Droit au séjour, droit d’asile, pour les lesbiennes étrangères

Fiche pratique

 

L’entrée et le séjour des personnes étrangères en France est régie par l’Ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée en dernier lieu par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 (Loi Chevènement) ; elle est complétée par des décrets et des circulaires.

La loi sur l’asile est la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, modifiée par la loi du 11 mai 1998 ; elle est complétée par des décrets et circulaires qui définissent les procédures de demande d’asile.

Pour se procurer les textes de loi, s’adresser aux associations ou consulter le site Internet Legifrance : http://www.legifrance.gouv.fr ou celui du Journal officiel http://www.admin.net/jo

Les politiques et les lois françaises sont très restrictives, et les personnes étrangères désireuses d’obtenir le droit au séjour ou le droit d’asile en France sont confrontées à beaucoup de difficulté et d’arbitraire.

Les lesbiennes étrangères vivant ou voulant vivre en France sont bien entendu concernées par l’ensemble de cette législation et de cette réglementation, cependant deux éléments sont particulièrement pertinents.

 

1)          Le droit au séjour en raison de ses liens personnels en France

 

a) Les textes :

 

Article 12 bis alinéa 7 de l’Ordonnance du 2 novembre 1945 :« la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (…) à l’étranger (…) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Cette nouvelle disposition vise à permettre aux personnes étrangères de se prévaloir de l’article 8/1 de la Convention européenne des droits de l’homme.(« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Une circulaire d’application (NOR/INT/D/98/00108C) détaille les conditions d’admissibilité et les modalités d’instruction des demandes sur la base de cet article 12 bis alinéa 7.

 

Le PaCS, instauré par la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 : article 12 : « La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France au sens de l’article 12 bis alinéa 7 de l’Ordonnance de 1945 ». Une circulaire d’application du 10 décembre 1999 (NOR/INT/D/99/00251/C) précise la façon dont l’article 12 bis alinéa 7 est appliqué aux partenaires d’un PaCS. La durée de vie commune devait être de 3 ans avant que la demande de titre de séjour soit recevable. Ce délai a été réduit à un an par un télégramme du ministre aux préfets du 3 avril 2002.

 

C’est la mobilisation de groupes homosexuels et lesbiens qui a permis cette avancée, mais elle est encore très insuffisante, et nombre de couples pacsés rencontrent des difficultés à faire appliquer ces textes.

 

b) Les démarches

 

Une femme étrangère qui conclut un PaCS avec une femme de nationalité française (soit en France soit dans un consulat à l’étranger) doit présenter l’attestation de PaCS, la pièce d’identité de sa compagne, et les preuves de leur vie commune (attestation de domicile rédigée par sa compagne si elle est la locataire ou propriétaire du logement, factures de téléphone ou d’électricité aux deux noms, compte bancaire joint…). Elle s’adresse à la sous préfecture ou à la préfecture de son domicile pour déposer sa demande.

Avant de pouvoir se présenter à la préfecture ou en cas de refus de carte de séjour, elle sera en situation irrégulière. Mais si elle reçoit un arrêté de reconduite à la frontière, elle pourra se prévaloir du PaCS pour demander au tribunal administratif d’annuler cet arrêté.

Deux personnes étrangères peuvent conclure un PaCS : si l’une d’elles est en situation régulière, l’autre bénéficie des mêmes dispositions qu’en cas de PaCS avec une personne française. Deux étrangères en situation irrégulière peuvent aussi conclure un PaCS. Cela ne leur permettra pas de bénéficier du droit au séjour, il faudra qu’elles demandent leur régularisation pour d’autres raisons. Mais si l’une est régularisée, sa compagne pourra l’être grâce au PaCS.

 

2)          Le droit d’asile en raison des persécutions lesbophobes

 

a) Deux procédures d’asile

 

- L’asile conventionnel ou politique est basé sur la Convention de Genève de 1951, et les demandes d’asile sont examinées par l’OFPRA (Office français pour les réfugiés et apatrides).

