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ter rue Voltaire, 75 011 Paris
Tél / fax : 01 43 56 36 48
Cet argumentaire est destiné à fournir des
“ armes ” afin de mener notre campagne. Il n’a pas une vocation
“ grand public ”.
Est-il
encore besoin de le dire : il existe des violences
“ spécifiques ” à l’encontre des femmes. Et ces violences ne sont pas
le fait de la mondialisation néo-libérale, de la misère ou de l’accroissement
de la violence en général dans notre société, même si ces situations sont un
facteur d’aggravation des violences, notamment à travers le délitement du tissu
social et la considérable expansion de la traite à des fins prostitutionnelles
impulsée par des réseaux mafieux depuis la chute du Mur de Berlin. Ces
violences sont “ spécifiques ” dans la mesure où elles sont la
conséquence de la domination patriarcale, de l’oppression que subissent les
femmes et les petites filles1. Les
inégalités, les discriminations, la prétendue infériorité naturelle des femmes
ont pour corollaire les viols, les coups, les mutilations sexuelles, les
mariages forcés, la prostitution, etc.
Ces
violences sont “ spécifiques ” dans la mesure où ce sont les femmes
ou les petites filles qui les subissent en majorité. Les hommes qui les
subissent sont en minorité et sont “ ravalés ” au rang de femmes. Les
personnes qui les violentent sont en majorité écrasante d’autres hommes.
Ces
violences sont millénaires mais ont curieusement donné lieu jusqu’à il y a
encore peu de temps, à part les écrits des associations féministes dites
« spécialisées », à peu
d’études sérieuses en France (quelle en est la raison ?). Cette situation
est heureusement en train d’évoluer. Le
livre de Vigarello (Histoire du viol) est un bon outil pour argumenter notre propos. Ces violences
sont universelles, aucun pays, aucun territoire n’est épargné.
Pourquoi
insister sur la spécificité de ces violences : parce que, et nous le
verrons au fil de cet argumentaire, beaucoup de gens tendent à nier ces
violences car elles dérangent : elles montrent jusqu’où peut aller la
domination masculine et elles prouvent, intrinsèquement, l’existence de cette
domination. La tendance est souvent grande de leur imputer d’autres causes ou
de les noyer dans un ensemble plus vaste : misère, exploitation,
mondialisation qui sont le fait du capitalisme. On escamote ainsi la domination
masculine…..
Nous
aborderons plusieurs thèmes :
IV Un peu d’histoire ……
VI
Quelles revendications, quelles réflexions ?.
Il est donc nécessaire de ré insister sur l’analyse féministe des
violences. En effet, depuis que les féministes ont commencé à mettre à jour les
violences à l’encontre des femmes et à s’y opposer sont apparues dans les pays
occidentaux des tendances qui visaient à imputer les violences à autre chose
qu’à la domination masculine2. Par
exemple il y a une tendance certaine à vouloir “ psychologiser ” les
violences conjugales en expliquant que c’est un manque de communication qui se
produit dans le couple (et on préconise donc la médiation pour solutionner le
problème et/ou la thérapie familiale).
Ou alors pour les viols et autres agressions sexuelles sur enfant dire que
l’auteur des violences est immature affectivement et sexuellement. Ou alors
qu’il a été lui même violenté et
maltraité dans son enfance et qu’il reproduit de façon transgénérationnelle .
On parle aussi par exemple de “ famille incestueuse ” évacuant
ainsi qui est le coupable en suggérant quelque part que toute la famille ( y
compris la victime ?) est responsable.
Toutes ces explications peuvent
avoir une part de validité mais elles évacuent la domination masculine et
l’oppression des femmes.
Pour nous les violences, ou la menace de violences sont un instrument du
contrôle social des femmes par les hommes. Les sphères d'autonomie, conquises
de haute lutte durant le 20ème siècle, dans les lieux publics, le
travail ou la maison et auxquelles tous les hommes ne se sont pas résignés ,
parce qu’elles signifient une perte de pouvoir pour eux mêmes, peuvent se payer
par des violences. L’augmentation de la précarité des femmes notamment et au travail en particulier permet de
rendre ces femmes plus vulnérables à toutes sortes de pressions et est un
facteur supplémentaire autorisant l’accomplissement des violences. Les
violences, ou la possibilité d’en user, sont les garantes du maintien de
l’ordre social patriarcal établi.
La violence à l'encontre des femmes est un fait social, qui doit
être reconnu en tant que tel, et non pas seulement une somme de terribles
histoires individuelles.
Le fait d’insister sur la diversité de ces « modèles explicatifs » n’est pas fortuit. Selon que l’on se réfère à tel ou tel « modèle », les réponses apportées aux victimes, les actrices, acteurs en jeu et les solutions préconisées ne seront pas les mêmes. Il faut en avoir conscience car cela a beaucoup d’incidences dans la réalité.
Il semblerait que l’ “ imagination ” des auteurs de violences
soit sans limite : viols, viols incestueux, viols collectifs, autres
agressions sexuelles, mutilations sexuelles, violences conjugales, harcèlement
sexuel, mariages forcés, prostitution,
rien ne les arrête, et encore nous ne parlons ici que de la France
La dénonciation des violences par le mouvement des femmes a commencé au
début des années 1970. Mais toutes les formes de violences n’ont pas été
dénoncées en une seule fois. Les viols collectifs dans les cités (improprement
appelés “ tournantes ”, ce qui masque le caractère du viol) par
exemple existent depuis fort longtemps mais la pression sociale et les risques
de représailles encourus étaient tels qu’il a été impossible de les dénoncer
avant la période actuelle. Les viols collectifs existent d’ailleurs depuis fort
longtemps aussi en dehors des cités, dans tous les milieux et la pression
sociale et les risques de représailles sont tout aussi forts. .
Il est toujours difficile de “ chiffrer ” les violences. Les femmes et les petites filles qui en sont les victimes ressentent paradoxalement honte et culpabilité et en très grande majorité ne dénoncent pas ces violences. Elles restent donc largement non dites. Ceci dit, la dégradation toujours plus grande du tissu social, liée à la désindustrialisation et à la croissance du chômage, peut laisser supposer une augmentation des violences. Mais ce n’est qu’une supposition.
Traditionnellement,
avant la parution de l’ENVEFF3 sur le
viol par exemple, on avait coutume de dire qu’une femme sur 4 ou 5 déposait
plainte. Les chiffres cités s’appuyaient sur les statistiques d’entretiens
téléphoniques ou en face à face menés par les associations féministes
(Association contre les violences faites aux femmes au travail, Collectif
féministe contre le viol, Fédération nationale solidarité femmes). Nous
disposons aussi du nombre de plaintes annuellement déposées4
(statistiques du Ministère de la Justice).
1)
L’ENVEFF
L’ENVEFF
nous permet d’avoir des chiffres précis et "objectivés
scientifiquement". Cette enquête a été réalisée à la demande de Nicole
Péry, secrétaire d’État aux Droits des femmes, par une équipe de chercheuses et
chercheurs appuyée par les associations militant sur les violences, afin que la
France se mette en conformité avec les engagements de Pékin de 1995. Elle a été
réalisée par entretiens téléphoniques auprès d’un échantillon de près de 6970
femmes âgées de 20 à 59 ans[5].
C’est donc une enquête basée sur la parole des femmes.
Voici , fort brièvement, certains chiffres : (tirés des Premiers résultats sortis en 2001).
Les violences ont été analysées dans tous les “ cadres de vie ” des femmes, au cours des 12 derniers mois et au cours de la vie. Les violences sont verbales, psychologiques, physiques, sexuelles.
Tous
âges confondus et toutes “ sphères ” confondues, 4% de femmes ont été
victimes d’agressions physiques dans les 12 derniers mois précédant l’enquête,
1,2% d’agressions sexuelles dont 0 ,5% de tentatives de viols et de
viols et 0,3% de viols. En extrapolant aux 15 884 000 femmes métropolitaines de
20 à 59 ans ces 0,3%, on trouve 48 000 femmes de 20 à 59 ans qui disent avoir
été victimes de viol en 1999 !
Dans
les 12 derniers mois et dans l’espace public ( rue, transports, lieux publics),
tous âges confondus, 13,3% de femmes ont subi des agressions verbales (25% de
femmes auteures), 5,2% ont été suivies, 1,9% ont subi des “ avances ”
(non désirées) et des agressions sexuelles, 1,7% des agressions physiques (20%
de femmes auteures).
