Amnesty International

DOCUMENT PUBLIC

TORTURE
Identité sexuelle et persécutions

Index AI : ACT 40/016/01

ÉFAI


AMNESTY INTERNATIONAL                                             ÉFAI

Index AI : ACT 40/016/01                                                DOCUMENT PUBLIC

                                                                                     Londres, 22 juin 2001

TORTURE
Identité sexuelle et persécutions

Ce rapport fait partie d’une série de documents publiés par Amnesty International dans le cadre de sa campagne mondiale contre la torture lancée en octobre 2000. Parmi les autres documents figurent :

La torture ou l’humanité en question (index AI : ACT 40/013/00) ;

Enfants torturés, des victimes trop souvent ignorées (index AI : ACT 40/038/00) ; Torture, ces femmes que l’on détruit (index AI : ACT 40/001/01) ;

Torture, pour en finir avec le commerce de la souffrance (index AI : ACT 40/002/00).

 

Dans le monde entier, les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transsexuelles sont victimes de persécutions et de violences en raison de leur identité ou de leurs préférences sexuelles. Les agents de l’État les torturent ou les maltraitent pour les forcer à avouer leurs « perversions » ; parfois, ils les violent pour les « guérir ».

Les victimes d’actes de torture dont le cas est évoqué ici ont été prises pour cibles parce que leur identité sexuelle, réelle ou supposée, était considérée comme dangereuse pour l’ordre social. Quels que soient les auteurs de ces violences et les lieux où elles sont commises, elles surviennent toujours dans un climat social marqué par l’ignorance et les préjugés. Elles vont aussi de pair avec des pratiques discriminatoires et répressives de la part des autorités, qui accordent en outre l’impunité aux responsables.

C’en est fini de la chape de silence qui entourait ces persécutions.

Dans le monde entier, des défenseurs des droits humains se sont mobilisés pour mettre fin à la violence et à la discrimination fondées sur l’identité sexuelle et pour que tous bénéficient des mêmes droits dans le respect de la dignité de chacun.

Le présent rapport, publié dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International contre le torture, entend contribuer aux actions internationales qui se développent pour mettre fin aux violences dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles et transsexuelles.


Amnesty International en bref

Le présent rapport fait partie d’une série de documents publiés par Amnesty International dans le cadre de sa campagne mondiale contre la torture, lancée en octobre 2000. Parmi ces documents figurent notamment La torture ou l’humanité en question (index AI: ACT 40/013/00), Enfants torturés, des victimes trop souvent ignorées (index AI: ACT 40/038/00), Torture. Ces femmes que l’on détruit (index AI: ACT 40/001/01) et Torture. Pour en finir avec le commerce de la souffrance (index AI: ACT 40/002/01). La campagne a pour but de mobiliser le plus grand nombre possible de personnes dans le monde entier pour les inciter à participer à la lutte contre la torture.

   Pour un monde sans torture. Participez à la campagne d’Amnesty International contre la torture.

   Adhérez à Amnesty International et à d’autres organisations locales et internationales de défense des droits humains.

   Faites un don pour soutenir l’action d’Amnesty International.

   Parlez de la campagne à vos amis et à vos proches et demandez-leur d’y participer eux aussi.

   Inscrivez-vous sur www.stoptorture.org pour agir contre la torture et faire campagne en ligne. Les visiteurs de notre site Internet auront la possibilité d’intervenir en faveur de personnes menacées par la torture.

Mouvement mondial formé de défenseurs des droits de la personne humaine, Amnesty International œuvre en faveur de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres traités internationaux. Pour promouvoir le respect de l’ensemble de ces droits, qu’elle considère comme indivisibles et interdépendants, l’organisation informe et sensibilise le grand public, développe l’éducation aux droits humains et fait pression sur les gouvernements pour qu’ils ratifient et appliquent les traités relatifs à ces droits.

Le travail d’Amnesty International s’appuie sur des recherches approfondies et sur les normes reconnues par la communauté internationale. Fondé sur le bénévolat, Amnesty International est un mouvement démocratique et autonome qui compte plus d’un million de membres et de sympathisants actifs dans plus de 140 pays et territoires. L’organisation est financée essentiellement par les cotisations et les dons de ses membres et sympathisants dans le monde entier. Elle ne cherche à obtenir ni n’accepte aucune subvention des gouvernements pour mener à bien ses investigations et ses campagnes contre les violations des droits humains.

Amnesty International est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique ou croyance religieuse. Elle ne soutient ni ne rejette aucun gouvernement ni système politique, pas plus qu’elle ne défend ni ne repousse les convictions des victimes dont elle tente de défendre les droits. Sa seule et unique préoccupation est de contribuer impartialement à la protection des droits humains.

L’organisation lutte contre certaines violations particulièrement graves des droits civils et politiques par les États. Elle s’emploie à obtenir:

   la libération de tous les prisonniers d’opinion, c’est-à-dire des personnes détenues du fait de leurs convictions politiques ou religieuses ou pour toute autre raison de conscience ou du fait de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur couleur, de leur langue, de leur nationalité ou de leur origine sociale, de leur situation économique, de leur naissance ou de toute autre situation et qui n’ont pas usé de violence ni préconisé son usage;

   un procès équitable dans un délai raisonnable pour tous les prisonniers politiques;

   l’abolition de la peine de mort, de la torture et de toute autre forme de mauvais traitements à l’égard des prisonniers;

   la fin des assassinats politiques et des « disparitions ».

Amnesty International demande aux groupes politiques armés de respecter les droits humains et de mettre fin aux exactions telles que la détention de prisonniers d’opinion, la prise d’otages, la torture et les homicides illégaux.

Amnesty International cherche également à faire progresser la protection des droits humains par d’autres moyens: par son activité auprès des Nations unies et des organisations intergouvernementales régionales, par son action en faveur des réfugiés, ainsi que par son action sur les relations dans les domaines militaire, de sécurité ou de police et les relations économiques et culturelles entre États.


AMNESTY INTERNATIONAL                                ÉFAI

Index AI : ACT 40/016/01

TORTURE
Identité sexuelle et persécutions

SOMMAIRE

Préface                                                                                          5

Précisions terminologiques                                                                               5

Introduction                                                                                  6

Torture et identité sexuelle                                                                            8

« Des êtres inférieurs » ?                                                                               9

Discrimination et impunité                                                                           10

« Une minorité planétaire »                                                                          14

L’homosexualité, un crime ?                                                  16

Roumanie : «  J’ai été traitée comme la dernière des dernières »     17

Dans les Caraïbes, un héritage colonial de cruauté                              18

En Malaisie, une arme pour réprimer les opposants                             20

Des châtiments judiciaires cruels                                                              21

Les brutalités policières                                                          23

Le contrôle policier de l’identité sexuelle                                                 25

Le maintien de l’ordre dans les lieux publics                                          28

Les prisons                                                                                 30

L’identité en question : les effets de la discrimination                          32

Les traitements médicaux                                                       34

L’homophobie au quotidien                                                   36

La responsabilité de l’État dans la violence au quotidien                    36

Des lesbiennes en danger où qu’elles se trouvent                               39

Les jeunes sont particulièrement vulnérables                                       40

Développer la protection                                                                              42

La fuite devant les persécutions                                           44

Un combat pour la vie                                                              48

Des menaces pèsent sur les défenseurs des droits des homosexuels               50

Recommandations                                                                    52

Recommandations aux gouvernements                                                  52

Recommandations aux organisations intergouvernementales         58
et non gouvernementales

Annexe                                                                                         59

Programme en 12 points d’Amnesty International pour la prévention
des actes de torture commis par des agents de l’État


Préface

« La façon dont s’exerce la discrimination motivée par la race, le sexe, la religion ou le handicap varie considérablement d’un cas à l’autre, si bien que l’on peut parler de différence dans la différence. Un point commun rattache tous ces cas: l’atteinte portée à la dignité de personnes qui sont prises pour cibles du seul fait de leur appartenance à un groupe spécifique.

En matière de discrimination homophobe, l’histoire et l’expérience nous enseignent que les traumatismes ne proviennent ni de la pauvreté ni de l’impuissance mais du sentiment d’être ignoré. Le désir assimilé à une souillure, les élans spontanés d’affection physique taxés de perversion répugnante, l’interdiction d’exprimer son amour, l’exclusion morale en vertu de laquelle on ne peut être un citoyen à part entière, simplement parce que l’on est comme on est, tout cela nuit à la dignité de tout un groupe et à l’idée qu’il se fait de sa propre valeur. »

Albie Sachs, juge à la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, 1998[1].

Précisions terminologiques

En matière de sexualité, le langage et les mots que l’on emploie peuvent poser problème. Chacun a une perception de soi et de son identité qui varie largement selon les cultures. Cet ouvrage utilise le plus souvent le mot « homosexuel ». Il est aussi question de « gays » et de « lesbiennes », qui sont les termes couramment employés dans le discours international sur les droits humains. Pour gagner de la place, le sigle LGBT est parfois utilisé pour désigner les lesbiennes, gays, bisexuel(le)s et transsexuel(le)s. Mais ces choix ne visent en aucun cas à nier les connotations culturelles attachées à ces mots, ni à ignorer la diversité des termes.

Pour faciliter la lecture et respecter la richesse du vocabulaire existant, cet ouvrage emploie différents termes de façon interchangeable. Par exemple, la formule « droits fondamentaux des lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transsexuelles » est souvent abrégée en « droits des personnes homosexuelles ».

l L’expression « préférence sexuelle » s’applique à l’attirance éprouvée par les intéressés, à leur comportement sexuel et à leur vie affective, que cette préférence aille vers les personnes du sexe opposé (préférence hétérosexuelle), vers les personnes des deux sexes (préférence bisexuelle) ou vers les personnes du même sexe (préférence homosexuelle).

l L’expression « identité sexuelle » désigne la représentation que chaque personne a d’elle-même par rapport aux conceptions de la masculinité ou de la féminité dans la société. Chez certaines personnes, l’identité sexuelle n’est pas celle qui correspond au sexe dont elles ont les attributs physiologiques.

l Le terme « transsexuel » s’applique à des personnes qui considèrent que leur identité sexuelle ne correspond pas aux caractéristiques physiologiques du sexe qui était le leur à leur naissance. Certaines de ces personnes cherchent à modifier leur sexe physiologique pour le rendre conforme à leur identité sexuelle, à l’aide d’hormones ou en ayant recours à une intervention chirurgicale.


Introduction

Vers minuit, ils m’ont dit « On a quelque chose à te montrer ». Ils m’ont enlevé mes vêtements et m’ont violée. Je me rappelle avoir été violée par deux d’entre eux, puis je me suis évanouie[2]

Christine[3] a été torturée dans un centre de détention secret en Ouganda. Elle a été enfermée dans une pièce avec trois hommes, eux aussi détenus, puis violée. Pourquoi cette incarcération? Christine est lesbienne: en Ouganda, l’homosexualité n’est pas seulement un tabou, c’est une infraction prévue par la loi.

Christine et quatre de ses amis, Paul, Norah, Rodney et Charles avaient constitué un groupe de défense des droits humains début 1999. Ils militaient tous les cinq en faveur des droits humains des gays et lesbiennes et ils ont affronté d’énormes obstacles car dans leur pays, l’Ouganda, « les rapports charnels contre nature » constituent une infraction passible d’une peine d’emprisonnement à vie.

En septembre 1999, à la suite d’articles parus dans la presse sur un « mariage gay » qui aurait eu lieu à Kampala, le président Yoweri Museveni a annoncé à la presse qu’il avait chargé le Criminal Investigation Department (CID, police judiciaire) de rechercher les homosexuels, de les enfermer et de les inculper[4]. Cette déclaration a eu des conséquences désastreuses pour les cinq militants, dont la vie a été bouleversée.

Alors qu’ils s’étaient réunis chez Christine, au début d’octobre 1999, pour discuter de la stratégie à adopter compte tenu de l’intervention du président ougandais, huit hommes armés, apparemment informés de la réunion, se sont introduits vers 22 heures dans le domicile et ont arrêté les cinq amis. «Nous sommes restés muets, se souvient Christine. Nous étions tous sous le choc [...]. Ils nous ont bandé les yeux avec un tissu noir et nous ont conduits à leurs voitures. »

Lorsqu’on lui a ôté son bandeau, Christine se trouvait dans un centre de détention secret. Les soldats qui la maintenaient l’ont déshabillée, battue et menacée de viol. Puis elle a été transférée dans un autre centre de détention où elle a été interrogée sur le groupe de défense des droits humains créé par ses amis et elle, ainsi que sur sa sexualité. « Ils ont voulu savoir pourquoi je n’étais pas mariée. Je leur ai répondu que le mariage ne m’intéressait pas. Ensuite, ils m’ont demandé si je savais que l’homosexualité était taboue en Afrique. Je n’ai rien répondu. Ils ont alors dit que c’était une infraction à la loi et que je pouvais écoper d’une peine d’emprisonnement de dix ans ou finir le reste de mes jours en prison. Pendant l’interrogatoire, une femme policier est entrée et s’est exclamée: « J’ai entendu dire qu’il y avait une lesbienne ici. Tu peux montrer ce que tu fais aux femmes? » J’ai gardé la tête haute, alors elle m’a giflée. »

De son côté, Rodney a été emmené dans une caserne. Il a raconté en ces termes ce qu’il a subi: «À quatre reprises, on m’a assené des coups de pied dans la poitrine. On m’a giflé puis on m’a montré un câble électrique en menaçant de s’en servir sur moi si je ne leur révélais pas des choses sur notre organisation [...] ». Rodney était détenu avec un grand nombre de prisonniers militaires. « Lorsque mes codétenus ont appris que je n’étais pas soldat et qu’en plus, j’étais un militant gay, ils m’ont torturé en me donnant des coups à l’estomac et en me frappant au visage jusqu’à ce que je saigne. On m’a fait dormir dans des toilettes. Le lendemain, on m’a assigné au nettoyage de ce petit réduit pour une semaine, deux fois par jour et à mains nues. J’ai perdu toute confiance en Dieu. J’en suis même venu à penser que Dieu détestait réellement les gays, comme l’Église locale l’affirme dans ses sermons[5]. »

Norah a été emmenée dans une autre caserne. Elle raconte: « On m’a gardée dans une petite pièce très sale avec des chauves-souris au plafond. Je suis restée là toute seule pendant environ cinq heures, puis trois hommes sont entrés et ont commencé à m’interroger. Ils étaient terriblement cruels et menaçants [...] En plus, j’ai été battue et j’ai subi des violences sexuelles et physiques. Ils ont déchiré mes vêtements, ils ont fait des remarques odieuses, ils disaient par exemple que je devais être punie parce que je refusais aux hommes ce qui leur revient à bon droit; ils se demandaient pour qui je me prenais pour oser faire des choses que le président réprouve. Ils m’ont même annoncé qu’ils allaient se relayer pour me passer dessus et me montrer de quoi je me privais[6]. »

Charles, le plus jeune des cinq, a, lui aussi, subi un interrogatoire dans un centre de détention militaire où il a été menacé de mort. Il a été détenu avec cinq rebelles présumés. « Ils ont dit qu’une personne qui agissait contre le gouvernement, c’était un rebelle », explique-t-il[7].