L’article 1A de la Convention de Genève définit le réfugié comme la personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politique (et qui) se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». C’est la référence à « l’appartenance à un certain groupe social » qui peut être utilisé par des lesbiennes victime de persécution en tant que lesbienne.

 

La demandeuse d’asile dispose d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à la fin de la procédure et durant un an perçoit une allocation d’insertion (280 Euros par mois) mais n’a pas le droit de travailler légalement.

La demandeuse d’asile peut être reçue pour un entretien par un officier de protection (il faut exiger cet entretien si il n’est pas proposé).

En cas de refus du statut de réfugié, il faut faire appel dans un délai d’un mois à la Commission des recours qui statut en audience publique (le recours est suspensif). Il est très utile d’avoir un avocat. En cas de refus de la Commission, le recours se fait au Conseil d’État.

Admise au statut de réfugiée, la réfugiée obtient une carte de résident de 10 ans et un passeport international de réfugié (qui ne lui permet donc pas de revenir dans son pays d’origine). Elle peut demander la nationalité française par naturalisation sans condition de délai, à condition de parler français.

 

- l’asile territorial est une procédure ajoutée dans la loi française par la loi du 11 mai 1998. Elle se réfère à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Le décret n°98-503 du 23 juin 1998 expose et les procédures et démarches à faire.

La demande est examinée par le ministère de l’intérieur, la demandeuse étant auditionnée à la préfecture. La demandeuse d’asile territorial dispose d’une autorisation provisoire de séjour une fois que son dossier est déposé ; elle ne reçoit pas d’allocation et n’a pas le droit de travailler légalement.

En cas d’acceptation, elle obtient une carte de séjour d’un an renouvelable (à condition d’avoir un emploi) et c’est au bout de 3 à 5 ans qu’elle obtient une carte de résident. En cas de refus, il faut faire un recours gracieux et un recours au Tribunal administratif (ils ne sont pas suspensifs).

 

b) Faire un dossier

 

Que l’on demande l’asile territorial ou l’asile politique, il faut faire le récit le plus détaillé possible des persécutions, discriminations, violences ou  menaces subies, et en apporter des preuves (témoignages, documents policiers ou judiciaires, certificats médicaux, carte de membre d’une association…). Le fait que l’homosexualité soit criminalisée dans son pays, que la société, la religion ou la famille soient hostiles à l’homosexualité, est un élément important (fournir extrait du Code pénal, coupures de presse, rapports d’ONG…) mais absolument pas suffisant :  il faut que les persécutions soient individualisées. Enfin si les persécutions sont le fait de groupes non étatiques, il faut prouver, si on demande l’asile politique, que l’on n’a pas pu obtenir la protection des autorités et donc que celles ci sont complices de l’agent de la persécution..

Les demandes d’asile se font dans les préfectures. Il faut remplir divers formulaires, et remettre le dossier à la préfecture lors de l’audition (cas de l’asile territorial) ou l’envoyer à l’OFPRA (cas de l’asile politique).

 Les délais pour obtenir les formulaires et voir son dossier examiné sont longs (près de deux ans pour l’ensemble de la procédure, sans compter les recours).

 

c) Quelles sont les chances de succès ?

 

Les demandes d’asile politique sont satisfaites dans une proportion allant de 17% à 20% ces dernières années; les demandes d’asile territorial ne sont qu’exceptionnellement satisfaites (2,3% d’acceptation).

Très rares sont les personnes homosexuelles à avoir obtenu l’asile en France en raison de leur homosexualité : deux personnes (un transsexuel et un homosexuel algériens) ont obtenu l’asile politique[1] ; nous n’avons pas d’information sur d’éventuels bénéficiaires de l’asile territorial.

Cependant, en cas d’échec de la demande d’asile, il faut continuer à se battre, et en arguant des risques encourus en cas de retour au pays, tenter de faire annuler l’arrêté de reconduite à la frontière par le Tribunal administratif.