Dans
les douze derniers mois et au travail, tous âges confondus, 8,5% de femmes ont
été victimes d’agressions verbales et menaces, 16,7% de pressions
psychologiques, 2,7% d’agressions physiques et 1,9% de harcèlement sexuel
(définition plus large que celle de la loi).
Sauf
pour les agressions et le harcèlement sexuel qui sont masculins, des collègues
femmes peuvent être impliquées dans ces violences.
Dans
les douze derniers mois, 9,5% de femmes en couple au moment de l’enquête et
30,7% de femmes qui ne sont plus en couple au moment de l’enquête déclarent avoir
subi des violences conjugales. Celles ci, citons les puisqu’elles font l’objet
de polémiques, comprennent : les insultes, le chantage affectif, les
pressions psychologiques dont le harcèlement moral, les agressions physiques et
les viols et autres pratiques sexuelles imposées.
A
part les agricultrices qui ont une fréquence de 5,1% de violences conjugales,
toutes les autres catégories socioprofessionnelles ont une fréquence voisine
(de 8,7% à 10,2%). Idem pour les femmes au foyer. En revanche, les chômeuses et
les Rmistes sont victimes à 13,7% et les étudiantes à 12,4%.
C’est
la tranche d’âge la plus jeune (20-24 ans) qui est la plus victime (15,3%).
En
ce qui concerne les violences au cours de la vie :
-
17,8% de femmes ont
subi des agressions physiques depuis l’âge de 18 ans
-
11,4% ont subi des
agressions sexuelles au cours de la vie
-
8% ont subi des viols
et tentatives de viols au cours de la vie
-
2,9% ont subi des viols
au cours de la vie.
Un
grand nombre de femmes ont parlé pour la première fois lors de l’enquête des
violences subies, que ce soit lors de douze derniers mois ou au cours de la
vie.
Dans
les douze derniers mois, les agressions sexuelles, quel qu’en soit le cadre,
sont fort peu dénoncées (moins de 5% des victimes !). Et encore, cette
dénonciation s’opère auprès du médecin en majorité ou du représentant du
personnel au travail.
Les
agressions physiques sont plus dénoncées dans les douze derniers mois.
Au
cours de la vie, un viol donnera lieu à 11% de plaintes et à 8% de suites
judiciaires (chiffres inférieurs à ceux des associations).
Les
femmes victimes de sévices ou de coups répétés dans l’enfance sont plus
exposées dans les douze derniers mois aux violences conjugales que les femmes
n’en ayant pas subi.
Au
cours des douze derniers mois, les femmes qui ont été hospitalisées sont en
nombre plus élevé parmi celles qui ont subi des agressions physiques ou
sexuelles. Elles prennent aussi plus de psychotropes.
En
conclusion de ce résumé lapidaire, citons les rédactrices :
“ C’est dans le cadre de la vie de couple que les femmes adultes subissent le plus de violences psychologiques, physiques et sexuelles .”
Il
est évident qu’il ne faut pas se limiter à ces résultats et qu’il faut se
reporter à la totalité de l’enquête parue en juin 2003 à la Documentation
française : Les violences envers les femmes en France. Une enquête
nationale.
2) L’étude de
Simone Iff et de Marie Claude Brachet.
Une
autre enquête fort digne d’intérêt a été réalisée en 2000 par Simone Iff et Marie Claude Brachet et porte comme
titre : “ Viols et agressions sexuelles le devenir des
plaintes
”. Cette étude chiffrée
est fort instructive pour nous car les
chiffres ont été recueillis dans les dossiers de justice dont l’accès est en
général prohibé. En effet elle porte sur le suivi des plaintes pour viols et
autres agressions sexuelles jugés en 1995 auprès du Tribunal de Grande Instance
de Créteil dans le Val de Marne.
L’abord
est donc fort différent de l’ENVEFF et nous renseigne sur un autre aspect des
violences : l’abord juridique.
420 plaintes par an sont enregistrés en moyenne dans le Val de Marne. Les auteures n’ont trouvé que 117 dossiers donc …..303 plaintes ont été ….. perdues en route. 68 plaintes concernent des viols (crimes) qui relèvent des Assises. Or, seuls ¼ des viols ont été effectivement jugés aux Assises et 40% des plaintes ont occasionné un non lieu ou un classement sans suite.
Citons la conclusion de S. Iff :
“ Plus
sidérant encore : à peine 55% des auteurs mis en cause ont été condamnés
(79 auteurs pour 117 plaintes retenues sur 420 déposées !). Autrement dit
si l’on prend en compte les 303 plaintes non sanctionnées on constate que 19
plaintes seulement sur 100 font l’objet d’une condamnation ! Donc l’auteur
d’un viol ou d’une agression sexuelle ne court le risque d’être condamné que 19
fois sur 100 !! ”[6]
L’étude
aborde dans le détail le contenu des dossiers : la présentation des
affaires, la durée de la procédure,
les non lieux, les classements sans suite, les expertises des victimes et des
agresseurs, les déqualifications des viols en délits, les condamnations, les
“ délinquants sexuels ”, les victimes.
Il est possible de se la procurer.
3) Le rapport Henrion sur les violences
conjugales : “ Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des
professionnels de santé ”, rapport au Ministre chargé de la Santé réalisé
par un groupe d’experts sous la présidence de Monsieur le Professeur Roger
Henrion . Février 2001
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/violence/index.htm.
Les
violences y sont reconnues comme faisant partie de la santé publique.
Le
rapport aborde en 1ère partie les “ données
épidémiologiques ”. Des rapports effectués
aux Etats Unis, certaines constantes apparaissent : l’importance des
“ séquelles traumatologiques ”,
le “ risque pour la santé mentale des victimes ”, la particulière exposition des femmes enceintes,
le silence des femmes par rapport aux soignantEs, et le peu de questions de
celles et ceux ci.
Diverses études françaises sont citées mais
ce sont des enquêtes parcellaires qu’il serait trop long de retracer ici
d’autant plus que l’ENVEFF, citée dans la suite du rapport, a été effectuée sur
un échantillon beaucoup plus important et qu’elle synthétise de nombreux items.
Notons cependant que “ par ailleurs,
dans une étude réalisée en 1998 ( à l’Institut Médico - Légal de Paris, NDLR) , un profil des auteurs d'homicide de leur conjointe
a pu être précisé : en dehors des cas d'alcoolisme, il s'agit d'hommes
psychopathes, ayant une certaine notoriété, bénéficiant par leur fonction d'un
certain pouvoir pour lequel le sens de l'autorité est perçu comme une qualité
professionnelle de prise de responsabilité. On remarque une proportion très
importante de cadres (67 %), de professionnels de santé (25 %), de
représentants de l'armée, la police… ”.
Sont
citées ensuite des études réalisées à l’étranger : lors d’enquêtes
nationales sur des échantillons
représentatifs de la population ont note qu’aux Pays Bas, 26% de femmes de 18 à
60 ans ont été victimes au cours de leur vie de violences physiques ou
sexuelles au sein de leur couple ( = avec un partenaire sexuel régulier)
(1986), 25% au Canada (1993), 21% en Suisse (1994), 22% en Finlande (1997),
“ entre 3 à 8% des femmes sont
victimes de violences au cours de leur grossesse ”.
Une enquête européenne sur “ prématurité
et violence familiale ”
de 1995 1996 est citée.
Le
rapport cite ensuite un certain nombre d’enquêtes étatsuniennes .
La
2ème partie concerne les “ conséquences
des violences conjugales sur la santé des femmes et de leurs enfants ”.
Celles ci ont évidemment une “ incidence
majeure sur la santé des femmes ”. Les “ incidences
sociales ” sont
aussi soulignées . Sur les conséquences de santé, le rapport cite :
la traumatologie, les pathologies chroniques, les décès ( “ les violences conjugales sont une des causes
principales de mortalité des femmes ”). Au sujet des décès c’est ici que l’on retrouve la
statistique qui dit que 6 femmes meurent par mois de violences conjugales.
C’est plus précisément le Ministère de
l’Intérieur qui cite 3 décès dus aux violences conjugales par quinzaine.