Les cinq militants ont été relâchés environ deux semaines plus tard. Craignant de voir leur sécurité menacée en rentrant chez eux, ils ont préféré fuir de l’autre côté de la frontière. Après plusieurs jours de trajet dans des conditions éprouvantes, ils sont parvenus, fatigués et malades, dans la capitale d’un État voisin. Mais ils ont eu peur de demander l’asile politique dans ce pays où l’homosexualité est également considérée comme une infraction. Ils sont donc restés dans la clandestinité pendant des mois tout en cherchant un moyen d’obtenir le statut de réfugié. La période difficile qu’ils avaient vécue avait laissé de telles traces qu’ils ont tous eu besoin d’un traitement médical. Sur le plan psychologique, les cicatrices seront encore plus difficiles à soigner. Cette épreuve n’a cependant pas entamé leur volonté de se battre pour que les gays et lesbiennes ougandais puissent, à l’avenir, vivre dans la sécurité et la dignité. Rodney exprime en ces termes sa résolution:

« Je mettrai sans doute du temps à oublier la torture que j’ai subie en Ouganda mais j’espère pouvoir retourner un jour au pays pour y monter, en toute quiétude, un centre destiné aux gays et lesbiennes [...] Je souhaite retourner en Afrique pour y enseigner les droits humains afin d’œuvrer pour la liberté des gays et des lesbiennes. Ce n’est sans doute pas pour aujourd’hui, ni pour demain, mais pour bientôt[8]. »

Torture et identité sexuelle

La torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sont prohibés aux termes du droit international relatif aux droits humains. Pourtant, à travers le monde, des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels sont victimes d’actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements, infligés par des représentants de l’État ou avec leur consentement, en raison de leur identité sexuelle.

Convention des Nations unies contre la torture

Article 1er: « Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. »

Par le passé, Amnesty International a principalement attiré l’attention sur le sort de ceux qui étaient torturés pour des raisons d’ordre politique, notamment les militants de l’opposition et les journalistes. Christine, Norah, Paul, Rodney et Charles sont des dissidents d’une autre nature puisqu’ils sont pris pour cible en raison, non pas de leurs opinions ou de leurs activités, mais de leur identité propre.

Les victimes de torture évoquées dans le présent rapport sont notamment des militants qui luttent pour les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles et que l’on considère comme un danger pour l’ordre établi, des femmes qui souhaitent disposer de leur corps comme elles l’entendent, des hommes qui trahissent le statut privilégié attribué au sexe masculin en adoptant des rôles « féminins » et des transsexuels qui remettent en question la vérité établie selon laquelle tout individu appartient de facto à l’une ou l’autre catégorie sexuelle.

Un comportement allant à l’encontre de la « norme hétérosexuelle » peut entraîner une condamnation morale, l’exclusion et la violence, la torture notamment. En ce sens, la violence dirigée contre les lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transsexuelles est une violence sexospécifique, infligée à ceux qui mettent en cause la segmentation des rôles sexuels telle qu’elle est traditionnellement définie ou qui négligent de s’y conformer.

« Des êtres inférieurs » ?

Dans de nombreux pays, être lesbienne ou gay n’est pas un droit mais un tort. L’homosexualité y est considérée comme un péché, une maladie, une déviance sociale ou idéologique; les personnes homosexuelles sont accusés de trahir leur propre culture. La plupart du temps, les gouvernements nient que des violations des droits humains aient lieu sur leur territoire ou les définissent comme des dérapages exceptionnels; mais de nombreux États assument résolument la répression pratiquée contre la population gay et lesbienne au nom de la culture, de la religion, de la moralité ou de la santé publique et la facilitent en adoptant des dispositions législatives spécifiques.

Dans certains pays, le sida a été surnommé « peste gay » et l’homosexualité a été décrétée « maladie de l’homme blanc ». Les relations homosexuelles sont dites « non chrétiennes », « non africaines », « non islamiques » ou « relevant d’un comportement bourgeois décadent ». Certains gouvernements, outre qu’ils s’emploient à exclure les lesbiennes et les gays de la culture locale, les considèrent tout simplement comme indignes d’appartenir à l’espèce humaine. Ainsi, en 1995, Robert Mugabe, président du Zimbabwe, qualifiait les gays d’êtres « sous-humains », déclaration qui créait les conditions de la torture et d’autres formes de mauvais traitements. En effet, si cette population est « sous-humaine », comment peut-elle prétendre à des droits humains? Le déni d’humanité est une première étape qui ouvre la voie aux traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’histoire nous a enseigné que le langage de la déshumanisation facilitait les atrocités commises contre certains groupes mis au ban de la société. Les différences d’appartenance ethnique, de sexe, de religion et de préférence sexuelle font alors figure de critères utilisés pour exclure certaines personnes de la société, voire de la famille humaine. L’homophobie n’est ni naturelle ni inévitable, pas plus que ne le sont le racisme ou le sexisme. La discrimination fondée sur l’identité peut être construite, alimentée ou exacerbée à des fins politiques. Sur tous les continents, les gouvernements ont aiguisé le sentiment homophobe et s’en sont servi sciemment et de manière calculée pour museler leurs opposants, solliciter un soutien ou détourner l’attention de leurs crimes et masquer leurs lacunes. Ils ont cherché à transformer les homosexuels en boucs émissaires, à leur faire porter le poids de différents maux de la société: détérioration des valeurs morales, de la justice, de l’ordre.

Selon la télévision d’État namibienne, par exemple, le ministre de l’Intérieur Jerry Ekandjo aurait récemment chargé des agents de police qui venaient de terminer leurs études d’« éliminer du territoire les lesbiennes et les gays[9] ». La récente vague de propos homophobes tenus par des dirigeants africains a été analysée par certains commentateurs locaux comme une tactique visant à détourner l’attention des accusations de corruption et de mauvaise gestion économique pesant sur eux[10].

La rhétorique employée par les responsables gouvernementaux pour exciter les passions a également encouragé les agents de la force publique, assurés de l’impunité, à torturer les membres de groupes sexuels minoritaires ou à leur infliger différents mauvais traitements. Comme l’illustre le présent document, de tels actes peuvent être perpétrés par des policiers, dans les prisons ou dans d’autres institutions publiques.

Ces violations des droits des personnes homosexuelles commises par des fonctionnaires de l’État ne représentent toutefois que la partie émergée de l’iceberg. C’est le plus souvent à leur domicile, dans les établissements d’enseignement, sur le lieu de travail, dans la rue, que ces personnes subissent des violences. La torture s’intègre dans un ensemble plus vaste de mauvais traitements: les responsables de tels actes et les endroits où sont perpétrés ceux-ci varient, mais toutes les formes de violence homophobe se développent dans un climat social marqué par l’ignorance et les préjugés (c’est la condition de leur apparition), par la discrimination et la répression (c’est ce qui leur permet de se produire), enfin, par l’impunité (c’est ainsi qu’elles peuvent se répéter).

Amnesty International considère que les violences infligées aux lesbiennes, aux gays, aux personnes bisexuelles ou transsexuelles à leur domicile ou dans leur milieu social constituent des actes de torture dont l’État doit assumer la responsabilité, lorsque la nature et la gravité de ces actes correspondent à la définition de la torture donnée par les normes internationales et lorsque l’État n’a pas rempli son obligation de fournir une protection efficace contre ces exactions.

Discrimination et impunité

À travers le monde, des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles ou transsexuelles sont incarcérés en application de lois qui réglementent l’intimité dans les chambres à coucher et transforment un baiser en infraction pénale; on les torture pour leur faire avouer leur « déviance », on les viole pour les en « guérir ». Ils sont tués par des escadrons de la mort dans des sociétés qui voient en eux des « déchets ».

Cette population est la cible de persécutions et de violences pour une seule et même raison: ses membres sont considérés comme des « hors-la-loi sexuels ». Mais la forme prise par ces violences connaît d’importantes variations. Par ailleurs, la vulnérabilité des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles ainsi que la possibilité, pour eux, d’avoir recours à la justice sont liés à toute une série de facteurs, notamment leur sexe, leur appartenance ethnique et leur statut économique.

Presque partout dans le monde, la vie des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles est enserrée dans un réseau complexe de lois et de pratiques sociales qui leur interdisent de bénéficier, au même titre que le reste de la population, de droits fondamentaux tels que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité corporelle, à la protection de leur intimité, à un emploi, à l’éducation et aux soins médicaux ainsi qu’à la liberté d’association et de libre expression. Bien que le degré auquel la discrimination est inscrite dans les textes varie d’un pays à l’autre, il est difficile de trouver un lieu où les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles connaissent une égalité de traitement devant la loi.

Souvent, les actes de violence ne suscitent aucune réaction; ils sont reçus avec indifférence ou entourés de silence. En raison du tabou pesant sur l’homosexualité, la plupart des attaques dont les personnes homosexuelles sont la cible ne sont pas signalées. La crainte d’une arrestation ou de représailles empêche souvent les victimes de porter plainte contre les autorités. D’ailleurs, généralement, ces dernières n’interviennent pas lorsque des homosexuels signalent des agressions à leur domicile ou sur leur lieu de vie, arguant qu’il s’agit de questions « privées » qui ne sont pas de leur ressort ou que ces faits résultent du comportement des victimes. Tolérés ou approuvés par les autorités, les actes de violence contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles se développent sans entraves.

Ce phénomène s’observe particulièrement lorsque des femmes sont en butte à des mauvais traitements. Alors que l’homosexualité masculine est souvent proscrite par la législation nationale, on estime dans de nombreux pays que la sexualité des femmes ne relève d’aucune réglementation officielle: lorsque des femmes – y compris des lesbiennes – choisissent de disposer de leur corps comme elles l’entendent, leur sexualité fait l’objet d’une surveillance vigilante et, le cas échéant, d’une répression violente dans le domaine « privé » du foyer et du milieu familial ou social. Ces femmes subissent parfois des viols, ou alors sont rouées de coups; les violences qui leur sont infligées, si elles étaient perpétrées par des représentants de l’État, seraient assimilées à des actes de torture. Certes, ces actes sont commis par des personnes privées, mais la responsabilité des autorités n’en est pas moins engagée: elles peuvent, en effet, aux termes des engagements internationaux en matière de droits humains, avoir à répondre de ces violations si celles-ci persistent en étant facilitées par leur complicité, leur consentement ou leur manquement à l’obligation de diligence.

Les préférences sexuelles relèvent, au même titre que le sexe ou la race, d’aspects fondamentaux de l’identité humaine. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et inaliénables. Les lois et les pratiques qui visent à forcer quelqu’un à modifier ou à nier ses préférences sexuelles ou qui punissent quiconque ne s’incline pas devant cette contrainte s’attaquent à un élément fondamental de la personnalité individuelle. Elles infligent une terrible violence psychologique – et parfois physique – en contraignant certaines personnes à renoncer à un aspect de leur vie qui constitue, dans bien des cas, une source essentielle d’épanouissement personnel.

Au nom du droit des personnes à l’intégrité physique et psychique, chacun doit avoir la liberté de décider de ses préférences sexuelles et pouvoir les exprimer sans crainte, sans s’exposer à la discrimination et en toute égalité.

Les atteintes aux droits des homosexuels dont Amnesty International fait état bafouent certains droits fondamentaux inscrits dans les normes internationales, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Affirmer que les droits des homosexuels sont des droits fondamentaux ne signifie pas qu’il faut instaurer de nouveaux droits ou octroyer des droits spécifiques à cette population. Cela revient simplement à déclarer que tout un chacun, quelles que soient ses préférences sexuelles, doit pouvoir exercer la plénitude de ses droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels.

Instruments internationaux relatifs à la torture et aux autres formes de mauvais traitements

De nombreuses normes internationales prohibent la torture sans exception et en toutes circonstances. Aucune justification n’est admise; les États sont obligés de poursuivre en justice les personnes suspectées d’avoir ordonné ou perpétré des actes de cette nature.

      Aux termes de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

      La Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdit la torture « infligée par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite » (article 1).

      Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) prohibe également la torture et les autres formes de mauvais traitements même « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation ». Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe constitué d’experts chargés de contrôler l’application par les États parties des dispositions prévues aux termes du PIDCP, affirme que «l’État partie a le devoir d’assurer à toute personne, par des mesures législatives ou autres, une protection contre les actes prohibés par l’article 7 [qui vise la torture et les autres formes de mauvais traitements], que ceux-ci soient le fait de personnes agissant dans le cadre de leurs fonctions officielles, en dehors de celles-ci ou à titre privé [...][11]»

 

La torture et les autres formes de mauvais traitements sont également prohibées en vertu d’instruments régionaux relatifs aux droits humains, tels que la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture ou la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [Convention européenne des droits de l’homme] ainsi qu’en vertu des normes se référant à des groupes spécifiques, telles que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le droit international prohibe non seulement la torture mais aussi les actes qui, sans pouvoir être qualifiés de torture, n’en sont pas moins assimilables à un traitement ou à un châtiment cruel, inhumain ou dégradant (mauvais traitements). Cette disposition n’autorise aucune dérogation et s’applique en toutes circonstances[12]. Les termes employés correspondent à une vaste gamme de cas et peuvent être interprétés de façon à élargir le champ de la protection contre les violences physiques ou psychologiques[13].

Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles ont commencé à faire jouer les mécanismes créés en vertu de normes internationales et régionales pour revendiquer ces droits. À la suite de trois requêtes séparées présentées par des homosexuels d’Irlande du Nord (en 1981), de la République d’Irlande (en 1988) et de Chypre (en 1993), la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les lois criminalisant les relations sexuelles entre adultes consentants contrevenaient aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme relatives à la protection de la vie privée[14].

En 1992, un citoyen australien, Nick Toonen, a porté plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies contre une loi similaire en vigueur dans l’État de Tasmanie. En 1994, le Comité (qui vérifie que les États se conforment aux dispositions du PIDCP) a conclu que cette loi constituait une violation de la vie privée et du droit à être protégé contre les pratiques discriminatoires. Le Comité précise que la référence au « sexe » dans les clauses de non-discrimination du PIDCP (articles 2-1 et 26) doit être considérée comme englobant les préférences sexuelles. En d’autres termes, personne ne peut se voir privé des droits énoncés par ce Pacte à cause de ses préférences sexuelles[15].

D’autres organes chargés de veiller au respect des droits humains ont également souligné que les pratiques discriminatoires fondées sur les préférences sexuelles constituaient une violation des normes juridiques internationales[16].

La Cour européenne a par ailleurs arrêté qu’il était contraire aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui porte sur le droit au respect de la vie privée, d’empêcher une transsexuelle de féminiser son nom ou de changer d’état civil[17], et elle a estimé qu’une enseignante transsexuelle avait été licenciée de façon abusive et discriminatoire après avoir subi une opération destinée à modifier son sexe d’origine (conversion sexuelle)[18].

Depuis lors, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a exhorté les États non seulement à abroger les lois criminalisant l’homosexualité mais aussi à inscrire dans leur constitution ou dans leurs lois fondamentales la prohibition de toute discrimination fondée sur les préférences sexuelles[19].

Les droits des femmes en matière de sexualité ont également progressé lors de la Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin en 1995. Le paragraphe 96 du programme d’action adopté à l’issue de cette conférence dispose que « les droits fondamentaux des femmes comprennent le droit d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine. ».

« Une minorité planétaire »

Un mouvement dynamique et actif s’est développé dans le monde entier pour briser la chape de silence qui pèse sur les discriminations et les violences dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. Ce mouvement s’inscrit en faux contre la rhétorique des gouvernements qui cherchent à nier qu’il existe dans toutes les cultures des orientations et des comportements homosexuels. Selon Ashok Row Kavi, militant indien, défenseur des droits des personnes homosexuelles, les homosexuels ont une identité internationale et représentent une minorité planétaire. Si ce militantisme mondial a diverses origines, il trouve principalement sa source dans les mouvements en faveur des droits des femmes, notamment le droit des femmes à disposer de leur sexualité.

En menant campagne pour mettre un terme à la torture et aux autres formes de mauvais traitements contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles, Amnesty International s’efforce de promouvoir le principe fondamental d’universalité. Si nous tolérons qu’un groupe soit privé de la jouissance de ses droits, nous fragilisons tout le dispositif de protection des droits humains en lui ôtant sa pièce maîtresse: l’égalité des droits pour tous et le respect de la dignité de tout être humain. Le droit de ne pas être soumis à la torture et autres formes de mauvais traitements doit s’appliquer à tous sans distinction.

Le présent rapport est principalement axé sur la torture et les autres formes de mauvais traitements infligées par des représentants de l’État, qui sont au centre des enquêtes menées par l’organisation de défense des droits humains ces dernières années. Il se penche auss Idem, p 206i sur la responsabilité qui incombe aux États de prévenir et de sanctionner les violences au sein de la communauté au sens large. Il est important de comprendre que les différentes manifestations de la violence à l’égard des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles – dans les locaux de la police, en prison, dans les lieux de la vie quotidienne ou au domicile – sont liées les unes aux autres. En agissant contre tous ces actes violents au nom de la lutte contre la torture et les autres formes de mauvais traitements, on dénonce avec d’autant plus de force ces violations des droits fondamentaux, quel que soit le lieu où elles se produisent. Il est clair, dans ces conditions, que les États sont dans l’obligation d’affronter simultanément le problème de la violence et celui de la discrimination qui lui permet d’apparaître.

Le présent rapport n’entend pas traiter de façon exhaustive les actes de torture et autres mauvais traitements dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles du fait de leur identité sexuelle. Les cas qu’il évoque illustrent les différents aspects que peut prendre la violence au moyen d’informations recueillies par Amnesty International dans de nombreux pays. L’objectif est d’informer, d’étayer le travail des membres de l’organisation et d’autres militants qui, à travers le monde, mènent campagne pour sensibiliser à la torture et aux autres formes de mauvais traitements dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles et enfin, de faire pression pour que des mesures concrètes viennent prévenir les violations et soutenir les personnes qui y sont exposées.


L’homosexualité, un crime ?

En 1592, une femme nommée Felipa de Souza, qui vivait dans la colonie portugaise du Brésil, a été condamnée à l’exil par l’Inquisition et fouettée brutalement dans les rues de Salvador pour servir d’exemple. Le motif de ce châtiment? Le « crime infâme et abominable de sodomie »: Felipa de Souza avait avoué avoir eu des rapports sexuels avec d’autres femmes[20].

On pourrait croire que la criminalisation de l’homosexualité et sa punition par un châtiment violent appartiennent à un passé lointain. Pourtant, de nombreuses personnes vivent aujourd’hui un sort similaire à celui de Felipa. Au moins 70 États ont franchi le cap du XXIe siècle avec des législations contenant des textes qui prohibent les relations homosexuelles[21]. Dans certains pays, les relations homosexuelles sont passibles de peine de mort. Bon nombre des rapports reçus par Amnesty International et faisant état de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligées à des personnes homosexuelles en détention émanent de pays où l’homosexualité est proscrite par la loi.

Dans chaque société, le droit pénal définit les bornes des comportements sexuels licites, c’est-à-dire qu’il limite l’expression et la satisfaction du désir sexuel des individus autant que cela est nécessaire pour garantir les droits d’autrui. Ces restrictions varient d’une culture à l’autre et évoluent au fil de l’histoire, à mesure que les interdits archaïques sont levés et que de nouveaux droits sont reconnus. Le terme imprécis de « sodomie » a souvent été utilisé par les législateurs pour désigner tout ce qui se situe au-delà des limites autorisées. Parmi les nombreuses pratiques qui ont été dénommées ainsi à diverses époques et dans différents pays figuraient les relations sexuelles entre personnes de race différente et tout acte sexuel non destiné à la procréation.

Les lois criminalisant les relations homosexuelles existent, sous des formes différentes, sur tous les continents[22]. Dans certains pays, les rapports homosexuels entre adultes consentants sont criminalisés sous l’appellation de « sodomie », « crimes contre nature », « actes pervers ». Ailleurs, diverses expressions de l’identité homosexuelle tombent sous le coup de la loi en raison de chefs d’inculpation vagues: « actes immoraux » ou « scandale public ». En de nombreux endroits du monde, ces lois sont des vestiges de la domination coloniale mais sont défendues, paradoxalement, par des chefs de gouvernements post-coloniaux qui les considèrent comme une protection nécessaire face à l’homosexualité, ce « produit d’importation ». Amnesty International est opposée à toute loi permettant l’incarcération en raison de l’identité sexuelle; elle assimile à des prisonniers d’opinion les personnes maintenues en détention ou emprisonnées en application de telles lois et demande qu’elles soient libérées immédiatement et de manière inconditionnelle.

Le travail de recherche effectué par Amnesty International indique que les lois qui font de l’homosexualité une infraction ouvrent la voie à la torture et aux mauvais traitements sous de multiples formes. Dans certains pays, par exemple, des châtiments corporels tels que la flagellation sont prononcés par une juridiction pour sanctionner ce « crime ». Amnesty International considère que des châtiments de cette nature peuvent être assimilés à la torture ou autres traitements cruels, inhumains et dégradants.

Ces lois peuvent également encourager les forces de l’ordre à ne pas traiter comme des êtres humains ces détenus qui passent pour des criminels du seul fait de leur identité. Parce qu’elles donnent à la discrimination un caractère institutionnel, elles constituent une incitation officielle à commettre des actes de violence motivés par l’identité sexuelle dans toutes sortes de circonstances: en détention préventive, en prison, dans les rues ou au domicile. En privant de certains de ses droits une partie de la population, elles empêchent les personnes victimes de torture et d’autres mauvais traitements en raison de leur identité sexuelle d’obtenir réparation; elles permettent aux tortionnaires de continuer à agir en toute impunité.

Roumanie : « J’ai été traitée comme la dernière des dernières »

Mariana Cetiner[23] a été arrêtée en octobre 1995 pour « avoir tenté de séduire une autre femme ».

En juin 1996, elle était reconnue coupable et condamnée à trois ans d’emprisonnement en vertu de l’article 200 du Code pénal roumain.

« J’ai été vraiment maltraitée par les gardiens de prison parce que, en Roumanie, on n’approuve pas les gens qui ont des relations homosexuelles. Pire encore, les gardiens m’ont […] battue et insultée. On a plus de considération pour les criminels que pour deux femmes ayant une relation [...] Alors, à cause de cette histoire d’homosexualité, enfin, parce que je suis lesbienne [...], j’ai été traitée comme la dernière des dernières[24]. »

En août 1996, Mariana Cetiner, qui s’était plainte des mauvais traitements qu’elle subissait, a été menottée à un radiateur, contrainte de demeurer onze heures durant « dans la même position que le Christ » et privée de nourriture. Acquittée en janvier 1997 par un tribunal statuant en appel, elle a de nouveau été arrêtée, une cour d’appel ayant annulé le jugement précédent, et s’est vu contrainte de purger le restant de sa peine. Transférée dans un autre établissement pénitentiaire, Mariana Cetiner a été placée dans une cellule de haute sécurité réservée aux détenues dangereuses. Elle y a été battue par le personnel de surveillance et par ses codétenues. Selon elle, après un de ces passages à tabac, elle s’est retrouvée avec des côtes fracturées. Lorsqu’elle a demandé à voir un médecin, elle a été placée à l’isolement pendant dix jours.

À la suite des pressions de l’opinion internationale et notamment d’une campagne d’Amnesty International, qui a impulsé des manifestations et dont les membres ont écrit des lettres dans le monde entier, Mariana Cetiner a été libérée par décret présidentiel en mars 1998 et a quitté le pays peu de temps après.

La criminalisation de l’homosexualité en Roumanie a, durant des années, créé un environnement propice à la torture. L’article 200 du Code pénal a été modifié en 1996 sous la pression du Conseil de l’Europe. Il dispose toutefois que les actes homosexuels entre adultes consentants sont passibles d’une peine d’emprisonnement « si les faits se sont déroulés en public ou ont causé un scandale public[25] ».

L’alinéa 5 rend passible de peines allant de un à cinq ans d’emprisonnement toute personne ayant « incité, par la séduction, ou par tout autre moyen, une personne à avoir avec elle des relations homosexuelles, ayant formé des associations de propagande ou fait, sous quelque forme que ce soit, du prosélytisme à cette fin ». Les réformes du Code pénal proposées par le gouvernement en septembre 1999, prévoyant notamment l’abolition de l’article 200, n’avaient pas encore été adoptées par le Parlement début 2001.

En septembre 1996, deux jeunes gens de dix-sept ans ont été arrêtés dans un jardin public la nuit, inculpés en application des nouvelles dispositions et passés à tabac par les policiers qui voulaient les forcer à avouer qu’ils avaient eu des rapports sexuels sur la voie publique. « Ils voulaient savoir avec qui d’autre je l’avais fait et ils m’ont battu comme de vrais sadiques pour obtenir des noms et des adresses [...] Ils ne cessaient de demander qui est-ce qui fait la fille et qui est-ce qui fait le garçon. Je leur répondais: « Nous sommes tous les deux des garçons ». Alors, ils me donnaient des gifles et des coups de poing. On leur servait de punching-balls[26]. »

Aucune enquête ne semble avoir été menée jusqu’à présent sur ces informations faisant état de mauvais traitements et de torture.

Dans les Caraïbes, un héritage colonial de cruauté

Dans nombre de pays des Caraïbes, les lois proscrivant les relations homosexuelles sont défendues au nom de valeurs culturelles locales alors qu’elles ne sont qu’un héritage de l’époque coloniale. L’ardeur avec laquelle certains gouvernements de la région défendent les lois prohibant la « sodomie » contribue à la persistance de la discrimination et engendre un climat qui encourage les représentants de l’État, mais aussi les particuliers, à se livrer à des violences à l’égard des homosexuels. Dans une communication portant sur Trinité-et-Tobago qu’elle a présentée au Comité des droits de l’homme des Nations unies en octobre 2000, Amnesty International affirmait que le maintien de lois assimilant les gays et les lesbiennes à des malfaiteurs renforce les préjugés et accroît par là même le risque d’attentats et d’autres exactions dirigées contre les personnes soupçonnées d’être homosexuelles. Selon certaines informations, la police a souvent recours à ces lois pour extorquer de l’argent à des membres de la communauté homosexuelle.

En novembre 1996, quatre hommes ont été arrêtés près de l’aéroport de Kingston, à la Jamaïque, et inculpés d’« outrage aux bonnes mœurs ». Ces hommes, dont deux étaient partiellement vêtus, ont été forcés de se déshabiller complètement et exhibés dans leur nudité au poste de police de l’aéroport, où ils ont été gardés jusqu’au lendemain. Une foule en colère s’est rassemblée, apparemment sur incitation de la police, et a menacé les quatre hommes. Transférés au département de la police chargé des affaires de viol, où ils auraient été victimes d’agressions sexuelles, les quatre hommes ont ensuite été conduits au centre d’éducation surveillée où ils ont été forcés de nettoyer les cellules et les toilettes des autres détenus à mains nues. La police a également incité des codétenus à agresser ces hommes en laissant les portes de leurs cellules ouvertes de sorte qu’on puisse s’y introduire et les brutaliser.