 

3)          Une solidarité nécessaire

 

L’appui d’une association qui donnera des informations et aidera à faire les démarches en accompagnant la personne à la préfecture) est très utile. La mobilisation de personnalités, d’élu/e/s, la médiatisation, peuvent servir. De plus c’est une lutte collective qui peut permettre de défendre les quelques acquis et d’obtenir les droits que nous revendiquons.

 

RAJFIRE : Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées, c/o Maison des femmes de Paris, 163 rue de Charenton, 75012 Paris. Permanences 2ème et 4ème mardi de 16h30 à 20h, tel  : 01 43 43 41 13.  Mail : rajfire@wanadoo.fr ; site Internet : http://maisondesfemmes.free.fr/rajfire.htm

ARDHIS : Association pour la reconnaissance du droit au séjour des personnes homosexuelles et transsexuelles, c/o CGL, 3 rue Keller, 75011 Paris. Accueil  1er et le 3ème mardi de chaque mois à 19h30 Mail : ardhis@writeme.com  Site Internet  : http://ardhis.free.fr

Amnesty International section française, 76 Bd de la Villette, 75019 Paris, tel 01 53 38 65 65

Commission homosexualité et droits humains, mail : comhomo@amnesty.asso.fr

Commission femmes : comfemme@amnesty.asso.fr

Groupe du 6 novembre (lesbiennes issues des migrations forcées, des colonisations et /ou descendantes de l’esclavagisme) : c/o Nomades Langues, 2 rue du Fbg Poissonnière, 75010 Paris. Mail : groupedu6novembre@yahoo.fr

 

Il faut rechercher aussi le soutien d’associations locales (il existe dans presque toutes les grandes villes des sections du MRAP, de la LDH, de la CIMADE…) et de groupes de femmes, de lesbiennes ou d’homosexuels (par exemple associations de femmes algériennes, groupe de lesbiennes arabes[2]…). Les groupes de lesbiennes en France notamment peuvent et doivent apporter une aide pratique, un soutien moral, combattre l’isolement.

 

MRAP : 43 bd de Magenta, 75010 Paris, tel 01 53 38 99 99, fax 01 53 38 99 84, Mail : mrap.immigration@ras.eu.org ;

LDH : 138-140 Rue Marcadet, 75018 Paris, tel 01 56 55 51 00, fax 01 42 55 51 21  Mail : ldh@wanadoo.fr

CIMADE : siège 176 rue de Grenelle, 75007 Paris, tel 01 44 18 60 50, fax 01 45 56 08 59. Accueil et service juridique, 46 bd des Batignolles, 75017 Paris, tel 01 40 08 05 34, Mail : cimade@imaginet.fr

 

On peut se procurer les textes de loi et de circulaires, des guides pratiques pour les recours, auprès du GISTI, Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés : 3 villa Marcès, 75011 Paris. Tel 01 43 14 84 84  Fax 01 43 14 60 69. Mail : gisti@ras.eu.org Site Internet  http://www.gisti.org

 

Durant les démarches, et en cas de refus de titre de séjour, il faudra réussir à vivre sans droit légal au travail, sans papiers. Les sans-papiers ont accès cependant à certains droits sociaux et droits à la santé (Voir GISTI, Sans papiers mais pas sans droit, Paris, 2001). La construction de réseaux de solidarité est fondamentale.

C.Lesselier (Rajfire), juillet2002



[1] Arrêt du Conseil d’État, 26 mai 1997 et décision de la Commission des recours de l’OFPRA du 24 mai 1998 (Mohamed Ourbih) ; décision de la Commission des recours de l’OFPRA, 16 avril 1999 (Tewfik Djellal).

[2] ASFAD (Association de solidarité aux femmes algériennes démocrates) : 94 bd Masséna, 75013 Paris tel 01 53 79 18 73, fax 01 53 79 04 41 (permanence lundi à jeudi 10 h -18 h). Mail : asfad@free.fr

Les N’Deesses (groupe de lesbiennes arabes), mail : ndeesses@sehakia.org ; site Internet : http://www.sehakia.org