de cette
situation de polygamie qui leur est imposée et l’illégalité où elles sont
maintenues renforce leur oppression (remise en cause des modifications
apportées en 1993 à l’Ordonnance de 1945)
- des possibilités plus grandes de
régularisation par regroupement familial sur place : la situation de
non-droit dans laquelle sont actuellement maintenues de nombreuses épouses
d’étrangers est en effet propice à de nombreux abus et violences (modification
de l’article 29 I de l’ordonnance de 1945)
- des possibilités de regroupement familial pour
les couples non mariés, et pour les enfants même si ils ne sont ni légitimes ni
adoptés (au sens du code civil français), mais objet d’un acte de tutelle ou si
les parents sont divorcés
DOUBLE
VIOLENCE : EXPLOITATION SUR LE TERRITOIRE
ET
EXCLUSION DU TERRITOIRE
Nos associations se
préoccupent également du sort des mineur/e/s et jeunes majeurs, et des
personnes exploitées dans l’esclavage domestique ou la prostitution.
Les mineur/e/s, entré/e/s
en France hors regroupement familial et après l’âge de 10 ans, peuvent être
confronté(e)s à des situations graves d’exploitation du fait de leur dépendance (due à leur âge, à leur situation de
famille et à leur situation administrative). Il est juste qu’ils et elles
soient régularisé/e/s à leur majorité, car quelles que soient les conditions de
leur venue en France, ils et elles ont commencé à construire leur vie ici et un
refus de séjour mettrait en cause tout leur avenir. Or ce projet de loi ne prend
pas en compte ces situations dramatiques sur lesquelles pourtant l’opinion a
été alertée.
Les
personnes exploitées par le système prostitutionnel peuvent, par la loi pour la
sécurité intérieure du 18 mars 2003 qui fait du “ racolage public ”
un délit, être privées de leur titre de séjour et reconduites à la frontière.
Le projet de loi sur l’immigration y fait référence dans son commentaire de
l’article 22. Ces textes ajoutent donc aux violences du système prostitutionnel
la violence de l’expulsion et d’une précarité encore plus grande
NOUS DEMANDONS :
- que les personnes victimes d’esclavage
domestique ou de la prostitution se voient délivrer un titre de séjour et que
des alternatives en terme de logement, emploi, formation, leur soient garanties
- que les victimes du système prostitutionnel ne
soient pas obligées pour obtenir un titre de séjour de dénoncer un réseau ou un
proxénète, ce qui dans la plupart des cas est impossible
- que le délit de " racolage public "
n’entraîne pas le refus de la délivrance d’une carte de résident (art. 10 du
projet de loi), ni le retrait d’un titre de séjour, ni des mesures d’expulsion
(art. 22 du projet de loi), ni le refus du bénéfice d’une protection temporaire
en cas de besoin (art. 30, 2° du projet de loi). Il n’y a aucune commune mesure
entre le “ racolage ” et les crimes de proxénétisme ou de traite. Il
s’agirait là d’une double peine infligée à des personnes qui sont des victimes
du système prostitutionnel. Nous demandons donc la modification des articles
10, 22 et 30 qui criminalisent les victimes du système prostitutionnel accusées
depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003
de menacer l’ordre public.
- que les mineur(e)s entré(e)s en France hors
conditions légales et après l’âge de 10 ans se voient attribuer un titre de
séjour à leur majorité, en raison de leur insertion déjà réalisée dans la
société française (scolarisation, formation professionnelle, emploi …), ce qui
nécessite une modification de l’article 12 bis 2 de l’ordonnance de 1945.
DOUBLE
VIOLENCE : PRESSION SOCIALE ET
APPLICATION
DES
CODES DE STATUT PERSONNEL EN FRANCE
Ce projet de loi se
propose de lutter contre les mariages forcés en apportant des modifications au
code civil, mais ne répond pas aux problèmes rencontrés par les femmes. En
effet, en plus des femmes ayant subi un mariage forcé qui se voient démunies de
titre de séjour en cas de retour en France, nous comptons aussi toutes celles
qui sous la pression sociale et familiale ont dû quitter la France et se
résigner à un mode de vie qui ne leur convient pas et ne se révoltent
malheureusement que trop tard alors que leur titre de séjour est périmé (au
bout de trois ans d’absence pour une carte de résident, art.18 de l’Ordonnance
de 1945).
Enfin des femmes ressortissantes
de certains Etats, et vivant en France, subissent des traitements
discriminatoires du fait de l’application en France de codes de statut
personnel profondément inégalitaires.