Les autres conséquences sont : la
psychiatrie (50% de femmes victimes sont sujettes à des dépressions entre
autres troubles fort nombreux et divers, et “ dans l’ensemble les femmes victimes de violences
conjugales reçoivent 4 à 5 fois plus de traitements psychiatriques que dans la
population générale ”),
les troubles gynécologiques, les troubles obstétriques (“ la grossesse est un facteur déclenchant ou
aggravant ”, les
conséquences peuvent aussi se porter sur l’enfant à naître ), la pédiatrie (“ la violence
dont l’enfant est témoin a les mêmes effets sur lui que s’il en était victime ”,
conséquences donc sur
la santé de l’enfant)
La
3ème partie du rapport concerne les “ aspects
juridiques et déontologiques ”. Il note un “ conflit
entre la prise en compte de l’intérêt du patient et l’obligation du secret
professionnel ”
que ce soit dans le Code pénal ou dans le Code de déontologie.
Selon
le rapport, la situation est claire pour les enfants qu’il faut impérativement
protéger selon l’article 226-14 du Code pénal. Pour les femmes adultes, “ l’obligation de porter secours ne figure pas dans la
loi en tant que telle et est laissée à l’appréciation du médecin ”. Mais le rapport encourage
à ne pas “ se retrancher derrière le code de déontologie
lorsque la vie d’une personne est en danger ”.
La
4ème partie porte sur
“ le rôle des médecins ”. Le rapport le juge primordial. Sont en 1ère
ligne : les généralistes libéraux, les urgentistes des hôpitaux et les
gynécologues. “ Cependant, la
méconnaissance de la fréquence et de la gravité des violences conjugales ou
domestiques persiste dans les milieux de soins, ce qui s'explique par des
réticences, des freins culturels, qu'il convient de mettre en lumière pour
adopter des mesures correctrices efficaces. ”. Le rôle des médecins ne peut se
limiter à la prescription de médicaments. Le médecin doit pouvoir et savoir
“ accueillir et être à l’écoute ”, “ dépister les violences ” (et des questions à
poser aux femmes sont suggérées pour aider le médecin dans sa
tâche), “ évaluer la gravité ” (“ On doit se garder de sous-estimer le caractère très
destructeur qu'un climat de violence à long terme exerce sur la femme
quelle que soit la gravité de signes cliniques apparents ”. ),
“ assurer les soins et constituer un dossier ”, “ rédiger le
certificat ” qui
sera un élément important s’il y a poursuites judiciaires, “ informer et orienter la patiente ”.
Le
titre de la partie 5 est “ les
difficultés rencontrées par les médecins et les raisons de leur réticence ”. Deux études françaises
récentes nous éclairent sur ce problème (thèse de médecine de Cécile Morvant -mai
2000 et article de Jean-Yves Chambonet et coll.-septembre 2000). Certains
médecins restent passifs ou ont du mal à gérer les situations à cause de :
la non prise en compte de l’ampleur du problème et l’ignorance du fait que la
violence s’exerce dans tous les milieux, la peur de l’intrusion dans la vie
privée, le sentiment de frustration estimant ne pouvoir rien faire pour
améliorer ce type de situation, le sentiment d’ isolement en tant que
professionnel, le manque de temps pour
écouter les victimes, la peur des retombées judiciaires sur eux-mêmes, le
manque de formation provoquant la peur d’aborder le problème, une histoire
personnelle de violences, la mise en doute des déclarations des femmes.
La
passivité atteint aussi les spécialistes. De fait les certificats ne sont pas
toujours bien rédigés et le rôle du médecin décrit auparavant n’ est pas bien
assumé.
La partie 6 porte sur les agresseurs. Selon le rapport,
certains hommes seraient "plus
enclins a la violence".85
a 95% des hommes violents seraient des alcooliques selon toutes les
statistiques (L'ENVEFF donne des
chiffres nettement moindres).
Ensuite
le groupe de travail fait des propositions : sensibiliser le public et les
professionnels de santé, engager des actions de prévention, former les médecins
et les professionnels de santé (formation initiale et continue), "mettre en place une politique coordonnée d' aide aux
victimes", lancer
des études et des recherches. Dix actions son citées comme prioritaires à
mettre en œuvre rapidement.
Le
rapport se termine en annexe par des cas cliniques puis la liste des membres du
groupe de travail.
4)
La situation des femmes immigrées, venues en France à la suite d’un mariage,
victimes de violences conjugales.
Les femmes qui obtiennent un titre de séjour
parce que mariées avec un Français ou un résident étranger se trouvent en
situation de dépendance juridique. Si une séparation intervient, ces femmes
courent le risque de ne pas se voir délivrer ce titre de séjour, de ne pas le
voir renouveler, ou de le perdre. On imagine alors aisément la situation
extrêmement difficile dans laquelle peuvent se trouver ces femmes si elles sont
victimes de violences conjugales. Le « choix » est entre quitter son
mari et perdre ses papiers, ou rester avec son mari et endurer les violences au
risque de se faire tuer.
C’est
pour lutter contre cet état de fait, entre autres, qu’a été créé un comité
d’action inter-associatif : « Droits des femmes, droit au séjour,
contre la double violence ».
D’autres
études ont été réalisées telles que celle du Collectif féministe contre le
viol : “ Agressions sexuelles incestueuses dans un
contexte de séparation des parents :dénis de justice ? ” (juin 1999)
ou des données chiffrées
publiées au niveau
international : cf. le texte de la Marche Mondiale pour Porto Allègre
2002.
Tous
ces chiffres sont convergents et nous amènent vers un terrible constat :
la massivité des violences et leur caractère récurrent.
“ Les répercussions qu'endurent les femmes victimes de
violences ne sont jamais anodines. C'est toujours une personnalité entière qui
est ébranlée, une remise en cause totale qui s'opère.
Paradoxalement, quels que soient les circonstances et le " type " de
violences subis, les femmes ressentent honte et culpabilité. Honte de ce
qu'elles ont subi comme effraction de l'intime, comme négation de leur libre arbitre
et de leur intégrité physique et psychologique. Culpabilité de n'avoir
soi-disant opposé aucune résistance ( la réalité est en fait un peu plus
complexe). Et ce, dans tous les coins et recoins du monde au sud comme au nord,
à l'est comme à l'ouest.
Les conséquences des violences se répercutent en
premier lieu sur la santé des femmes. Conséquences physiques telles que
hémorragies répétées pouvant aller jusqu'à la septicémie à la suite de
mutilations sexuelles, membres cassés, etc. à la suite de coups répétés,
somatisations multiples.
Par définition elles peuvent aller jusqu'à la mort
dans le meurtre des nouvelles-nées en Chine, les crimes d'honneur en Jordanie
ou au Maroc, les meurtres de femmes à Ciudad Juarez au Mexique. Mais la mort
peut venir aussi de violences conjugales : un coup un peu plus appuyé que les
autres de la part de son mari et à un endroit particulièrement vulnérable. La
Banque mondiale, elle même est contrainte de reconnaître que les violences
envers les femmes sont une cause de décès et d’incapacité chez les femmes en
âge de procréer aussi importante que le cancer et une cause de mauvaise santé
plus importante que les accidents de la route et la malaria combinés.
Conséquences aussi psychologiques : perte de
l'estime de soi, dépression, tentatives de suicide, phobies, cauchemars, crises
d'angoisse, psychoses, peur des rapports sexuels, entrée dans la prostitution,
etc.
Les conséquences peuvent revêtir un aspect plus "
matériel " : déménagement, perte d'emploi. Le rapport à l'entourage peut
être bouleversé : rupture avec le conjoint, éloignement de prétendus "
amis ". »
On comprend dans ces
conditions pourquoi les femmes ont du mal à se nommer en tant que
victimes : personne n’a envie de retracer des situations d’humiliation, de
vécu de l’arbitraire, de négation de l’autre. D’autant plus que notre société
néo libérale n’aime que les personnes battantes pas les perdantEs, les laisséEs
pour compte. Et une femme victime de violences, fait un peu partie de ceux là….
Nous devons, bien au
contraire, revendiquer le terme de victime pour une femme qui subit des
violences. Elle subit un dommage gravissime qui doit être reconnu . C’est cela
être victime.
Les féministes, en dénonçant
les violences ne sont pas dans la victimisation mais dans la lutte contre ce
qui nous opprime.
IV Un
peu d’histoire ……
Avant
que la deuxième vague féministe du 20ème siècle ne mette en lumière
l’existence de ces violences et n’entame le combat , il faut bien reconnaître que la société ne s’en était jamais beaucoup
émue. Bien sûr, il existait une loi sur le viol (le Code pénal du 6 octobre
1791 “ commençait à faire une distinction entre le rapt et le viol , sans
toutefois les séparer complètement[7] ”),
mais les autres violences (à part l’
“ attentat à la pudeur ”) n’étaient pas nommées et donc n’existaient
pas. Il a fallu des luttes féministes acharnées durant toute la décennie 70
pour que l’on aboutisse au vote d’une nouvelle loi sur le viol le 23 décembre
1980. Et encore, les débats parlementaires se sont étalés sur 4 ans !
Quand on voit à quelle vitesse a été votée la Loi sur la sécurité intérieure de
Sarkozy, le moins que l’on puisse dire
c’est qu’il n’y avait pas un engouement particulier à légiférer rapidement.