Il s’agit là de l’un des nombreux témoignages reçus par Amnesty International faisant état de mauvais traitements infligés à des gays en Jamaïque. La plupart sont très fragmentaires ou anonymes, souvent par peur de représailles en cas de plainte. Les rapports sexuels entre adultes consentants de sexe masculin sont toujours passibles d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à dix ans, assortie de travaux forcés[27]. Manifestement, les responsables de l’application des lois se croient autorisés par ces textes à maltraiter les personnes soupçonnées d’être homosexuelles; l’existence de telles lois encourage également les particuliers à agresser les homosexuels.

Des cas de mauvais traitements homophobes ont été signalés dans certains pays des Caraïbes qui ont dépénalisé les relations homosexuelles en privé. Aux Bahamas, deux jeunes gens de dix-sept ans ont été arrêtés par la police en août 1999 parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir eu des rapports sexuels dans une voiture garée sur une plage isolée, près de Nassau. Contraints de se déshabiller, ils ont été battus à coups de barre de fer. Au poste de police, ils ont été insultés en termes homophobes et se sont vu interdire de remettre leurs sous-vêtements et de contacter leur famille ou un avocat. En janvier 2000, le gouvernement a déclaré que les faits faisaient l’objet d’une enquête. Le responsable par intérim de la supervision des services de police a écrit à Amnesty International en février 2001 pour déclarer qu’il était convaincu, à la suite de cette enquête, qu’aucun traitement cruel, inhumain ou dégradant n’avait été infligé à quiconque en détention. La lettre n’apportait aucune réponse aux préoccupations précises formulées par l’organisation de défense des droits humains; elle ne donnait d’informations ni sur les faits couverts par l’enquête ni sur son déroulement.

Certains gouvernements des Caraïbes assurent que les lois contre la « sodomie » sont nécessaires pour prévenir le sida. Il est discriminatoire, inexact et dangereux de poser un lien exclusif entre homosexualité et sida. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a souligné « qu’aucune corrélation [n’avait] été établie entre le maintien de l’homosexualité en tant qu’infraction pénale et l’efficacité de la lutte contre la prolifération du VIH (sida).[28] » Ce type de lois est parfois invoqué pour incarcérer et maltraiter des personnes qui mènent un travail de sensibilisation au sida et sont soupçonnées, en raison de leur activité, de promouvoir les relations homosexuelles. Le 5 mai 2000, un infirmier était incarcéré pour avoir distribué des préservatifs à des travailleurs et travailleuses du sexe en Jamaïque; il avait pourtant sur lui un document qui l’autorisait à exercer cette activité. Il a été détenu durant neuf heures dans les locaux de la police, n’a eu la permission de contacter ni sa famille ni un avocat et a subi interrogatoires et insultes avant d’être relâché sans que des charges aient été retenues contre lui. Par ailleurs, la criminalisation des relations homosexuelles en Jamaïque rend extrêmement difficiles les efforts déployés en milieu carcéral pour réduire les risques liés aux pratiques sexuelles et aggrave le danger de contamination pour les détenus (voir chapitre 3: Torture et autres formes de mauvais traitements dans les prisons).

En Malaisie, une arme pour réprimer les opposants

Certains gouvernements s’appuient sur l’homophobie pour détourner l’attention de l’opinion publique ou discréditer et réduire au silence leurs adversaires. Les accusations d’homosexualité ont été utilisées comme prétexte pour emprisonner des opposants et il a été fait un large usage de la torture et d’autres formes de mauvais traitements pour arracher des « aveux » en vue d’étayer des accusations montées de toutes pièces.

En Malaisie, « toute personne qui a volontairement des rapports sexuels contre nature sera passible d’une peine d’emprisonnement pouvant s’élever à vingt années et d’une peine de flagellation[29] ». Début septembre 1998, l’ancien vice-Premier ministre Anwar Ibrahim a été limogé par le Premier ministre Mahathir Mohamad; il était accusé de comportement sexuel répréhensible, de corruption et d’avoir mis en péril la sécurité intérieure. Amnesty International est convaincue que ces accusations répondaient à une volonté politique de contrecarrer les propositions de réforme faites par l’ancien vice-Premier ministre. Trois semaines plus tard, soit peu après l’arrestation d’Anwar Ibrahim et son incarcération au secret dans des locaux de la police où il a été violemment battu, le Premier ministre Mahathir qualifiait en public l’ancien vice-Premier ministre de « sodomite, inapte à gouverner le pays ».

Avant l’arrestation d’Anwar Ibrahim, Munawar Anees, un proche collaborateur qui avait rédigé ses discours, et Sukma Darmawan, son frère adoptif, avaient été condamnés à six mois d’emprisonnement pour « attentats à la pudeur ». Ils avaient été contraints sous la torture d’« avouer » s’être laissés sodomiser par Anwar Ibrahim. Ces deux hommes ont été victimes de plusieurs formes d’humiliation et de violences sexuelles: forcés par exemple de se déshabiller, ils devaient simuler les actes sexuels dont ils étaient accusés. Un autre homme, Mior Abdul Razak, a lui aussi été accusé de « crimes » sexuels du même ordre mettant en cause Anwar Ibrahim. Les trois hommes ont déposé plainte en bonne et due forme auprès de la police, mettant en cause le traitement qui leur avait été infligé ainsi que les « aveux » qui leur ont été arrachés. Sukma Darmawan et Mior Abdul Razak ont été inculpés de parjure. Quant à Munawar Anees, il a été autorisé à quitter le pays.

En 1999, Anwar Ibrahim et Sukma Darmawan ont été jugés pour « sodomie ». Les « aveux » de Sukma Darmawan ont été portés comme preuve au dossier bien qu’il ait affirmé qu’ils lui avaient été extorqués sous la torture. En août 2000, les deux hommes étaient reconnus coupables: Anwar Ibrahim et Sukma Darmawan ont été condamnés respectivement à neuf années et six années d’emprisonnement et quatre coups de baguette. Au moment de la rédaction du présent document, les deux affaires avaient fait l’objet d’un appel. En attendant qu’il soit statué sur son appel, Sukma Darmawan a bénéficié d’une libération sur caution. Anwar Ibrahim commençait pendant ce temps à purger sa peine; c’était un prisonnier d’opinion.

À la suite de mouvements de protestation, un ancien responsable de la police nationale a été condamné en mars 2000 à deux mois d’emprisonnement pour avoir tabassé Anwar Ibrahim. À la connaissance d’Amnesty International, personne n’a été déféré à la justice pour avoir torturé les deux hommes. Les articles du Code pénal concernant les « rapports sexuels contre nature » continuent d’être en vigueur[30].

Des châtiments judiciaires cruels

La Malaisie n’est pas le seul pays où la loi prévoit des châtiments corporels pour sanctionner les relations homosexuelles. Le 16 avril 2000, Associated Press signalait le cas de neuf jeunes hommes condamnés par un tribunal saoudien à des peines d’emprisonnement et à plusieurs centaines de coups de verge chacun (jusqu’à 2 600, dans certains cas) pour « comportement sexuel
 déviant »
, selon toute apparence en raison de leur identité sexuelle[31].

Les pays où des peines aussi lourdes sont prononcées pour punir des relations homosexuelles sont aussi ceux où sont réprimées d’autres formes de relations sexuelles entre adultes consentants qui transgressent des codes religieux ou politiques sévères, notamment les relations hétérosexuelles hors mariage. Lorsque les discriminations sexospécifiques sont inscrites dans la loi, les femmes accusées d’entretenir une liaison hors mariage sont particulièrement exposées à des sanctions de cette nature[32].

Selon certaines interprétations de la charia, les relations en dehors du mariage, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, sont passibles de peines pouvant aller jusqu’à 100 coups de fouet pour les célibataires et à la mort par lapidation pour les personnes mariées. En Afghanistan, six hommes au moins auraient été condamnés pour « sodomie » par les talibans, lors de deux procès distincts; ces hommes auraient été ensevelis en public sous un mur abattu sur eux, en 1998 et 1999[33].

En Tchétchénie, le Code pénal islamique prévoit la peine de mort pour les rapports sexuels entre hommes. Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances; elle considère qu’il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.


Les brutalités policières

Frederick Mason, un aide-soignant de trente et un ans, a été arrêté à Chicago (États-Unis), en juillet 2000, à la suite d’une dispute avec son propriétaire. Des témoins certifient que Frederick Mason était en bonne santé au moment où il est entré dans le commissariat; mais, lorsqu’il en est ressorti, il saignait abondamment du rectum. Selon son propre récit, deux policiers non identifiés l’ont emmené dans la salle des interrogatoires où il a été menotté à hauteur des coudes et plaqué contre un mur. Ensuite, le policier qui l’avait interpellé lui aurait baissé son pantalon et aurait aspergé d’un produit d’entretien bleu une matraque qu’il lui a ensuite enfoncée dans le rectum. Pendant qu’il le sodomisait, le policier lui aurait lancé des insultes homophobes. Un deuxième policier, également non identifié, aurait assisté au début de la scène, lorsque le pantalon de la victime a été baissé, mais se serait éloigné pendant l’agression. Frederick Mason affirme avoir été victime de violences et d’insultes racistes et homophobes telles que « sale tantouze nègre » dès qu’il a été arrêté.

Le 25 novembre 2000, Jeffrey Lyons, un hétérosexuel âgé de trente-neuf ans, aurait été agressé par un groupe de huit à 10 agents de la police de Chicago qui n’étaient pas en service et l’avaient vu serrer un ami dans ses bras devant un bar. Jeffrey Lyons a subi plusieurs blessures graves, entre autres un nez cassé, une fracture de la pommette et des lésions neurologiques. Vers la fin de cette agression, un policier non identifié lui aurait lancé une phrase sarcastique: « Mets-toi bien ça dans la tête: vous autres, les pédés, vous ne gagnerez jamais ». Après que Jeffrey Lyons eut perdu connaissance pendant un instant, les policiers se sont dispersés et l’auteur principal des violences est retourné dans le bar. Selon certains témoignages, les conducteurs de deux des voitures qui ont quitté les lieux – on a appris par la suite qu’elles appartenaient à des policiers qui n’étaient pas en service – avaient d’abord tenté de renverser l’ami de Jeffrey Lyons pendant qu’il relevait leurs numéros d’immatriculation.

Au moment de la rédaction du présent rapport, les deux cas étaient examinés par l’Office of Professional Standards (OPS, Bureau spécial de la police chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les forces de l’ordre). Toutefois, selon des sources locales, l’enquête risque d’être entravée par des policiers qui chercheront à étouffer ces affaires. Trois policiers impliqués dans l’agression de Jeffrey Lyons ont dans un premier temps été suspendus mais ils ont ensuite repris leur travail.

Amnesty International demande instamment aux autorités policières et à la ville de Chicago de veiller à ce qu’une enquête exhaustive et impartiale soit menée dans ces deux affaires. Elle demande également aux autorités de faire clairement savoir que les actes de torture et autres formes de mauvais traitements commis par des policiers, y compris les actes de violence à caractère homophobe, ne seront pas tolérés[34].

Lorsque la législation ne pénalise ni l’identité ni le comportement homosexuels, la police s’en charge souvent. Certaines personnes sont en butte à des préjugés racistes, sexistes ou homophobes qui donnent lieu à des pratiques discriminatoires à leur égard et à des mauvais traitements en détention. La discrimination institutionnalisée peut contribuer à l’impunité dont bénéficient les policiers qui se rendent responsables de tels actes. Lorsque la victime appartient ou passe pour appartenir à un groupe social marginalisé, les agents de la force publique sont souvent convaincus que leurs agissements ne feront pas l’objet d’une enquête approfondie, voire qu’aucune enquête ne sera ouverte. Dans bien des cas, la loi du silence – respectée par les policiers qui ne signalent pas les violences perpétrées par des collègues – protège les responsables de ces actes. Du fait de ce climat d’impunité, les personnes dont les droits sont bafoués finissent par se taire, soit parce qu’elles ont l’impression de ne pas faire le poids soit parce que la police ne donne pas suite à leurs plaintes.

Derrière les barreaux, les gays et les lesbiennes sont particulièrement exposés au harcèlement ou aux agressions à caractère sexuel, pouvant aller jusqu’au viol. Les autorités ne se montrent guère résolues à aborder de front le problème du sexisme et de l’homophobie dans la police, ce qui engendre un climat propice à ce type de violations.

En 1997, Katia Ivanova[35], une lesbienne vivant en Russie, à Moscou, est allée porter plainte au poste de police de son quartier contre des voisins qui l’avaient agressée et menacée. Elle a présenté au policier qui la recevait les billets pleins de menaces et d’insultes homophobes qui avaient été glissés sous sa porte. Lorsque l’homme a vu le contenu des messages, il a commencé à lui faire des avances sexuelles. En quittant les lieux, Katia Ivanova regrettait d’avoir demandé l’aide de la police. Elle est pourtant retournée au poste plusieurs mois après, sur convocation de ce même policier. Elle croyait qu’il voulait donner suite à sa plainte, mais il n’en était rien. « Il m’a menacée en me disant que mes voisins pouvaient me tuer mais qu’il avait les moyens de m’aider. Puis il m’a dit qu’il ne pourrait faire quelque chose que si j’acceptais de coucher avec lui. Lorsque j’ai essayé de résister, il m’a empoignée, m’a jetée sur la table, m’a frappée au visage et m’a violée, là, au beau milieu de son bureau. » Durant les mois qui ont suivi, elle a de nouveau été convoquée à de nombreuses occasions par ce même policier, à son bureau ou en d’autres endroits. Sachant que, si elle refusait d’y donner suite, elle risquait d’être arrêtée et emprisonnée, elle s’y est rendue. « Officiellement, il s’agissait d’enquêter sur mon dossier mais, en réalité, il m’appelait pour me violer encore. » Katia Ivanova a déposé une demande d’asile aux États-Unis. « Je prie pour qu’elle aboutisse et qu’il soit mis fin à mon cauchemar[36] ».