NOUS DEMANDONS :
- que les femmes étrangères ayant vécu en France
et qui ont quitté le territoire sous la pression familiale, non seulement en
raison d’un mariage forcé, mais aussi pour diverses autres raisons familiales
(par exemple, pour apporter des soins à un parent malade dans le pays
d’origine : le rôle d’infirmière familiale étant traditionnellement dévolu
aux femmes) recouvrent leur titre de séjour si elles veulent revenir en France
- que les consulats français à l’étranger
apportent leur aide aux femmes étrangères vivant ou ayant vécu en France,
notamment dans le cas où leur titre de séjour leur a été confisqué ou a expiré
- que soit reposé par le ministère des affaires
étrangères et celui de la justice le problème de l’application en France des
codes de statut personnel discriminatoires des pays d’origine
DOUBLE
VIOLENCE : NECESSITE D’INTEGRATION,
MAIS
MAINTIEN DANS LA PRECARITE
Cette loi se propose de
favoriser " l’intégration " des personnes étrangères, alors qu’elle
les précarise. Les titres de séjour temporaires sont peu favorables à un
travail stable et bien rémunéré (nombre d’ employeurs refusant d’embaucher en
CDI des personnes titulaires d’une carte de un an), et la précarité de
l’existence peu favorable au développement d’activités associatives ou
culturelles. Comment exiger des preuves d’intégration tout en maintenant les
étranger/e/s en situation administrative précaire ?
NOUS DEMANDONS :
- que les personnes régularisées au titre de
l’article 12 bis, qui pour la plupart ont vécu depuis longtemps en France et
subi des conditions de vie et de travail très difficiles, obtiennent une carte
de résident et non une carte de séjour d’un an
- qu’elles aient accès à la totalité des droits
sociaux (par exemple allocations familiales, allocation parent isolé …) dès
leur régularisation et sans que les enfants nés à l’étranger et venus avec
elles en France aient besoin de se voir appliquer la procédure de regroupement
familial
- que dans les programmes qui seront mis en
place dans le cadre du " contrat d’intégration ", les femmes
reçoivent des formations qualifiantes leur ouvrant l’accès à une diversité de
professions, hors des secteurs traditionnels dits " féminins " dans
lesquels elles sont le plus souvent confinées
- le retrait de l’article
10 du projet de loi qui prévoit de ne délivrer une carte de résident qu’au bout
de cinq ans de séjour régulier et de soumettre la délivrance de cette à son
activité professionnelle, son intégration, sa volonté de s’installer
durablement en France. Cet article, ainsi que les articles 13 et 14 du projet
de loi, présentent la même incohérence : demander aux personnes placées en
condition de précarité pendant cinq ans de prouver tout de même leur
intégration pour obtenir une carte de résident.
STATUT
AUTONOME POUR TOUTES ET TOUS :
RECONNAISSANCE D’UNE
IMMIGRATION DE TRAVAIL
De manière générale les
lois françaises sur l’immigration, fermant les frontières aux migrants et ne
prenant pas en compte la féminisation des migrations et leur autonomisation
croissante, mettent dans l’illégalité de nombreuses femmes venant seules en France
pour travailler. L’ensemble des sans-papier/e/s travaillent. Ils et elles
répondent donc à une demande. Il est juste de les régulariser pour qu’ils et
elles puissent travailler de manière légale!
NOUS DEMANDONS :
- la reconnaissance d’une immigration de travail
et donc la possibilité pour les femmes d’obtenir un statut de résident de façon
autonome, indépendamment de leur situation familiale, en tant que travailleuses
POUR UNE EGALITE
CONCRETE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES.
En matière d’immigration,
le droit français n’établit pas à proprement parler de discrimination entre les
sexes. Néanmoins, l'égalité pour ne pas exister uniquement en droit, mais être
réelle, doit tenir compte des situations concrètes dans lesquelles se trouvent
les personnes. Dans le domaine de l’emploi, la loi Roudy suivant une directive
communautaire de 1976, reconnaît la notion d’égalité concrète. Du fait des
rapports sociaux de sexes, les lois sur l’immigration devraient également
prendre en compte cette notion En effet, les violences conjugales étant
essentiellement des violences masculines contre les femmes, l’interaction entre
situation conjugale et administrative représente une discrimination
exclusivement envers les femmes, même si les hommes époux d’une Française ou
venant par le regroupement familial sont soumis à cette même dépendance.
Pourtant, par la
ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), la France s'est engagée à
"inscrire dans [sa] constitution nationale ou toute autre disposition
législative appropriée le principe d'égalité des hommes et des femmes, si ce
n'est déjà fait, et à assurer par voie de législation ou par d'autres moyens
appropriés, l'application effective dudit principe" et à "prendre
toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour
modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique
qui constitue une discrimination à l'égard des femmes" (article 2).
Les engagements pris par
la France s’appliquent aussi aux femmes de nationalité étrangères vivant en
France.
contacts :
Groupe Femmes de Turquie - ACORT
39, boulevard Magenta 75010 Paris, Tél :
01-42-01-12-60
Courriel acort.femmes@noos.fr
RAJFIRE
Réseau pour l’Autonomie des Femmes Immigrées et Réfugiées
163, rue de Charenton 75012 Paris, Tél :
01-43-43-41-14 Fax : 01-43-43-42-13
Courriel : rajfire@wanadoo.fr
Site : http://maisondesfemmes.free.fr/rajfire.htm