Après les grandes luttes du début de la
décennie sur l’avortement, le second combat pour la libre disposition de son
corps, de son intégrité physique et psychologique fut la lutte contre le viol.
A un rythme plus ou moins soutenu se succédèrent donc durant des années
meetings de dénonciation, manifestations, procès fortement médiatisés, ripostes
“ extra-judiciaires ”. Citons quelques dates :
-
1972 : journées de
dénonciation des crimes contre les femmes
-
1974 : manif
“ Prenons la nuit ”
-
1976 : 10 heures
contre le viol.
-
1978 : procès
d’Aix
L’enjeu
était de taille : faire reconnaître dans la réalité le viol comme
un crime. L’enjeu était aussi de sortir le viol de l’invisibilité du
“ privé ”, de mettre un point final au processus qui consistait à
transformer les femmes victimes de viol en coupables.
La
lutte contre le viol a ouvert la voie à toutes les luttes contre les violences
faites aux femmes.
Un
premier Collectif féministe contre le Viol avait été créé en 1978 et se réunissait au Mlac, rue Vieille du
Temple à Paris.
Dans les années 80 ont été créés le GAMS, le
CFCV, l’AVFT, la FNSF[8].
Des structures d’hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales
furent crées dès les années 1970[9]
mais elles n’étaient pas fédérées .
1)
L’arsenal juridique
A
la faveur de nos luttes un véritable arsenal juridique a été constitué mais
somme toute assez lentement. Certaines
incriminations n’existaient pas et ont du être rajoutées au Code Pénal.
Citons
les lois :
-
nouvelle loi sur le
viol : 1980 ( article 222-23 du Code Pénal). Elle donne une définition du
viol : “ Tout acte de pénétration sexuelle, commis sur la
personne d’autrui par contrainte, violence, menace ou surprise, est un
viol ”. Cette définition permet de prendre
en compte le viol conjugal, le viol homosexuel. Elle permet aux associations
(sous certaines conditions) de se porter partie civile et aux victimes de
poursuivre les organes de presse qui auraient cité des noms sans autorisation.
-
loi instituant le délit
de circonstance aggravante pour les violences subies par le conjoint (article
222-7 et suivants du Code pénal) : 1992 et applicable avec le nouveau Code
pénal de 1994. Cette loi est fort incomplète car il manque la possibilité d’incriminer un ex-conjoint.
-
loi instituant le délit
de harcèlement sexuel (articles 222-33
et 222-33-1 du Code pénal et articles L 122-46 à 48 du Code du travail ) :
1992 et applicable aussi avec le nouveau Code pénal de 1994. Ce n’est que
depuis fort peu de temps (loi du 17 janvier 2002) qu’il est possible d’incriminer un collègue de travail
pour harcèlement sexuel. Avant, ceci ne pouvait être le fait que d’un supérieur
hiérarchique.
- les mutilations sexuelles sont régies par la loi 222-9 du Code pénal qui porte sur : “ Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ».
-
Loi de 1989 instituant
la “ prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs ”. Cette loi prévoit aussi un allongement du délai de prescription à
partir de la majorité pour les mineurEs victimes de viols par ascendant ou par personne ayant autorité
sur la victime .
-
loi de 1998 instaurant
le suivi socio-judiciaire et prévoyant des mesures de procédure pénale (
enregistrement sonore ou audio visuel des dépositions, présence d’un tiers lors
de l’audition en justice, motivation des décisions de classement sans
suite, remboursement à 100% par la
Sécurité sociale des frais de santé occasionnés par les violences) mais
uniquement pour les victimes mineures. Le délai de prescription qui
commence à courir à partir de la
majorité est étendu à toutes les victimes mineures quel qu’en soit l’auteur,
qu’il s’agisse de crimes ou de délits. Les agressions sexuelles autres que le
viol et les atteintes sexuelles sans violence commises sur un mineur par une
personne ayant autorité sur la victime ( qui sont des délits) seront prescrits
au bout de 10 ans ( comme un crime) au lieu de 3 ans pour un délit .
Instauration d’un fichier d’empreintes génétiques pour les personnes condamnées
pour infraction sexuelle.
-
Loi réprimant le
proxénétisme : articles 225-4-1 à 225-9 du Code pénal. Les articles
225-10-1 et 225-11 traitent du racolage (passif et actif ) et de la tentative
de le faire. L’article 225-12 de la possibilité d’incriminer les personnes
morales pour les infractions précédentes.
L’article 225-12-1 traite de la prostitution des mineurs et des
personnes vulnérables, l’article 225-12-2 de l’aggravation des peines dans certaines
conditions notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans. L’article 225-12-3
traite de la loi française qui s’applique à l’étranger pour des Français ou des
personnes résidant habituellement en France (pour les infractions de l’article
225-12-1 et 225-12-2). L’article 225-12-4 traite encore des personnes morales.
2)
Qu’en est il de l’application des lois ?
L’application effective des lois constitue vraiment une pierre d’achoppement. L’étude de S. Iff et M.C. Brachet, qui nous plonge dans le détail des décisions judiciaires, nous montre, comme nous l’avons dit auparavant, le nombre de non lieux, de classements sans suite, de déqualifications des viols (passer du crime au délit et donc du viol à une “ autre agression sexuelle ”).
Porter plainte pour un viol en France est encore de nos jours un véritable parcours du combattant.
Dans un même ordre d’idées, il est toujours aussi difficile de vouloir porter plainte pour viol conjugal s’il n’y a pas eu d’autres violences associées même si un homme a été condamné à Toulouse en 2002.
Pour les violences conjugales, lorsqu’elles sont de l’ordre du délit, c’est la médiation (tarte à la crème visant à désengorger les tribunaux) qui est encouragée, déniant ainsi le caractère sanctionnable des faits. Cette médiation renvoie dos à dos les protagonistes du couple sans prendre en compte qu’il y a un agresseur et une victime. La médiation est aussi employée dans les affaires de harcèlement sexuel au travail pour lequel peu d’affaires arrivent jusqu’aux tribunaux (prud’hommes ou pénal.)
Le suivi socio- judiciaire et son injonction
de soins (sur lesquels il y a beaucoup
à redire) ne sont pas mis en pratique…. D’ailleurs il devait y avoir 5
ans après le vote de la loi un bilan d’étape : où est-il ?
Il
y a une imprégnation idéologique quant à la véracité de la parole des femmes
qui mène à cet état de fait devant les tribunaux. A priori, dans la majorité
des cas, il y a suspicion. Et cette suspicion ne relève pas du fait d’instruire
“ à charge et à décharge ” mais bien de la misogynie ambiante même
quand ce sont des magistrates qui sont concernées. Pourquoi dit on qu’au
Parquet de Paris, la parole d’une mère d’enfant victime de violences qui dépose
plainte contre son conjoint est systématiquement taxée de “ fausses allégations ” ?
Ceci
dit il est évident qu’il faut s’interroger sur ce blocage qui dure depuis plus
de 20 ans et tenter de trouver des moyens d’action.
3)
Le double langage de la société
La société prétend réprimer les violences MAIS :
-
devant les tribunaux,
les femmes sont encore accusées d’avoir provoqué
- sur le harcèlement sexuel est toujours cité l’exemple des Etats Unis qui verserait dans un excès fort dommageable mais chez nous en France on sait prendre en compte la “ séduction ” même sur le lieu de travail….
- sur les violences conjugales, on se demande toujours pourquoi la femme n’est pas partie du domicile ou alors on dit qu'elle est fautive puisqu'elle a provoqué son conjoint par de la violence verbale, etc.
On pourrait ainsi additionner les stéréotypes à perte de vue.
La
société prétend réprimer les violences MAIS elle a octroyé par la loi Guigou de
1998 des mesures de procédure pénale en cas de viol qui bénéficient aux
mineurEs victimes. Fort bien, mais pourquoi les victimes majeures, fort
fragilisées elles aussi, ne pourraient –elles pas en bénéficier ? Ne
créerait-on pas par ce genre de séparations une catégorie de “ sous
victimes ” ( les majeurEs) qui somme toute auraient peut être pu se
défendre ? Ne banaliserait-on pas
ainsi les violences subies par les femmes adultes ?