Des homosexuels arrêtés pour des motifs n’ayant rien à voir avec leurs préférences sexuelles peuvent voir celles-ci exploitées par les policiers durant l’interrogatoire, certains représentants de la loi allant jusqu’à établir des liens entre « dissidence sexuelle » et dissidence au sens large.

Bojan Aleksov, un gay yougoslave, a été placé en garde à vue le 7 juillet 2000 par des membres des services de sûreté de l’État qui l’ont interrogé sur ses liens avec Women in Black, une ONG de femmes contre la guerre, basée à Belgrade, ainsi qu’avec une association sise à Budapest qui défend les droits des objecteurs de conscience de la République fédérale de Yougoslavie. Les policiers qui ont interrogé Bojan Aleksov ont déclaré être au courant de son « soutien aux déserteurs », ajoutant que ceux qui sont associés à certains militants de Bosnie-Herzégovine sont « des imbéciles et des ennemis de la patrie ». « Ils ont dit que j’étais payé avec des devises étrangères et que la subvention [accordée par une fondation occidentale pour des activités humanitaires] n’était qu’une couverture masquant des activités d’espionnage visant à déstabiliser l’État. »

Bojan Aleksov dit avoir été passé à tabac durant son interrogatoire qui a duré près de 24 heures. Ses tortionnaires lui ont annoncé que la police inventerait une histoire pour expliquer sa mort. « Ils ne cessaient de hurler, de m’injurier, mequalifiant la plupart du temps de « peder » [pédé]. À un moment, l’un d’eux m’a brandi devant les yeux une grosse clé de voiture en disant qu’elle m’irait comme un gant (s’il me l’enfonçait dans l’anus)[37]. »

Bojan Aleksov a été libéré après avoir été contraint de signer une déposition selon laquelle il avait participé à des activités d’espionnage et avait cherché à saper les capacités défensives de la Yougoslavie; une personne militant au sein des Women in Black était également mise en cause par ce document. On l’a également forcé à s’engager à fournir des renseignements aux services de sûreté de l’État mais il a immédiatement fui le pays, craignant d’être en danger s’il restait.

Le contrôle policier de l’identité sexuelle

Vanessa Lorena Ledesma, une transsexuelle, a été arrêtée à Córdoba, en Argentine, le 11 février 2000, au cours d’une échauffourée dans un bar. Cinq jours après, elle était morte. Selon un rapport de police, elle aurait succombé à un « arrêt cardiaque ». L’autopsie révèle cependant que son corps portait des contusions et d’autres traces de torture. Vanessa Lorena Ledesma aurait été détenue au secret et séparée des autres prisonniers. Cette mise à l’isolement ne visait visiblement pas à la protéger, mais plutôt à éviter que d’autres détenus ne partagent leur cellule avec une personne « malsaine », terme employé par référence à sa sérologie VIH positive. À la suite d’une manifestation organisée à Buenos Aires par des défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles, les autorités de la province de Córdoba ont indiqué qu’elles allaient rouvrir l’enquête sur les circonstances de la mort de Vanessa Lorena Ledesma[38].

Dans de nombreux pays, les transsexuels sont victimes de graves mesures discriminatoires et de violences fréquentes. On leur reproche souvent d’avoir violé la loi de la séparation entre les sexes; ils sont punis non seulement pour avoir franchi cette barrière dressée au sein de la société mais aussi, dans certains cas, pour avoir voulu changer leur sexe biologique. Beaucoup sont alors victimes d’actes de torture et autres violences.

Ces dernières années, Amnesty International a recueilli des éléments alarmants par leur nombre et leur nature concernant des violences commises à l’égard de transsexuels dans les Amériques. Les informations sur ces exactions, constituant parfois des actes de torture, proviennent pour une grande part du travail courageux de militants qui œuvrent sur place pour la défense des droits des transsexuels et ont attiré l’attention sur ces pratiques violentes, malgré les menaces et le risque de marginalisation.

Dans certains pays de cette région, il arrive que des transsexuels aient des démêlés avec la force publique du simple fait de leur identité sexuelle. En Argentine par exemple, des arrêtés autorisent la police à placer des gens en détention pour « outrage aux bonnes mœurs »: il peut s’agir de travestisme. Mais ce sont les travailleurs du sexe qui font le plus les frais des brutalités policières dans la région.

Très souvent, c’est en relation avec des pratiques d’extorsion que sont commis les actes de torture à l’égard des travailleurs du sexe transsexuels. Trois travestis ont ainsi été arrêtés par la police civile de Maceió, au Brésil, en juin 1997, pour avoir apparemment négligé de payer à la police, qui les rackettait, la « taxe » demandée. Emmenés au poste, ils ont été violemment battus avec des sandales de caoutchouc cloutées et contraints de nettoyer des toilettes répugnantes de saleté. Une fois libérés, deux d’entre eux, connus sous le nom d’Aleska et de Fabiana, sont allés se réfugier dans un abri sûr mais ils ont eu trop peur pour porter plainte[39].

Des mauvais traitements ont également été infligés par la police à l’occasion d’opérations de « nettoyage social » qui visaient des travailleurs du sexe transsexuels, accusés de propager des maladies contagieuses. En juillet 2000, neuf travestis, travailleurs du sexe, ont été détenus à Guayaquil, en Équateur, apparemment parce qu’ils étaient soupçonnés d’être porteurs du virus VIH[40]. Accusés d’« atteinte aux valeurs morales de la société », ils ont été contraints de se soumettre à des tests de séropositivité. La presse locale a parlé de « porteurs du sida » et d’« homosexuels sidéens en maraude[41] ». Les normes internationales en matière de santé et de droits humains interdisent que des tests soient imposés dans des circonstances de cette nature[42] et Amnesty International assimile ces tests forcés à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Au Vénézuéla, deux jeunes amis transsexuels ont été arrêtés par la police à Valencia (État de Carabobo), en août 2000. Ils ont été contraints de se dévêtir et roués de coups en pleine rue. La police de cet État aurait également forcé des transsexuels à accomplir des actes sexuels en échange de leur libération et aurait laissé à moitié nus et à bonne distance de la ville ceux qui ont refusé de se plier à ces injonctions[43].

Souvent, les personnes appartenant à ce groupe humain sont l’objet d’agressions physiques qui visent délibérément les emplacements où se manifeste la transformation de leur identité sexuelle: très souvent, les transsexuels ou les travestis sont frappés sur les pommettes ou les seins. Sous les coups, les implants éclatent, libérant parfois des substances toxiques pouvant avoir de graves conséquences sur la santé.

Les défenseurs des droits des transsexuels, qui ont tenté d’obtenir de la police qu’elle ait à répondre d’actes de torture et autres mauvais traitements, ont eux-mêmes été victimes de violences physiques. En Argentine, Nadia Echazu a été arrêtée et maltraitée par la police de Buenos Aires, en décembre 1997, le jour même où elle devait comparaître devant un tribunal chargé d’enquêter sur le traitement des travestis placés en garde à vue dans deux postes de police. Emmenée dans l’un de ces deux postes, elle y avait été frappée à coups de pied, rouée de coups et ligotée dans une camisole de force avant d’être relâchée sans inculpation[44].

Plus récemment, des défenseurs argentins des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles ont mené campagne pour que justice soit faite dans le cadre de l’affaire Vanessa Ledesma. Ainsi, Vanessa Piedrabuena, présidente de l’Asociación Travestis Unidas de Córdoba (ATUC, Association des travestis unis de Córdoba) a déposé une plainte à ce sujet. Depuis lors, elle est harcelée et menacée à son domicile par des policiers qui lui auraient déclaré « Ne la ramène pas! Mêle-toi de tes affaires. Personne ne cherchera à savoir ce que tu es devenue s’il t’arrive quelque chose[45]. »

Un mouvement d’opinion puissant s’étant déclenché sur le plan national et international, un certain nombre d’agents de police ont été inculpés de mauvais traitements à l’encontre de Vanessa Ledesma. Toutefois, aucun d’entre eux n’a été arrêté ni suspendu et, au milieu de l’année 2000, les poursuites engagées contre ces agents étaient interrompues.

Si les menaces et les mauvais traitements à l’égard des militants ont contribué à la persistance de l’impunité dont bénéficient les forces de l’ordre, les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles n’en sont pas moins déterminés à poursuivre leur lutte.

Pendant des années, nous avons fait en sorte de construire [notre] droit à une citoyenneté à part entière. Nous souhaitons que l’État reconnaisse notre droit à une identité; nous ne voulons pas être marginalisées, ni à la maison ni à l’école, ni être condamnées à la prostitution où nous sommes exposées aux pires violences. Nombre de nos camarades ont été battues à mort dans des postes de police sans que personne n’élève la voix ni ne prenne leur défense[46].

Lohana Berkins, militante argentine pour les droits des transsexuels.

Le maintien de l’ordre dans les lieux publics

Les mauvais traitements infligés par des policiers ne se limitent pas aux interrogatoires dans les locaux de la police. Les forces de l’ordre se livrent parfois à des sévices lors de rafles sur des lieux de rencontre ou au cours de manifestations. Dans certains pays, ces interventions policières visent à interdire aux personnes homosexuelles l’accès aux espaces publics et à les empêcher d’exercer leur droit de libre association et de rassemblement non violent.

Ainsi, en Équateur, les mauvais traitements ont pour but d’empêcher les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles de s’organiser et à nier leur existence au sein de la société. La police aurait par exemple utilisé des gaz lacrymogènes contre 300 personnes qui s’étaient rassemblées pacifiquement à l’occasion d’un défilé culturel organisé le 28 juin 2000 dans le centre de Guayaquil par la Fundación Amigos por la Vida (Fondation des amis pour la vie) pour commémorer le soulèvement du Stonewall[47]. La Fondation avait demandé à plusieurs reprises l’autorisation de la police pour organiser cette manifestation, et avait essuyé des refus apparemment motivés par le fait que la société n’était pas prête pour ce type d’événement.

La police de Guayaquil a pris des mesures répressives contre les personnes homosexuelles dans les bars et autres lieux qu’elles fréquentent. Ainsi, Tomás[48] se trouvait dans une discothèque de la ville lorsque, vers 3 heures du matin, un sous-lieutenant a fait irruption dans les locaux. « Je lui ai demandé poliment « Que se passe-t-il, monsieur l’agent? » et il ne lui en a pas fallu plus pour m’agresser. Il m’a poussé si violemment que j’ai dégringolé les escaliers. Il a continué à me battre et à proférer des insultes homophobes[49]. »

Tomás ainsi qu’un employé de la discothèque ont été emmenés dans une fourgonnette. Le véhicule s’est garé à quelques rues de là et les deux hommes ont été forcés de se coucher, face contre le sol. Tomás a reçu des coups de pied et de poing jusqu’à ce qu’il ait le visage en sang. Au siège de la police, on lui a ordonné de rester debout, les jambes écartées, et plusieurs coups de manche à balai lui ont été assenés. Un autre policier ayant participé à l’arrestation l’aurait menacé de mort si jamais il racontait ce qu’il avait subi. Il semble que la descente de police dans la discothèque n’avait aucun motif légitime. Cependant, l’établissement s’est vu retirer sa licence. Les deux hommes maintenus en détention ont été libérés deux jours après leur arrestation, sans inculpation[50].

Des descentes de police dans les bars lesbiens ont également été signalées ces dernières années à Lima, la capitale péruvienne. Dans certains cas, elles ont été l’occasion de passages à tabac et d’insultes homophobes. Par le passé, il est arrivé que la police ait été accompagnée par des équipes de presse au cours de ces opérations; or, pour beaucoup de personnes homosexuelles, la révélation de leur identité à la télévision peut avoir des effets catastrophiques.

En juillet 1997, à Moscou, en Russie, des agents de police armés auraient battu ou maltraité une quarantaine de personnes à l’occasion d’une opération menée dans une discothèque nommée Chance, lieu de rencontre homosexuel. Ces personnes auraient été frappées au cours de leur arrestation et contraintes de signer des déclarations préétablies comportant des tests de toxicomanie falsifiés. Les appels d’Amnesty International réclamant l’ouverture d’une enquête sur ces allégations semblent avoir été ignorés.

En Inde, le People’s Union for Civil Liberties-Karnataka (PUCL-K, Union populaire pour les libertés publiques du Karnataka) a signalé que la police recourait de plus en plus fréquemment aux mauvais traitements et au racket à l’égard des gays et des bisexuels dans les parcs et autres lieux de rencontre de Bangalore. L’organisation a ainsi évoqué l’arrestation, le 22 avril 2000, de dix hommes qui ont tous été insultés et menacés de voir leur orientation sexuelle et leur interpellation révélées à leur famille; certains ont été violemment battus. Le PUCL-K relève que les parcs et autres lieux publics constituent souvent les seuls endroits où les gays peuvent se rencontrer et lier connaissance, les femmes, quant à elles, subissant les conséquences d’un accès encore plus restreint aux lieux publics. Le manque d’intimité dans ces espaces expose les homosexuels à des agressions homophobes commises par des individus qui se savent assurés de l’impunité. Par crainte de voir leur identité sexuelle connue de leurs familles, de leurs collègues ou de leurs voisins, la plupart des victimes renoncent à porter plainte[51].


Les prisons

« Juste après le viol, ils m’ont demandé si ça m’avait servi de leçon. [Les gardiens] m’ont dit qu’étant gay, j’avais dû me régaler. »

Timothy Tucker, gay séropositif violé par un codétenu
dans une prison fédérale de Virginie, États-Unis
[52].

En prison, les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles, ainsi que ceux que l’on considère comme des gays, sont fréquemment exposés à la torture et à d’autres mauvais traitements. Trop souvent, ils n’ont pratiquement aucun moyen de demander réparation et ils sont forcés de subir en silence les violences, les agressions sexuelles, la contrainte, l’humiliation, le refus d’un traitement médical et d’autres formes de mauvais traitements.

Le 7 décembre 2000, Luciano Rodríguez Linares, un gay incarcéré à la prison de Topo Chico, dans l’État du Nuevo León, au Mexique, a été extrait de sa cellule et battu. Pendant que plusieurs représentants de l’administration pénitentiaire le maintenaient au sol, un autre surveillant lui aurait enfoncé un doigt dans l’anus et l’aurait fait saigner. L’homme prétendait être à la recherche de stupéfiants dissimulés par le détenu, mais aurait lancé: « Si c’est ça que tu veux, tu vas l’avoir », tandis que ses collègues le regardaient faire en riant. Il a ensuite déclaré qu’il serait tué s’il portait plainte. En janvier 2001, Amnesty International a fait part aux autorités de ses préoccupations quant à la sécurité de Luciano Rodríguez, celui-ci ayant finalement porté plainte [53].

Les prisonniers homosexuels peuvent craindre des actes de violence, tant de la part de leurs codétenus que des représentants des autorités pénitentiaires. Lorsque ces derniers, en leur qualité d’agents de l’État, négligent de protéger les prisonniers contre les violences perpétrées par des codétenus, ils peuvent être tenus pour responsables d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements.

À la Jamaïque, où les relations homosexuelles sont illégales, 16 prisonniers ont été tués et 40 autres blessés lors d’une vague d’agressions homophobes en août 1997, à la prison du district de Sainte-Catherine et au pénitencier général de Kingston. Les troubles ont éclaté après que le directeur des services pénitentiaires eut annoncé son intention de distribuer des préservatifs aux surveillants et aux prisonniers, afin d’essayer de juguler la propagation du sida. Les surveillants se sont mis en grève pour protester contre cette mesure qui, à leurs yeux, insinuait qu’ils avaient des relations sexuelles avec des détenus. En l’absence de surveillance, les détenus se sont livrés à des violences incontrôlées, s’attaquant plus spécialement aux prisonniers considérés comme homosexuels. Aucune sanction n’a apparemment été prise contre les responsables présumés de ces sévices[54].

De nombreux prisonniers, qui ont pourtant subi de graves exactions, craignent de demander réparation par peur de ne pas être pris au sérieux, de voir les règles de confidentialité bafouées ou de faire l’objet de représailles. Selon le porte-parole d’une organisation non gouvernementale américaine, « très peu [de violences] sont signalées, en raison de leur caractère déshonorant, et parce que l’espérance de vie d’une balance derrière les barreaux se mesure davantage en minutes qu’en jours[55] ». Dans ces conditions, les agressions dont sont victimes dans les prisons les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles, qu’elles soient le fait de gardiens ou d’autres détenus, font rarement l’objet d’enquêtes et sont encore plus rarement punies.

Des surveillants de prison ont encouragé activement la violence entre détenus et ont laissé certains d’entre eux perpétrer des agressions contre des détenus gays, cette politique constituant un moyen de réglementer l’univers carcéral. « Ils préfèrent voir les prisonniers s’infliger mutuellement des violences plutôt que d’en être eux-mêmes victimes et utilisent la violence comme un outil de gestion[56]. »

Aux États-Unis, Kevin Mahoney, un homosexuel, est mort en 1999 dans le quartier de très haute sécurité de Corcoran (Californie). Il avait été laissé seul dans la cour avec un autre détenu notoirement dangereux qui l’a étranglé. Les gardiens ne sont intervenus qu’au bout de une à deux heures alors que le meurtre avait, semble-t-il, été filmé par les caméras de surveillance[57].

Gary Adkins, un détenu de la maison d’arrêt du comté de Wayne, en Virginie-Occidentale (États-Unis), aurait subi divers mauvais traitements, allant jusqu’à la torture, en raison de son homosexualité. En octobre 1999, des membres du personnel pénitentiaire lui auraient pulvérisé du gaz incapacitant dans les yeux sans raison apparente, l’auraient roué de coups et ne lui auraient pas donné la possibilité de faire soigner ses blessures. Gary Adkins souffrait d’un nez cassé, de fractures des côtes, de contusions à la tête ainsi que de coupures et d’ecchymoses. Le Federal Bureau of Investigation (FBI, Bureau fédéral d’enquêtes) a ouvert une enquête dont les conclusions étaient entre les mains du ministère de la Justice au moment de la rédaction du présent rapport[58].

L’identité en question : les effets de la discrimination

Les autorités pénitentiaires ont l’obligation de prendre des mesures efficaces pour prévenir les actes de violence à l’égard de tout prisonnier, y compris les détenus homosexuels. Les femmes doivent être séparées des hommes et ne doivent pas être placées sous la garde de surveillants du sexe masculin. Pour de nombreuses détenues, le harcèlement et les agressions sexuelles sont monnaie courante, mais les risques de torture et d’autres mauvais traitements sont accrus pour les lesbiennes et les personnes qui semblent franchir la barrière délimitant les sexes. La préférence sexuelle, réelle ou supposée, est l’un des quatre facteurs qui exposent le plus les femmes détenues aux violences sexuelles[59].

Robin Lucas, une femme afro-américaine, a été incarcérée pour fraude à la carte de crédit en Californie (États-Unis), en 1995. Elle a été placée dans le quartier spécial du centre de détention fédéral de Pleasanton. Elle s’est plainte, sans se faire entendre des autorités pénitentiaires, de se trouver dans une division destinée en principe à des détenus hommes et d’être exposée aux regards de codétenus et de gardiens du sexe masculin vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même lorsqu’elle prenait sa douche ou se rendait aux toilettes. Robin Lucas s’est également plainte d’avoir été victime de harcèlement, de railleries et de menaces en raison de ses préférences sexuelles. Un soir, en septembre 1995, trois détenus ont déverrouillé la porte de sa cellule, l’ont menottée et l’ont violée. Robin Lucas a été atteinte de graves lésions au cou, aux bras, au dos et dans les régions vaginale et anale. Ses agresseurs lui ont conseillé de se taire et l’ont menacée de recommencer si elle s’obstinait à porter plainte. Les gardiens soupçonnés de complicité ont simplement été transférés dans un autre établissement; aucune action disciplinaire n’a été entreprise et aucune poursuite n’a été engagée ni contre les surveillants ni contre les détenus responsables des faits. En 1998, Robin Lucas a intenté une action pour obtenir réparation et a eu gain de cause[60].

Les transsexuelles sont elles aussi particulièrement exposées aux mauvais traitements, surtout si elles sont placées dans les mêmes quartiers que les détenus masculins. Pour que soit assurée leur protection, mieux vaut que les transsexuels soient placés dans des locaux destinés à des détenus du sexe auquel ils s’identifient. Dans certains cas, la meilleure solution serait d’isoler ces prisonniers des détenus non transsexuels. Il faut cependant éviter que cet isolement ne marginalise encore plus les transsexuels au sein de la population carcérale ou ne les expose davantage à la torture et aux mauvais traitements. Les autorités pénitentiaires dérivent facilement de la protection des prisonniers à la discrimination homophobe tout en prétendant agir dans le seul intérêt de cette catégorie de prisonniers, ce qui leur évite ainsi de devoir rendre des comptes.

En février 1999, trois surveillants de la maison d’arrêt française de Fleury-Mérogis, dans l’Essonne, ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement (dont un avec sursis) pour « agressions sexuelles » contre des prisonniers transsexuels détenus dans un quartier apparemment réservé aux membres des minorités sexuelles[61]. Ces violences ont été mises au jour pour la première fois en 1996 lorsqu’un détenu s’est plaint auprès du médecin de l’établissement pénitentiaire d’avoir été violé par des gardiens. Au cours d’une visite effectuée en octobre 1996, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a été informé par des prisonniers que les gardiens de la prison avaient régulièrement recours au chantage pour les contraindre à des relations sexuelles. Le Comité en a aussitôt référé aux autorités, lesquelles ont saisi le parquet afin que soit ouverte une instruction[62]. Dans le rapport qu’il a publié à la suite de sa visite, le Comité a déclaré que les autorités françaises s’étaient engagées à prévenir et à sanctionner ce type de « mauvais traitements »; il n’a pas fait allusion au transsexualisme des prisonniers concernés[63]. Il n’en demeure pas moins que les syndicats de cet établissement ont critiqué le manque de directives, de formation et de structures spécialisées pour la détention de personnes transsexuelles[64]. Le psychiatre affecté à cet établissement aurait déclaré que seule une amélioration des conditions matérielles de détention des transsexuels était susceptible de prévenir les violences à leur encontre[65]. Les charges de « viol aggravé » auraient été abandonnées au moment où l’un des plaignants, qui déclarait avoir été victime d’un viol collectif, a renoncé à porter plainte, sa famille ayant reçu des menaces[66].


Les traitements médicaux

La prison n’est pas le seul endroit où sont signalés des cas de torture et mauvais traitements contre des lesbiennes, des gays ou des personnes bisexuelles ou transsexuelles: d’autres établissements publics, tels que les hôpitaux, ainsi que l’armée, sont également le théâtre d’actes de cette nature. Dans certaines sociétés, l’homosexualité est considérée comme un trouble médical ou psychologique; des lesbiennes et des gays deviennent ainsi des sujets d’expériences médicales ou sont contraints de se soumettre à des traitements psychiatriques visant à « guérir » leur homosexualité.

Bien qu’aujourd’hui l’homosexualité ne soit pas criminalisée en Russie, le Code pénal du pays prévoyait, il y a peu encore, des sanctions pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Le lesbianisme, en revanche, est plutôt analysé comme un trouble psychiatrique nécessitant un traitement approprié. La police aurait ainsi procédé au placement de lesbiennes dans des hôpitaux psychiatriques, contre leur volonté, du simple fait de leurs préférences sexuelles, parfois même à la demande de membres de la famille ou d’amis[67].

Une lesbienne russe, Alla Pitcherskaïa, a déclaré avoir été inculpée à plusieurs reprises de « houliganisme » et arrêtée par la milice russe en raison de son orientation sexuelle. En détention, elle a été menacée de placement en hôpital psychiatrique si elle ne renonçait pas à ses activités au sein d’une organisation de jeunes lesbiennes. Elle a également subi des pressions visant à lui faire avouer les noms de gays et de lesbiennes de son entourage et a été battue. Lorsque Alla Pitcherskaïa est allée rendre visite à son amie, placée de force dans un établissement psychiatrique, elle a elle-même été enregistrée comme « lesbienne présumée » et s’est vu demander de participer à des séances de thérapie organisées dans un dispensaire de son quartier. N’ayant pas donné suite, elle a reçu des convocations écrites dans lesquelles elle était menacée d’internement forcé.

Alla Pitcherskaïa s’est enfuie aux États-Unis où elle a fait une demande d’asile, demande finalement rejetée par le US Board of Immigration Appeals (Cour d’appel des services américains de l’immigration) au motif que l’internement forcé, correspondant à une volonté de « traiter » ou de « guérir » et ne visant pas à sanctionner, ne pouvait être assimilé à une « persécution ». Un tribunal a toutefois infirmé la décision de cette cour, arguant que la sanction ne constituait pas une caractéristique obligatoire ni suffisante de la persécution, laquelle est définie par le fait qu’une personne occasionne des souffrances à une autre. Il a par ailleurs ajouté qu’on ne pouvait contourner les obligations découlant du droit relatif aux droits humains en utilisant, pour qualifier des actes relevant de la torture mentale ou physique, des expressions aussi positives que « soigner » ou « traiter » les victimes[68].

Plus récemment, dans l’Ukraine voisine, la police aurait également eu recours à des menaces de traitement psychiatrique à titre punitif. Selon le centre gay et lesbien Nach mir (Notre monde), des agents de police ont organisé une descente dans un bar gay de Kiev. Ils auraient forcé les clients du bar à rester face au mur quatre heures durant et les aurait menacés d’examens psychiatriques obligatoires avant de se résoudre à les laisser partir.

Dans les années 1970 et 1980, les personnes « soupçonnées d’homosexualité » dans les rangs de la South African National Defence Force (SANDF, Force nationale de défense sud-africaine) étaient contraintes de suivre une « thérapie de conversion » et d’autres formes de « traitement » contre leur gré[69]. Au mépris des droits les plus élémentaires et de l’éthique médicale, ces personnes ont été victimes de torture physique et psychologique, d’expérimentations et de mauvais traitements brutaux, comportant en particulier une « cure par le dégoût » et la castration chimique[70]. Les responsables de telles pratiques étaient des militaires et des professionnels de la santé. La cure par le dégoût consistait notamment à infliger à des hommes des décharges électriques tout en leur montrant des photos d’hommes nus. Les décharges cessaient au moment où des photos de femmes nues venaient se substituer à ces dernières[71]. Amnesty International a soutenu la demande de création d’une commission d’enquête afin que lumière soit faite sur ces allégations de violations flagrantes des droits humains.

Si l’homosexualité cessait d’être assimilée à une maladie, une étape cruciale serait franchie pour que soit mis un terme aux mauvais traitements contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. En 1992, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), organe des Nations unies, a retiré de sa Classification Internationale des Maladies l’élément « orientation sexuelle »[72]. Certaines associations médicales et psychiatriques ont pris des mesures, sans pour autant témoigner de la moindre hâte, pour aligner leur politique sur celle de l’OMS.

En Chine, pays où l’homosexualité a été un sujet complètement tabou durant des années, une ouverture a été constatée ces derniers temps en ce qui concerne l’orientation sexuelle. Signe de ce changement, l’Association chinoise de psychiatrie a décidé de ne plus classer l’homosexualité parmi les maladies mentales à compter d’avril 2001[73].


L’homophobie au quotidien

« Ils m’ont enfermée dans une pièce et l’ont fait venir chaque jour pour qu’il me viole, que je tombe enceinte et que je sois obligée de me marier avec lui. Et tout ça jusqu’à ce que je tombe enceinte... »

Ce témoignage de viol et de grossesse forcée fait frémir: on songe à la violence subie dernièrement par les femmes dans les Balkans ou en Afrique centrale. Les sévices relatés n’ont pourtant pas été infligés en détention ni lors d’un conflit armé; il s’agit de l’histoire vécue par une adolescente zimbabwéenne dans le soi-disant paisible domicile familial. Les instigateurs du viol n’étaient pas les commandants militaires d’un camp ennemi mais les propres parents de la jeune fille qui, déterminés à « corriger » le lesbianisme de leur fille, l’ont fait violer à de nombreuses reprises par un homme plus âgé[74].