La
société prétend réprimer les violences
MAIS elle crée par cette même loi Guigou de 1998 un suivi “ socio-
judiciaire ” qui peut comporter une “ injonction de soins ”. Elle tranche ainsi par la bande un débat qui
n’a jamais eu lieu en fait : les violeurs, agresseurs, et frappeurs
sont-ils des malades ? En réalité, il semble y avoir beaucoup de
difficultés pour mettre en pratique cette “ injonction de soins ”.
La
société prétend réprimer les violences mais, au nom de la liberté d’expression
et/ou de l’humour, elle laisse s’afficher la pub sexiste, parfois une véritable
incitation au viol (Suchard, la City) ou aux coups (Babette) . La pub sexiste
nous imprègne constamment les neurones et les tripes de la normalité de voir
des femmes à poil pour vendre n’importe quoi. Idem pour la pornographie qui
banalise une image dégradante du corps des femmes et qui sert de source d’
« inspiration » à certains agresseurs sexuels.
C’est
toujours au nom de la liberté qu’on opprime les femmes. Mais c’est toujours de
la liberté des oppresseurs et dominants, qu’ils veulent universelle, dont il s’agit : liberté pour LEUR
expression dans la pub sexiste ou la pornographie, liberté pour LEUR
consommation de sexe dans la prostitution et toujours la porno, etc. Et c’est
beaucoup mieux si l’on trouve des femmes pour aller dans le même sens : C.
Millet, des “ travailleuses du sexe ”, etc.
Les
médias développent toujours une attitude complaisante quant aux
violences : à la radio par exemple quand des faits de harcèlement sexuel
sont relatés, on sent toujours poindre une petite touche d’ironie dans la voix
du présentateur. Egrillardise et grivoiserie se côtoient… Les violences ne sont
jamais prises au sérieux sauf quand il
y a un drame.
Elle
s’inscrit et participe du retour de bâton plus général mais c’est un angle
d’attaque très utilisé à l’heure actuelle pour nous miner de l’intérieur :
par exemple Badinter et Iacub seraient des féministes qui se battent contre la
victimisation où nous voulons enfermer les femmes.
1)
Les
affaires de non représentation d’enfants et SOS Papa ou le Mouvement de la
Condition Paternelle, bref les masculinistes.
Ces associations ne sont pas de création récente. SOS Papa a été fondé en 1990, Voilà ce que l’on trouve sur son site :
“ Pour la déjudiciarisation du divorce et pour des
lois qui prennent en compte l’évolution de la famille, l’intérêt réel de l’enfant
et l’égalité des droits de chacun des parents. Des lois qui conduisent à
l’apaisement des tensions de la séparation, qui retirent aux avocats le divorce
par demande conjointe et qui imposent des limites à l’arbitraire des magistrats
dans les procédures où l’obscurantisme social et le sexisme peuvent influer
gravement sur les décisions. ”
Voilà
ce que l’on trouve sur le site du Mouvement pour la Condition Paternelle :
“ Le Mouvement de la Condition Paternelle, association
loi 1901à but non lucratif, a été fondé en 1974 par des pères qui, ayant vécu
une séparation parentale difficile, ont compris que le système judiciaire par
lequel on fait passer les couples en conflit ou les époux qui divorcent
fonctionne comme une sorte de machine infernale sexiste
qui attise les conflits et broie le plus souvent la relation
père-enfant.
Cette machine
jette à la rue des pères, les déstabilise, ce qui en fait une proie de choix
pour le chômage, l’exclusion, voire la folie, et le suicide.
Cette machine
renvoie les femmes au seul rôle que leur reconnaissent les sociétés
patriarcales : celui de mère.
Cette machine
ampute les enfants d’un de leurs deux piliers et les déstabilise ce qui en fait
souvent une proie de choix pour l’échec scolaire, la drogue, et la délinquance
et compromet leur capacité future à construire une vie familiale équilibrée.
Notre Mouvement
se donne à la fois comme objectifs :
- L'organisation
de la solidarité et de l’entraide envers les parents qui traversent les
tumultes d’une séparation conflictuelle ou de ses conséquences.
- La conduite
d’une réflexion et d’une recherche pour l’élaboration de propositions
constructives permettant une gestion des conflits familiaux orientée vers le
maintien de la coresponsabilité parentale.
-La
sensibilisation de l’opinion publique, des médias, et du législateur sur la
situation scandaleuse actuelle faite au couple père-enfant et sur ses
propositions soucieuses de préserver l'équilibre des liens de l'enfant avec
ses deux parents. Notre aide vise à vous permettre de définir une stratégie
personnelle, d’y voir clair, et de vous aider à comprendre pour mieux les
combattre les mécanismes d’exclusion du père par le système judiciaire. Mais
tout en étant mieux armé pour comprendre, pour s’orienter, et éviter les
pièges, tout en augmentant ses chances, le père reste le parent a priori mal
considéré par le magistrat. Les procédures judiciaires, si elles sont une carte
à tenter, sont pipées. ”
Ces
2 associations n’ont pas exactement le même langage, le MCP s’appuyant
d’avantage sur le discours de l’égalité hommes/femmes. Le discours se veut
séduisant, reprenant des thématiques féministes mais les distordant au profit
des "pères victimes". Ces
associations sont en fait extrêmement dangereuses et nous pouvons dire que nous
avons trop négligé leur influence[10].
Elles sont de véritables machines de guerre contre les mères qui dénoncent les viols et agressions sexuelles commises sur leurs enfants par leur conjoint. Elles tiennent des permanences juridiques pour défendre l’intérêt des pères et incitent par exemple leurs adhérents à déposer plainte auprès des instances ordinales et/ou pénales contre les professionnelLEs qui signalent les agressions sexuelles et viols contre leurs enfants (Catherine Bonnet, pédopsychiatre, en a été victime).
Ils ont beaucoup de relations politiques, font un lobbying constant, sont implantés sur les mêmes thématiques dans de nombreux pays et arrivent à remporter des succès : la loi de mars 2002 qui instaure la résidence alternée systématique pour les enfants lors d’un divorce, sans prendre en considération d’éventuelles violences, en est un.
Des Collectifs de mères ont été créés pour qu’elles et les enfants puissent se défendre et créer un rapport de forces.
Il est à noter que la France a été épinglée en 2002 par Juan Miguel Petit, rapporteur spécial des Nations Unies. Citons certains extraits de son rapport :
« Les atteintes sexuelles sur mineurs ne sont pas plus importantes en France que dans le reste de l'Europe. Néanmoins, il appert que nombre de personnes en position de responsabilité pour la protection des droits de l'enfant, particulièrement au sein de l'appareil judiciaire, nient encore l'existence et l'étendue de ce phénomène. »
« Des personnes
qui suspectent et signalent peuvent se voir accusées de mentir ou de manipuler
les enfants concernés et s'exposent à des poursuites ou des sanctions
administratives. Des médecins qui signalent des abus s'exposent à des risques
et ne paraissent pas recevoir l'assistance et le soutien attendus du Conseil de
l'Ordre des Médecins. »
« un manque de moyens ad hoc ou de formation parmi les magistrats et les avocats conduit à ce que les droits de l'enfant ne sont parfois pas respectés dans des procédures judiciaires qui souvent laissent l'enfant en proie à une maltraitance persistante. »
«
En cas de poursuites pénales contre un auteur de maltraitance présumée, les
décisions des formations civiles ne peuvent censément intervenir tant que la
procédure pénale n'est pas arrivée à son terme. Dans la pratique, ce n'est pas
le cas. Un enfant peut de la sorte est contraint de séjourner en compagnie d'un
tiers mis en examen pour l'avoir maltraité. »
2) Marcella
Iacub et ses copains: le point de vue libéral qui consiste à considérer la sexualité
comme un objet de consommation comme un autre : défense du “ travail
du sexe ” et de la pornographie. La prétendue traque des comportements
sexuels.
Marcela Iacub est une des chantres du retour en arrière que l’on voit apparaître aujourd’hui. Dans son livre de "vulgarisation" : "Qu'avez vous fait de la libération sexuelle ?", elle aborde divers sujets qui nous intéressent de près : la sexualité, la prostitution, la pornographie, le viol, la pédophilie, la paternité. Ceci à l'avantage de montrer que tous ces sujets forment un tout cohérent. Nous nous servirons aussi d'un autre livre, "sérieux" celui là :"Le crime était presque sexuel"
Les
arguments sur la prostitution sont classiques : elles sont consentantes,
elles ne sont pas esclaves, déni du proxénétisme ("Même s'il est
vrai qu'un certain nombre de prostituées[11]
sont victimes d'individus ou de groupes mafieux qui les obligent à
travailler à la manière d'esclaves -voilà bien du travail pour la police-, cela
ne veut pas dire que toutes se trouvent dans cette situation ou qu'il s'agit de
quelque chose d'inhérent à cette activité" p
12), ça gagne mieux que de travailler chez Mac Do, il faut améliorer les
"conditions de travail" des "prostituées pauvres", les
femmes ne sont pas aliénées au désir masculin dans la prostitution, à preuve
des femmes mariées couchent parfois avec leur mari sans désir, etc. Celles et
ceux qui mène la "lutte contre la prostitution" veulent "conférer au sexe un sens
particulier mais imposé chacun, celui d'être une activité intime, affective,
ultrapersonnelle, désirante, un sens qui devrait organiser l'expérience de tout
le monde". Ce qui est bien dans la
prostitution selon M. Iacub, c'est que l'on donne de l'argent et qu'ensuite
c'est fini……
Iacub est contre la répression des clients de
prostituéEs mineurEs.
Ce discours cadre évidemment fort bien avec la mondialisation néo-libérale.
Sur
la pornographie : une des façons de juger le degré de liberté sexuelle
d'une société est celle de l'accueil fait à la pornographie. Elle considère
quasiment la porno comme de l'éducation sexuelle : "la mauvaise
réputation que semblait traîner derrière elle toute pratique différant de celle
du coït classique et que le porno permet de diffuser, d'élargir, voire
d'améliorer, me faisait penser[12]
(….)" p 52
Evidemment pas un mot sur la dégradation du corps des femmes et des enfants et sur les viols et les meurtres dans la pornographie.
Sur
le viol (“ Le crime était presque sexuel ”) : il y a une inflation carcérale des
auteurs de viol. On leur inflige des traitements particuliers :
l’injonction de soins par exemple. On va faire un fichier informatisé. Le crime
sexuel est le seul pour lequel la récidive soit intolérable. Ce crime est aussi
sévèrement puni parce qu’il porterait atteinte à la liberté sexuelle,
empêcherait l’épanouissement de la sexualité. Il protégerait le droit à ne pas
entretenir des rapports sexuels. Avant la loi de 1980 était protégé par la
qualification du viol comme crime l’ordre social qui se dégageait du mariage.
Les années 70 ont désacralisé le coït dans le mariage. Il fallait donc adapter
le droit. Une des solutions aurait été d’effacer la spécificité sexuelle des
lois. Ce n’est pas ce qui a été fait. Dans la nouvelle loi de 1980 :
“ Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit (….) ” : on ne sait pas précisément quel
type de comportement on punit. La loi de 1980 est la “ façon la
plus efficace de reconduire, en la transformant de fond en comble, la politique
des anciens crimes contre les mœurs ” p49.
Dans
"Qu'avez vous fait ….?" Iacub propose d' "intégrer les
atteintes sexuelles dans le même cadre que les atteintes contre la propriété,
et, en particulier, les penser sur le modèle du vol."p.107. Vous avez dit marchandisation ?
Sur
la pédophilie : dans "Qu'avez vous fait ….?" Iacub raille les
lois qui réprime les relations sexuelles entre majeurEs et mineurEs en mettant
en scène un jeune homme de 17 ans qui a une relation avec une de ses profs…..
Répondons
aux arguments de Marcella Iacub :
La
2ème moitié du 20ème siècle voit effectivement se briser
les carcans de la répression sexuelle. Tout une série de facteurs y
concourent : l’apparition de la contraception (1967), les luttes des
femmes qui aboutissent à la loi de 1975 sur l’avortement, mais aussi : le
discours psychanalytique qui, quoique très réactionnaire envers les femmes,
contribue à banaliser le discours sur la sexualité, mai 68, les luttes des gays
et des lesbiennes, l’influence décroissante de la religion (mais est-ce encore
vrai ?) , le bouleversement de
l’institution familiale, etc.
La séparation de la sexualité et de la
procréation a permis de reconnaître aux femmes le droit au plaisir. La lutte
contre la fatalité des grossesses a rendu les femmes plus disponibles pour
investir le monde du travail et sortir de la maison (on n’oublie cependant pas
la double journée). C’est cette
libération de la pratique sexuelle et du discours concernant la sexualité qui
ont permis l’émergence d’une parole et d’une pratique politique et de
solidarité concernant les violences. La lutte contre le viol a été quasi
concomitante de celle de l’avortement. Sans la conquête de l’avortement et de
la contraception qui permettent aux femmes d’avoir une sexualité à l’abri des
contraintes de la maternité, sans doute aucune dénonciation des violences
n’aurait été possible. Le peu d’historienNEs qui se sont intéresséEs au sujet
des violences et notamment du viol ont toujours souligné que, quoique condamné
par la loi, le viol a toujours été très peu dénoncé et à fortiori condamné.
Marcela Iacub nous accuse en quelque sorte
d’avoir “ gâché ” la libération sexuelle alors que nous en avons été
les actrices essentielles et que nous le sommes toujours. Selon Iacub, les
féministes sacralisent la sexualité alors que la vraie libération sexuelle fait
de la sexualité un objet de consommation comme un autre. Point de vue libéral
s’il en fut, : tout s’achète et tout se vend.
Il est vrai qu’il aurait sans doute été plus
simple de ne pas soulever le couvercle de ces violences nauséabondes. Mais, à
l’opposé de ce qu’affirme M. Iacub, le
fait de dénoncer les violences participe justement de la libération sexuelle.
Même si, et il faut le dire et le répéter, ce qui anime les auteurs de viol,
c’est la volonté d’humiliation et non le désir sexuel. Un violeur opère quelque
part un meurtre symbolique (d’ailleurs le viol, on en meurt à petits feux).
Iacub veut nous faire passer les violences dans la sexualité comme de la
sexualité dite "normale".
L’argument avancé par Iacub de la fougue du désir et de la sexualité
masculines (comparé au caractère atone et en quelque sorte domestiqué de la
sexualité féminine), ressemble à s’y méprendre à la “ pulsion irrépressible ”
avancée pour disculper les auteurs de viol.
Elle
nous accuse de victimiser les femmes. Mais une femme qui dénonce les violences
subies sort en fait de la victimisation où Iacub veut la maintenir par le
silence. Le silence ne dérange personne, la parole accuse. C’est Iacub qui
victimise les femmes et non les féministes. Tout d’ailleurs dans la société
concourt à cette vision des rapports sociaux : pub, porno, téléréalité.
Pour
mieux étayer l’argumentation, Iacub et Hervé le Bras ont écrit un article dans
les Temps Modernes qui vise à remettre en cause l’ENVEFF. Nous y répondrons par
la suite.
Iacub
dénonce le fait qu’ait été votées des lois spécifiques pour réprimer les
violences sexuelles. Mais, l’histoire le prouve, même avec des lois spécifiques
sur les violences sexuelles, vu la chape de plomb, il est très difficile de dénoncer. Sans loi spécifique, personne
ne dénoncerait jamais. C’est ce qui se passait avant le vote des lois. Il n’y
avait presque pas de plaintes avant la loi de 1980 sur le viol.
Iacub parle de la catégorie sexe, on pourrait
tout aussi bien parler de la catégorie
violences.
Contrairement à ce que dit Iacub concernant l’injonction de soins prévue dans la loi Guigou de 1998, ce n’est pas la 1ère fois dans l’histoire qu’on veut médicaliser un acte social : la loi de 1970 sur les drogues comprend une injonction de soins. Comme le dit Loïc Wacquant : “ A tout moment, une société dispose de trois stratégies pour traiter une conduite ou une condition jugée offensante ou dangereuse. La première consiste à la socialiser, la seconde est la médicalisation, la troisième est la pénalisation. Le dosage et le ciblage de ces trois manières de traiter les situations ou les populations dites "à problèmes" est le résultat d'un choix éminemment politique ”
Le
discours de Iacub se veut “ tendance ”et libéré, en fait, il est
archaïque et aliéné…..