C’est souvent dans leur entourage proche ou au sein même de la famille que les gays et les lesbiennes sont victimes de violence. Tout comme les actes de torture perpétrés par des représentants de l’État, celle-ci a pour but de sanctionner et d’intimider, et elle traduit dans les faits la discrimination qui existe déjà envers les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. Au même titre que la torture en détention, ces violences peuvent être fatales et laissent toujours des marques indélébiles.

Le fait que ces personnes soient très exposées à des violences physiques et psychologiques de la part de leurs parents et de leurs proches, de leurs camarades de classe, de leurs collègues de travail ou d’individus et de groupes sur leur lieu de vie ou de travail, ne dégage pas pour autant l’État de ses responsabilités.

La responsabilité de l’État dans la violence au quotidien

Le degré de responsabilité de l’État dans la torture ou les mauvais traitements infligés dans la sphère privée varie selon le contexte. Dans certains cas, des représentants du gouvernement au plus haut niveau incitent à la violence; dans d’autres, la tolérance dont les autorités font preuve à l’égard de la violence homophobe peut aller jusqu’à la complicité ou au consentement.

L’obligation de diligence de l’État

L’expression « obligation de diligence » désigne les mesures que l’État doit prendre pour assumer ses responsabilités en empêchant que les individus soient victimes de violations de leurs droits. La rapporteuse spéciale des Nations unies chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et
ses conséquences, a précisé qu’« un État [pouvait] être tenu pour complice s’il omet systématiquement d’assurer une protection contre les particuliers qui privent quiconque de ses droits de l’homme[75] ».

Ainsi, un État ne peut éluder les responsabilités qui sont les siennes face à des mauvais traitements infligés systématiquement à des employés de maison, au motif que les faits se produisent au domicile des employeurs ou qu’ils sont justifiés par des pratiques sociales ou culturelles. L’obligation de diligence recouvre notamment le devoir de prévenir de tels actes, de mener des enquêtes à leur sujet, d’engager des poursuites contre les responsables présumés et de les traduire en justice dans le cadre de procédures équitables, enfin, de faire en sorte que des réparations adéquates soient accordées aux victimes. Il va de soi, dans ce contexte, que la justice doit être administrée sans discrimination aucune.

Les normes en matière d’obligation de diligence ont été élaborées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui dispose: « Un acte illégal qui viole les droits de l’homme et qui, au départ, n’est pas directement imputable à l’État (par exemple, parce qu’il a été commis par un particulier ou parce que la personne responsable n’a pas été identifiée) peut entraîner la responsabilité internationale de l’État, non en raison de l’acte lui-même, mais parce que l’État n’a pas fait preuve de la diligence voulue pour empêcher la violation ou prendre les mesures requises comme l’exige la Convention[76]. » La Cour interaméricaine a déclaré par ailleurs: « L’État a l’obligation légale de prendre des mesures suffisantes pour prévenir les atteintes aux droits de l’homme et d’utiliser les moyens dont il dispose pour enquêter sérieusement sur les violations commises par des personnes relevant de sa juridiction, identifier les responsables, prononcer des peines appropriées et veiller à ce que la victime bénéficie d’une réparation adéquate [77]. »

Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé qu’il incombe aux États de prendre des mesures afin que personne ne soit soumis par des particuliers à des actes de torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. En 1998, elle a conclu que le Royaume-Uni avait contrevenu à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (aux termes duquel sont prohibés les actes de torture et les mauvais traitements) en ayant négligé de se conformer à l’obligation de protection à laquelle il était tenu à l’égard d’un enfant de neuf ans battu à coups de bâton par son beau-père[78].

La passivité de l’État peut prendre des formes très diverses: mesures préventives insuffisantes, indifférence de la police devant la violence, préjugés de l’appareil judiciaire à l’égard de tout ce qui diverge de l’hétérosexualité, refus de définir les violences en question comme des infractions pénales et lacunes du dispositif juridique constituent autant d’entraves aux poursuites pénales. Il est difficile, voire impossible pour la plupart des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles et transsexuelles victimes de violence d’obtenir réparation et indemnisation pour les dommages subis. Nombre de ces actes restent impunis et demeurent dans l’indifférence

Au Zimbabwe par exemple, le président Robert Mugabe a orchestré durant des années une violente campagne de haine contre les personnes homosexuelles, allant jusqu’à dire: « Je ne pense pas qu’ils [les lesbiennes et les gays] aient quelque droit que ce soit[79]. » En 1996, des membres de l’organisation Gays and Lesbians of Zimbabwe (GALZ, Les gays et les lesbiennes du Zimbabwe) qui participaient à la Foire internationale du livre à Harare ont été menacés et leur stand a été incendié par un groupe d’étudiants favorable au gouvernement. La police a refusé de les protéger, arguant que l’association avait cherché à s’attirer ces ennuis.

Le Jamaica Forum for Lesbians, All Sexuals and Gays (J-FLAG, Tribune jamaïcaine pour les lesbiennes, les gays et les personnes de toutes préférences sexuelles) a montré qu’en Jamaïque les lois pénalisant les rapports homosexuels sanctionnent de nombreux actes de violence contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. Un jeune homme, dont l’homosexualité avait été découverte par des membres de sa famille, a été pourchassé jusque dans une église par des voisins qui l’ont tué par balle alors qu’il implorait qu’on lui laisse la vie sauve. La cruauté de cette agression a certes provoqué l’indignation mais l’« esprit » qui l’avait animée a été largement salué. Le partenaire du jeune homme a quitté son domicile après avoir reçu des menaces de mort et la police aurait refusé de lui assurer une protection. Selon certaines informations, les gays qui signalent à la police les agressions dont ils sont victimes se heurtent, dans le meilleur des cas, à de l’indifférence. Sinon, ils s’exposent à de nouvelles violences.

Même dans certains pays où il n’est pas question d’une telle incitation à la violence ni d’un tel degré de tolérance de la part de l’État face aux crimes homophobes, les autorités négligent d’intervenir avec la diligence voulue pour empêcher les attaques, enquêter sur celles qui se produisent et veiller à ce que les responsables présumés soient traduits en justice. Des organisations qui recensent les actes de violence homophobes aux États-Unis ont relevé que, face à l’apparente augmentation des attaques de cette nature, la réaction de la police est souvent timide, voire hostile aux victimes, et que les condamnations de tels actes sont rares.

Mise en relation avec l’action ou l’inertie de l’État, la violence homophobe dans la société devient, en termes de droits humains, une question sur laquelle la responsabilité de l’État est engagée en vertu des normes internationales relatives à la torture et aux mauvais traitements. Du point de vue du droit international, les actes de violence commis par des agents non gouvernementaux ont longtemps été différenciés de ceux dont se rendent responsables les agents de l’État. Du point de vue de la victime, les conséquences sont généralement indissociables.

Irina[80], une lesbienne russe, avait déposé une demande d’asile aux États-Unis au motif que différentes personnes, dont des policiers, des détectives privés et des membres de sa propre famille, l’avaient torturée et maltraitée. Elle a raconté qu’en 1995, ses sœurs avaient exigé d’elle qu’elle renonce à la garde de son fils et qu’elle se soumette à un traitement psychiatrique pour « guérir » de son homosexualité. Quant à sa mère, elle avait menacé de révéler ses préférences sexuelles aux autorités si elle ne renonçait pas à la garde de son enfant. Ses parents avaient engagé deux détectives pour enquêter sur sa vie privée. Ces derniers ont prétendu détenir un enregistrement vidéo de rapports sexuels entre Irina et sa compagne et l’ont menacée de la dénoncer à la police si elle ne leur versait pas une grosse somme d’argent. Lorsque Irina et sa partenaire se sont rendues à la police pour dénoncer le chantage, le policier qui les a reçues les a harcelées sexuellement. Un jour, les détectives l’ont forcée à les suivre dans un appartement, sous la menace d’un couteau. Là, ils l’ont violée, avec un autre homme, pour lui « donner une leçon » et lui « faire retrouver » son identité sexuelle. Au vu de sa précédente expérience avec la police, Irina a renoncé à porter plainte[81].

Des lesbiennes en danger où qu’elles se trouvent

La prévalence, dans la société en général, d’attitudes sexistes et homophobes engendre un climat de violence qui met particulièrement en danger les lesbiennes, aussi bien sur leur lieu de vie ou de travail qu’au domicile. Les jeunes lesbiennes qui révèlent leurs préférences sexuelles sont parfois contraintes par leur famille au mariage ou à d’autres relations sexuelles avec des hommes. Ces relations ou mariages forcés, qui impliquent des rapports sexuels fréquents sans consentement, sont non seulement discriminatoires mais peuvent aussi être assimilés à de la torture ou à de l’esclavage sexuel. Par les tests de virginité ou les grossesses forcées, les lesbiennes sont parfois exposées à des mauvais traitements autres que ceux que subissent les gays et les hommes bisexuels. Étant donné qu’il est plus facile pour la famille et l’entourage de surveiller la sexualité des femmes, les lesbiennes doivent faire face à toute une série d’obstacles pour éviter d’être victimes de mauvais traitements ou obtenir réparation. Dans les sociétés où on les accuse de jeter l’opprobre sur la famille ou la communauté, les femmes qui sont attirées par d’autres femmes, qu’elles se définissent elles-mêmes comme lesbiennes ou non, risquent tout particulièrement d’être maltraitées.

Il est des pays où les médias contribuent à entretenir un climat d’intolérance susceptible de dégénérer rapidement en violence. En août 1999, au Sri Lanka, pays où l’homosexualité est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à douze ans, le journal The Island a publié une lettre de protestation contre une conférence organisée par des lesbiennes qui devait se tenir à Colombo. L’auteur y invitait la police à « lâcher des voyous condamnés pour viol dans cette foule de dévergondées délirantes, lorsque la manifestation battra son plein, afin que ces femmes qui se sont fourvoyées puissent apprécier les vraies choses de la vie ». L’organisation sri lankaise de défense des droits des personnes homosexuelles Companions on a Journey (Compagnons de voyage), a porté plainte contre le Sri Lankan Press Council (Conseil sri lankais de la presse). Ce dernier a refusé de condamner The Island, arguant que l’auteur était en droit d’exprimer son point de vue, justifié selon les membres du Conseil qui qualifient le lesbianisme de « sadique » et précisent qu’il constitue un délit aux termes du Code pénal. Le Conseil de la presse a ajouté que le lesbianisme était « au minimum un acte d’indécence caractérisée » et « contre nature » et que « les femmes dupées et mal orientées devraient être corrigées et remises sur le droit chemin pour être en mesure de comprendre le véritable sens de la vie[82] ».

La rapporteuse spéciale des Nations unies chargée de la question de la violence contre les femmes dit ce qui suit: « Une femme dont l’attitude est jugée sexuellement inconvenante selon les normes de la collectivité encourt des sanctions. Dans la plupart des sociétés, les femmes ne peuvent avoir une activité sexuelle que dans le cadre du mariage avec un homme qui fait partie de la même collectivité. Celles qui décident d’agir d’une manière que la collectivité réprouve, par exemple d’avoir une relation sexuelle en dehors du mariage ou à l’extérieur de la communauté ethnique ou religieuse ou de la classe sociale dont elles font partie, ou qui optent pour des relations autres qu’hétérosexuelles, sont souvent en butte à des actes de violence et à des traitements dégradants […] Les États ont l’impérieux devoir de lutter contre ces pratiques culturelles qui se traduisent par des violences contre les femmes, les avilissent et les humilient et qui, partant, les empêchent d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux. Les normes internationales exigent que les États mènent une action concertée pour éradiquer ces pratiques, même si ceux qui les défendent affirment qu’elles découlent de croyances et de rites religieux[83]. » Amnesty International estime que ces réflexions s’appliquent à toute violence sexospécifique défendue au nom de raisons culturelles, y compris les violences à l’encontre des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles et transsexuelles.

Les jeunes sont particulièrement vulnérables

Les jeunes qui expriment leur attirance pour les personnes du même sexe ou chez lesquels sont soupçonnées des préférences homosexuelles s’exposent souvent à des actes de violence, les premières expressions de leur identité sexuelle leur valant parfois des corrections cruelles. Il existe de nombreux cas de jeunes lesbiennes battues, violées et agressées par des membres de leur famille qui souhaitent ainsi les punir, les briser moralement et leur signifier clairement qu’elles ne disposent pas comme elles l’entendent de leur corps et de leur esprit[84]. Les conséquences que peuvent avoir des actes de torture et des mauvais traitements sur des jeunes et leurs répercussions sur leur développement social et affectif sont particulièrement dramatiques.

Pour de nombreux gays, lesbiennes, personnes bisexuelles et transsexuelles, les souvenirs d’école sont loin d’être nostalgiques:

« Je me trouvais au milieu du parking de mon école et un groupe de [garçons] m’ont entouré. Ils ont dit « On va la pendre cette tante, l’attacher à notre camion et la traîner derrière nous ». Ils ont pris une corde et me l’ont lancée autour du cou […] Tout ce dont je me souviens, c’est que j’étais entouré par ces gens et que j’ai eu la peur de ma vie[85]. »

En janvier 2000, Derek Henkle a intenté une action en justice pour violation des droits civils des minorités contre des représentants du système éducatif du Nevada (États-Unis), au motif que ceux-ci avaient négligé volontairement et de manière répétée de prendre des mesures contre les mauvais traitements cruels et persistants auquel d’autres élèves l’avaient soumis entre 1995 et 1997 dans trois établissements différents. Le comportement malfaisant de ces élèves n’a jamais été mis en cause; c’est au contraire Derek Henkle que l’on transférait sans cesse d’une école à l’autre. Il a fini par quitter définitivement le système scolaire à l’âge de seize ans, sans avoir terminé ses études.

Bien que le traitement auquel a été soumis Derek Henkle soit le reflet de celui subi par nombre de jeunes qui y sont particulièrement exposés, la possibilité qu’il a eue de demander réparation est assez inhabituelle. La plupart des enfants se sentent incapables de signaler les violences dont ils sont victimes à leurs enseignants ou à leur famille et encore moins de s’adresser aux tribunaux pour demander réparation au système éducatif.