3)
Il faut aussi citer un sociologue Daniel Borillo, entendu à la
Journée-séminaire du 20 juin de l’Ined “ Genre, violences sexuelles et
justice ”, qui tout en se réclamant du féminisme avance des thèses qui
nous semble proches de Iacub. Malheureusement nous n’avons rien trouvé d’écrit.
Il explique qu’un corpus de lois
d’exception a été construit pour réprimer les violences sexuelles ( et que ça
tire donc toute répression pénale vers une augmentation des peines ) sans noter
que ces lois ne concernent que les faits perpétrés sur les mineurEs et ont donc
comme effet de banaliser et minimiser les violences sexuelles perpétrées sur
les femmes adultes. De toute façon, la piste est à creuser.
4)La
remise en cause de l’ENVEFF
Marcela
Iacub et Hervé Le Bras s’attaquent donc dans le numéro 623 des Temps Modernes
(février, mars et avril 2003) à l’ENVEFF. Un certain nombre de chercheuses de
l’équipe ENVEFF leur répondent dans le numéro suivant[13]
(mai, juin et juillet 2003). Résumons
l’argumentation :
Iacub
et Le Bras prennent au début un exemple
: " l'indice global de harcèlement sexuel" qu'ils critiquent ainsi :
"
L'enquête regroupe ainsi sous une dénomination commune des situations
anodines telles qu'être suivie dans la rue et des situations extrêmes telles
qu'être forcée de subir un rapport sexuel"
(p. 116). On eut être suivie dans la rue par un "jeune homme un peu
timide" ou "par une bande de
loubards"(p.116).
Ceci leur permet de critiquer ensuite la globalité de l'enquête qui procède selon eux par 3 amalgames:
1)
confusion des mots et des choses : par exemple la confusion entre la notion
commune de harcèlement et sa définition juridique que l'évolution du droit tend
à faire passer. Ainsi fut créé le délit "insaisissable"de harcèlement moral suite à une "campagne
d'opinion, orchestrée par les journalistes
(…)" (p.119). Il y aura une marge d'interprétation chez les juges et donc
l'introduction de "l'arbitraire et l'abus de pouvoir"(p.119). De même pour la nouvelle définition du
harcèlement sexuel.
2)
confusion des violences physiques et des violences psychiques : les faits
physiques sont objectifs, les faits psychologiques sont subjectifs. Les chocs reçus
ne sont pas quantifiables, il n'y a pas d'"échelles objectives
communes"(p.120) pour les atteintes
psychologiques. Or dans le domaine pénal on veut maintenant protéger le
psychisme des victimes notamment dans la loi de 1980 sur le viol. Le risque est
de voir les victimes adapter leurs souffrances à celles qui seraient attendues
et à voir augmenter sans cesse "le champ des comportements punis et
la gravité des peines"(p.121).
Sur
les "pressions psychologiques" au sein du couple, Iacub et Le Bras
reprochent à l'enquête d'ignorer " la notion même de couple,
d'interaction, de réciprocité (….) au profit d'une vision unilatérale de la
relation" (p.122). En fait les femmes peuvent
être "bourreau féminin"
(p.122) et exercer les mêmes pressions sur leur conjoint homme. Dans l'enquête :" C'est parce
qu'elle est femme qu'elle est victime, et parce qu'ils sont hommes qu'ils
cherchent à dominer" ((p.123). Et encore
:"Dès lors, l'enquête ne tend pas à dévoiler une réalité ignorée
puisqu'elle la présuppose"( p.123.)
3)
confusion entre la sexualité et la violence. Les atteintes sexuelles seraient
considérées comme les plus graves de l'enquête. D'ailleurs les crimes sexuels
sont plus condamnés que les crimes de sang.
Au
passage Iacub et Le Bras égratignent le fait que des femmes ont parlé pour la
première fois dans l'enquête des viols qu'elles ont subis : ceci serait induit
par la construction même du questionnaire.
Suivent
à cette place quelques considérations sur la sexualité et les féministes en
invoquant Catharine McKinnon (déjà !) à l'appui. Tout ça pour arriver à dire :
"Le
désir sexuel d'une femme pour un homme ne pourrait ainsi être qu'une
manifestation de l'aliénation (en italiques dans le texte), un
épiphénomène idéologique grâce auquel les exploitées participent à leur
exploitation"(p.127).
Puis
Iacub et Le Bras critiquent la méthodologie de l’enquête : selon eux, ce
ne sont pas des faits qui sont recueillis mais des témoignages au téléphone. On
connaît la “ fragilité de tels témoignages ” (p.127)[14].
Il aurait fallu aussi mener l’enquête auprès des hommes et auprès des auteurEs
de violences. On aurait alors pu
comparer les versions.
Depuis
quelques années les politiques féministes victimisent les femmes et
s'infléchissent dans un sens répressif, elles se servent du droit comme d'une
force et ce à travers leur influence sur l'Etat. Ceci évite de tirer le bilan
des réformes d'inspiration féministe des années 60 et 70. Celles ci ont visé à
"assurer la maîtrise exclusive par les femmes aussi bien de la
procréation que de l'éducation des enfants"
p. 130. Ceci n'a pas favorisé l'égalité notamment dans le domaine de l'emploi.
Pour résoudre la situation des femmes, il faut revenir à la lutte pour
l'égalité des droits et "réduire ces inégalités juridiques là où
elles subsistent, en particulier dans le domaine de la reproduction et de la
famille"(p. 132).
Voyons
maintenant la réponse des chercheuses et du chercheur :
Divers
points sont abordés : la composition de l'équipe de L'ENVEFF qui allie diverses
disciplines et institutions et qui n'est pas un "lobby féministe
maternisant"(p185), la méconnaissance par
Iacub et Le Bras de la méthodologie des enquêtes notamment le fait que celle des
enquêtes au téléphone s'est affinée et est très usitée. Sur l'ordre des questions posées : les
questions sur les violences sexuelles arrivent en dernier car elles sont le
plus indicibles, les questions les plus banales sont posées en 1er
pour limiter au maximum les interruptions d'entretien.
C'est
le droit français qui considère les violences sexuelles comme étant les plus
graves et non pas les élécubrations de
l’équipe ENVEFF.
Des femmes ont parlé pour la première fois dans l’enquête des violences subies car, vu les difficultés à surmonter elles avaient peur de ne pas être crues auparavant. L’enquête a garanti l’anonymat des victimes et ceci constitue un point d’appui pour libérer la parole. C’est le cas aussi auprès des associations féministes dites « spécialisées ».
Sur
le harcèlement sexuel au travail : les victimes ne confondent pas "une
tentative amoureuse maladroite" avec du
harcèlement. Pour Iacub et Le Bras, c'est du "désir sexuel" et donc c'est anodin. Dans l’enquête et dans
la réalité le harcèlement suppose des "pressions multiples et
réitérées". Le "harcèlement
psychologique" suppose des abus de pouvoir
et des rapports de force. Il ne faut pas "psychologiser" et justement l'analyse sociologique sert à
éviter l'individuation.
Pour la vie de couple, il faut connaître la notion de "continuum des violences" : les agressions physiques et sexuelles s'accompagnent fort souvent de violences psychologiques. C'est dans ce contexte que l'on peut parler d' "indicateur global de violences conjugales" décomposé en "grave" et "très grave" dans le livre de l'ENVEFF. Iacub et Le Bras ont une "vision dépassée et victimisante" (p.188) de la violence conjugale, limitée aux seules violences physiques.
Il est certes dérangeant de reconnaître le harcèlement psychologique car il touche un grand nombre de personnes.
Iacub et Le Bras remettent en cause ce que disent les femmes, mais être"suivies avec insistance" dans la rue est effectivement une menace, la libre circulation n'est pas effective pour les femmes.
Sur les hommes : une étude serait sans doute souhaitable mais certainement pas avec le même questionnaire.
L'équipe ENVEFF explique par la suite la gageure qu'a été la sortie des "premiers résultats" (sur lesquels s'appuient Iacub et Le Bras (par le biais d’un article de « Population et sociétés de janvier 2001 » ). Cependant les chiffres sont inférieurs à ceux qui circulaient habituellement ( ex : 2 000 000 de femmes victimes de violences conjugales), l'enquête bat en brèche les stéréotypes.
Iacub et Le Bras ont une "approche essentiellement juridique de la question"(p.191). L'ENVEFF voulait "cerner les faits subis et les situations de violence au delà de la référence à la loi (…) ce qui permet de s'interroger sur l'écart entre le droit et les faits" (p.191)
Rajoutons
quelques commentaires.
Iacub
et Le Bras se distinguent par une méconnaissance totale des violences et une
assimilation de ces violences à quelque chose de banal et anodin : ils
assimilent par exemple l'exhibitionnisme à du …naturisme :
"La
question P3:"Est-il arrivé que quelqu'un exhibe devant vous ses organes
sexuels ou se déshabille?" prête à confusion et même à sourire.
L'usagère des piscines parisiennes ou du naturisme répondrait sans se sentir
concernée ou dérangée" (p.114)
Justement
gageons que cette "usagère"
saura faire la différence entre un exhibitionniste et un “ usager ”
des camps naturistes...
Quand
ils disent qu’il n’y a pas d ‘ « échelles objectives communes »(p.120) pour quantifier les atteintes
psychologiques, ils se trompent lourdement : quoi qu’on en pense, il
existe des « Echelles de syndromes post-traumatiques ».
Iacub et Le Bras accusent l'équipe
d'amalgamer sexualité et violence. Mais
ce sont eux qui font cette démarche pour banaliser et minimiser les violences
sexuelles. Par exemple, voici ce qu'ils disent sur la "structure du
questionnaire"(p.124) :" Entre
les étapes de la montée de l'instinct sexuel s'intercalent celles de la
montée de la violence physique
indépendamment du sexe". Ils
parlent donc bien de violences physiques mais pas de violences sexuelles. Voici
les items qui relèvent “ de
la montée de l'instinct sexuel ” :
“ avoir été suivie, exhibitionnisme, avoir été embrassée ou pelotée de
force, attouchements sexuels, tentative de rapport sexuel forcé, rapport sexuel
forcé ”. Le glissement est incessant entre sexualité et violences
sexuelles : " Le sexe est ainsi présenté comme la plus grave
des violences, susceptible de subsumer toutes les autres"(p.125)… Et le tour de passe passe est joué.
Ils
prétendent reconnaître les rapports sociaux de sexe dans la famille (p.131) :
" Il faudrait se demander si, dans ce cas, la famille ne tue pas la femme comme sujet et tenter de penser à dépasser une forme d'esclavage (la maternité ) dans laquelle celles qui se plaignent d'être victimes s'enfoncent par là même"
mais
les avaient oublié (p.122) quand ils raillaient le "tyran
domestique". Il y a sans doute un
oppresseur mais il est immatériel : "la famille…" De façon générale, ils nient l’oppression des
femmes, la domination masculine..
Ils accusent les "politiques féministes" d'avoir pris un tour répressif depuis quelques années mais leur ignorance de l'histoire (en plus de celle de la psychologie) les empêche de voir que cette critique date des années 1980 : Henri Leclerc le disait déjà à propos du projet de loi de 1980 sur le viol dans Libération du 11avril 1980 : “ Une loi qui ne libère pas mais emprisonne ”
Et
le pompon (p132) : il faut réduire les inégalités juridiques, "en
particulier dans le domaine de la reproduction et de la famille" mais si on lit bien, ce sont les hommes qui
souffrent d'inégalités… Sans commentaires.
5)Elisabeth
Badinter
Le
discours d’Elisabeth Badinter dans “ Fausse Route ” rejoint par de nombreux aspects celui de
Iacub (en moins élaboré) : “ sacralisation de la sexualité ” et victimisation des femmes par les
féministes, banalisation des violences par elle même, prise de position
néo-réglementariste sur la prostitution. Elle accuse les féministes de vouloir
“ féminiser ” la sexualité
masculine en lui imposant tendresse, affection et intimité.
Un
de ses arguments essentiels est que les féministes ont ré enfourché un combat
essentialiste notamment en se battant pour la parité. Elle dénonce cette
régression en soulignant le retour en force de l’instinct maternel comme Iacub
(mais où vont-elles chercher cela ? NDLR ). Pour elle, les féministes
feraient mieux de se battre contre les salaires inférieurs, le temps partiel,
etc. (sans commentaires). Les féministes qui nous auraient influencé seraient
les américaines Dworkin et Mc Kinnon, promues donc maintenant à la célébrité en
France, elles qui n’étaient connues que de cercles restreints puisque pas
traduites, plus, tenez vous bien,
Fouque et Agasinski, deux différentialistes notoires. Le discours est pas mal
empreint de mauvaise foi donc et
d’approximations. Elle réussit par exemple le tour de force de citer C.
Delphy sans noter le rôle essentiel de cette dernière dans le combat
anti-différentialiste.
Ce
qui est problématique c’est la publicité qu’ont fait autour d’elle les
médias et la tribune que tous se sont
empressés de lui offrir . Mais que peut-on refuser à Madame Publicis ?
VI Quelles revendications, quelles
réflexions ?.
Pour mener une campagne efficace, nous devons articuler dénonciation idéologique et mise en avant de revendications. Mais le danger serait de se substituer ici aux associations militant sur les violences.
Il semble donc que nos revendications doivent conserver un caractère général mais pas trop car il faut prendre en compte que nous avons quasiment 30 ans de lutte derrière nous. Du type : (liste non exhaustive)
- extension de la loi de 1992 sur les violences conjugales aux ex-conjoints
- extension de la loi Guigou de 1998 aux victimes majeures
- création de véritables mécanismes de vérification de l’application des lois et pour faire des propositions il faudrait travailler avec des juristes.
- multiplication des structures d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences
- éviction de l’agresseur du domicile dans les situations de violences conjugales
- application de la « Convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif » signée par C. Allègre et N. Péry dans l'Education Nationale et notamment son volet "éducation non sexiste"
- application de la procédure pénale de façon identique dans toutes les juridictions et tribunaux
- formation obligatoire (initiale et continue) de tous les personnels susceptibles d’intervenir en cas de violences.
Une réflexion devrait aussi être menée sur la loi de 1980 contre le viol, qui avait déjà été jugée insuffisante à l’époque par les féministes, notamment dans la définition du viol (pénétration sexuelle).
Il faudra aussi sans doute se positionner sur le nouveau fichier d'empreintes génétiques des "délinquants sexuels" proposé par Sarkozy (notamment dans l’émission “ Mots Croisés du 29 septembre dernier) (voir sans doute aussi le site de l’Assemblée).
1
L’oppression que subissent l’ensemble des enfants (petits garçons y compris)
serait à analyser en détail.
2 On ne peut pas assimiler ces tendances à celles du retour de bâton dont nous parlerons tout à l’heure. En effet, ces tendances ne visent pas à nier ou minimiser les violences mais à en donner un autre “ modèle explicatif ” que la domination masculine.
3 Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France.
4 Par exemple 1589 plaintes en 1975 ( 323condamnations), 2823 plaintes en 1985 ( 618 condamnations), 7069 plaintes en 1995 (1088 condamnations),8213 plaintes en 1997 (1434 condamnations)
[5] Il a été impossible a l’équipe de mener l’ enquête auprès des moins de 18 ans pour des raisons financières. Ceci nous prive d’une mesure des violences importante : selon l’activité des associations féministes, il est connu qu’une proportion importante des violences est perpétrée sur des petites ou jeunes filles (viols incestueux par exemple). Nous savons aussi que les violences sont exercées sur des femmes de plus de 59 ans. Les chiffres de l’ENVEFF sont donc sous estimés si on veut avoir une photographie exhaustive des violences faites aux femmes et aux petites filles en France. Mais cette sous estimation est “ corrigée ” lors de la question sur les violences subies au cours de la vie.
[6] C’est S. Iff qui souligne.
[7] M.Bordeaux, B. Hazo, S. Lorvellec “ Qualifié viol ” Editions Méridiens Klincksieck, 1990, Genève
[8] Morcellement des associations militant sur les violences sans doute fort dommageable, mais l’histoire est celle là…..
[9] telles le centre Flora Tristan
[10] Nous n'avons pas la place pour développer trop ici mais il y a des articles extrêmement documentés de Lynne Harne d'une part et de Martin Dufresne et Hélène Palma d’autre part dans le n°2/2002, volume 21 de Nouvelles Questions Féministes
[12] C'est nous qui soulignons
[13] Les chercheuses auraient aimé répondre dans le même numéro mais cela leur a été refusé par le directeur de la rédaction. Evidemment, ça ne produit pas le même effet sur les lectrices et lecteurs d’avoir une réponse immédiate ou de l’attendre quelques mois.
[14] Au passage le fait de dire cela prépare le fait d’invalider la parole des femmes qui témoignent de violences car c’est souvent parole contre parole :celle de la victime contre celle de l'agresseur, il n'y a pas souvent de témoins.