Un jeune homosexuel syrien, qui s’est vu accorder l’asile par les États-Unis en l’an 2000, décrit son adolescence comme une « succession d’événements douloureux et de mauvais traitements ». Il affirme qu’en 1994, un professeur l’a retenu après les cours, l’a violé et lui a dit qu’il « incarnait un péché sur cette terre ». Il s’est enfui en Jordanie où il a de nouveau été victime d’une agression sexuelle en 1999. Lorsqu’il a porté plainte auprès des policiers jordaniens, ces derniers se sont moqués de lui et ont refusé de l’aider, menaçant de le placer dans un « endroit terrifiant » s’il osait venir encore les ennuyer. Pris de pulsions suicidaires, il a fini par révéler sa préférence sexuelle à ses parents. « Mon père est devenu fou furieux. Il a commencé à me battre, à me rouer de coups de pied en me disant que je salissais le nom de la famille… [il] m’a jeté à la rue[86]. »

La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant engage explicitement les États à protéger tous les enfants sans distinction aucune contre les violences et toute forme de mauvais traitements au domicile, à l’école et dans la collectivité. Au même titre que les violences conjugales subies par les femmes, les violences dont sont victimes les enfants au foyer ou à l’école n’affectent pas seulement le corps; elles ont un effet dévastateur à long terme sur la dignité de l’enfant et sur l’estime qu’il a de lui-même. Négliger de protéger des enfants
particulièrement exposés aux violences en raison de leur identité sexuelle réelle ou supposée constitue sans doute une violation extrême de leurs droits ainsi qu’une des formes les plus cruelles de discrimination homophobe.

Développer la protection

Dans de nombreux pays, des organisations qui s’efforcent de recenser et de prévenir les actes de violence contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles ont vu le jour pour pallier le manquement des autorités à protéger ces personnes. Des associations de lutte contre la violence ont répertorié différents types d’attaques physiques motivées par la haine et formulé des recommandations à l’intention des autorités pour que celles-ci interviennent efficacement contre les actes de violence homophobes et mènent des enquêtes lorsqu’ils se produisent.

Ces organisations ont mis en évidence le caractère particulièrement haineux et cruel des crimes violents motivés par l’homophobie. Dans un rapport rédigé en 1997, le Southern Poverty Law Centre (SPLC, Centre juridique pour les pauvres des États du Sud) des États-Unis faisait observer: « Lorsque les personnes homosexuelles sont victimes d’attaques, celles-ci sont particulièrement perverses: on ne leur donne pas seulement des coups de poing, mais aussi des coups de pied. On les bat, on leur crache dessus, on les attache et on les tire derrière des voitures. C’est comme si les agresseurs essayaient de réduire complètement à néant l’identité de la victime. »

L’un des axes majeurs de la protection des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles et transsexuelles contre la torture et les autres formes de mauvais traitements consiste à mettre fin à l’impunité de leurs agresseurs. En novembre 2000, une conférence organisée à Djokjakarta, en Indonésie, et rassemblant plus de 350 personnes travaillant dans le secteur de la santé et des droits génésiques, a été attaquée par une horde d’environ 200 personnes armées. Parmi les participants à cette conférence se trouvaient des représentants d’organisations indonésiennes de défense des droits des personnes homosexuelles ainsi que du personnel soignant et des homosexuels, bisexuels et transsexuels de Djokjakarta. Cette attaque a eu lieu alors que l’on constatait une recrudescence des actes de violence à l’instigation de groupes musulmans extrémistes contre différentes cibles: bars, discothèques et réunions telles que cette conférence. Au moins 10 personnes ont été blessées, et plusieurs ont dû être hospitalisées. Selon des témoins, les assaillants se sont introduits de force dans le bâtiment où se tenait la conférence et ont commencé à terroriser les participants avec des gourdins, des sabres, des chaises et des barres de fer.

Le système judiciaire indonésien, faible et corrompu, ne répond guère aux attentes des victimes de crimes de droit commun ou de violations des droits humains. À la suite de l’attaque évoquée ci-dessus, la police aurait interrogé 57 suspects qu’elle aurait tous libérés peu après, sans inculpation. Irrités par le manque de détermination de la police à poursuivre les investigations, des militants et des avocats de Djokjakarta ont mis en place le People’s Anti-Violence Committee (Comité du peuple contre la violence) pour tenter par eux-mêmes d’engager des poursuites judiciaires et de déférer les responsables présumés à la justice. L’un des organisateurs de la conférence a déclaré à Amnesty International: « L’attaque a créé une onde de choc au sein de la communauté homosexuelle. Ces gens ne se sentent plus en sécurité […] Il faut que les agresseurs soient traduits en justice pour que l’on sache que ce type de violence ne peut pas être toléré. »

Des groupes de lutte contre la violence australiens ont souligné que la prévention des mauvais traitements doit passer par un travail sur les mentalités de la société toute entière et non s’attarder uniquement sur l’auteur de l’infraction[87]. La violence est la manifestation de préjugés profondément enracinés, souvent attisés par des lois ou des orientations politiques qui jettent le discrédit sur les comportements homosexuels.

Le lien entre discrimination et violence au sein de la société a été particulièrement mis en évidence en avril 1999, lorsqu’une bombe de fabrication artisanale a été lancée contre un pub fréquenté par des gays, dans le centre de Londres. Deux autres bombes avaient explosé dans des quartiers de la ville ayant une forte population noire et asiatique, soulignants ainsi la relation existant entre racisme et homophobie et, au sens plus large, entre tous les types de discrimination reposant sur l’identité. Au cours de son procès, l’auteur des trois attentats, un sympathisant néonazi, a expliqué pourquoi il avait choisi ces trois sites: « D’abord les Noirs, puis les Asiatiques et enfin les pédés. » Il a été condamné à une peine d’emprisonnement à vie.


La fuite devant les persécutions

En l’absence de mesures de protection efficaces contre la torture et d’autres actes de violence, nombreux sont les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transsexuelles à devoir fuir leur pays pour se mettre à l’abri. Ils sont toutefois confrontés à des obstacles bien spécifiques lorsqu’ils déposent leur demande d’asile et veulent faire reconnaître leurs droits.

Pour obtenir le statut de réfugié aux termes de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, il faut qu’une personne puisse prouver qu’elle craint « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime de manière générale que « les individus victimes d’agressions physiques, de traitements inhumains ou de discrimination grave en raison de leur homosexualité doivent être considérés comme des réfugiés si leur pays ne peut ou ne veut pas les protéger[88] ». En 1995, le HCR a établi que les homosexuels, en raison de leur appartenance à un « certain groupe social », pouvaient se voir accorder le statut de réfugié aux termes de la Convention dès lors qu’ils avaient des raisons de craindre d’être persécutés dans leur pays. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prohibe le renvoi de toute personne, quelle qu’elle soit, vers un pays où elle risque d’être torturée. Jusqu’à ce jour, au moins 18 pays ont accordé l’asile à des personnes fuyant des persécutions motivées par leurs préférences sexuelles[89].

Cela étant, malgré la protection prévue par le droit international, de nombreux facteurs empêchent les victimes de persécutions d’y recourir.

Tout d’abord, il se peut que les homosexuels qui ont fait l’objet de tortures et de mauvais traitements n’aient pas accès aux preuves attestant ce qu’ils ont subi: dans la plupart des pays, il existe peu de données sur le type de sévices qu’ils endurent, même si certaines organisations non gouvernementales ont commencé à en recueillir. Par ailleurs, nombre de personnes hésitent à révéler leur préférence sexuelle aux fonctionnaires des services de l’immigration, surtout si elle les a amenées à fuir les persécutions de la part de représentants de l’État dans leur propre pays. La peur de ne pas être pris au sérieux, d’être l’objet de railleries, de voir révéler au grand jour leur identité sexuelle ou d’être victime de nouvelles violences peuvent également expliquer la réticence qu’éprouvent les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transsexuelles à évoquer des détails intimes de leur vie.

Lorsque ces personnes déposent une demande d’asile dans des pays où les relations homosexuelles sont délictueuses, il est peu probable qu’elles portent leur cause devant les tribunaux devant les tribunaux car elles ne feraient qu’attirer l’attention et les soupçons et risqueraient d’être de nouveau harcelées.

De nombreux réfugiés ainsi que les avocats qui les représentent ignorent pouvoir motiver leur demande d’asile par les persécutions dont ils sont victimes. Hésitant à le faire, pour bien des raisons et notamment par peur de représailles, ils courent le risque de voir leur demande rejetée sans qu’il soit tenu compte du fond du dossier. Tel fut le cas d’un Hondurien qui, ayant déposé une demande d’asile aux États-Unis, a omis de révéler aux services de l’immigration des éléments importants relatifs aux violences physiques dont il avait été victime au Honduras et qui auraient pu étayer son dossier. Il craignait que la confidentialité de ses révélations ne soient pas respectée et avait peur d’être victime de mauvais traitements de la part de ses codétenus dans le centre de détention pour immigrés. Sa demande a finalement été rejetée[90].

Souvent, les responsables des services de l’immigration ne sont pas formés à recueillir avec tact les informations sur les persécutions liées à la sexualité. Il se peut aussi que les autorités n’aient pas connaissance de certaines formes de brutalités auxquelles sont spécifiquement soumis les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles et transsexuelles pour « guérir » de l’homosexualité, notamment les traitements psychiatriques forcés. Elles omettent ainsi d’assimiler ces violences à des persécutions aux fins de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés.

D’autres facteurs tels que le sexe, l’origine raciale et ethnique ainsi que l’âge constituent également des facteurs susceptibles d’influencer le traitement réservé aux demandeurs d’asile par les fonctionnaires. Un homosexuel pakistanais qui a demandé et obtenu l’asile aux États-Unis déclarait: « Pour démontrer le caractère homophobe du pays d’où l’on vient, dans le cadre d’une demande d’asile, il faut dépeindre ce pays en des termes extrêmement racistes et colonialistes[91]. »

Ce mélange d’obstacles, d’attitude réprobatrice de la société et de discrimination explique que ces cas de torture et de mauvais traitements soient si rarement signalés, qu’il existe si peu d’informations à leur sujet et qu’ils soient trop souvent occultés. Le résultat en est que les personnes qui ont besoin d’obtenir le droit d’asile voient leur demande de protection refusée.

Les homosexuels, hommes et femmes, peuvent être la cible d’autres mauvais traitements une fois qu’ils ont fui leur pays d’origine, quel que soit le motif de leur demande d’asile. Dans un certain nombre de pays, les demandeurs d’asile sont placés dans des centres de détention ou dans des prisons durant l’examen de leur dossier qui peut durer des années. Au cours de cette période de détention, ils peuvent être victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements de la part des surveillants, des responsables de l’établissement pénitentiaire ou de leurs codétenus.

Un homosexuel indonésien a été détenu pendant plus de deux ans, entre 1998 et 2000, dans le centre d’instruction des demandes d’El Paso aux États-Unis, un centre dépendant du US Immigration and Naturalization Service (INS, Service d’immigration et de naturalisation des États-Unis), où il avait été enfermé parce qu’il était gay. Il avait fui l’Indonésie après avoir reçu des menaces, de mort entre autres, de la part de groupes qui l’accusaient de « jeter l’opprobre » sur eux. Durant sa détention, les fonctionnaires du centre n’ont cessé de lui adresser des insultes homophobes. Il a appris qu’on allait le transférer dans une prison « pour sa sécurité » ou le placer dans le quartier spécial, un quartier d’isolement du centre de détention où sont apparemment envoyés les détenus « lorsque l’INS sent qu’elle n’est pas en mesure de les protéger[92] ».

Des progrès ont été accomplis ces dernières années en matière d’octroi d’asile même si les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles ont encore de nombreux obstacles à surmonter. La communauté internationale reconnaît de plus en plus que les personnes qui fuient des persécutions motivées par leur identité sexuelle, notamment des violences homophobes au sein de la collectivité dans leur pays d’origine, peuvent bénéficier du statut de réfugié aux termes de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

En 1995, le Refugee Status Appeal Authority (organisme d’appel des décisions relatives au statut de réfugié en Nouvelle-Zélande) a reconnu « le principe selon lequel la loi relative aux réfugiés devait être axée sur les actions qui nient la dignité humaine de manière flagrante […] Sur la base de cette interprétation, la question de l’identité sexuelle présente peu de difficulté. Comme nous l’avons fait préalablement remarquer, les préférences sexuelles sont une caractéristique innée ou immuable ou si fondamentale pour l’identité ou la dignité humaine qu’aucun individu ne devrait être contraint d’y renoncer ou de la modifier[93] ».

En 1997, en Lettonie, le centre d’accueil des réfugiés, qui fait partie du ministère de l’Intérieur, a déclaré qu’il collerait au plus près à l’interprétation que fait le HCR de l’expression « groupe social », laquelle tient compte de la préférence sexuelle, même si les homosexuels ne sont pas spécifiquement mentionnés dans la législation nationale relative aux réfugiés. Lorsque les actes homosexuels sont totalement mis à l’index, que les homosexuels sont persécutés ou que leurs droits sont bafoués par les autorités ou par d’autres individus dès lors que l’État néglige de fournir une protection adéquate, il serait possible de démontrer qu’il existe, à juste titre, des craintes de persécutions motivées par la préférence sexuelle[94].

En mai 2000, l’Afrique du Sud a adopté une nouvelle loi sur les réfugiés qui l’a placé parmi les pays ayant étendu le droit d’asile aux personnes fuyant des persécutions motivées par les préférences sexuelles. En janvier de la même année quatre homosexuels – dont deux venaient du Pakistan, un d’Ouganda et un de Zambie – avaient déposé une demande d’asile en prévision de cette nouvelle loi[95].

En août 2000, un tribunal fédéral des États-Unis a ordonné au gouvernement d’accorder l’asile à Giovanni Hernandez-Montiel, un Mexicain gay et transsexuel qui avait été arrêté, placé en détention, fouillé à nu, violé et soumis à d’autres formes de torture durant plusieurs années par des membres de la police mexicaine. Le tribunal a statué que, dans cette affaire, il n’était pas question de « mode » mais d’« identité sexuelle », ajoutant que « les gays qui, au Mexique, ont une identité féminine constituent un certain groupe social en ce qui concerne l’asile » et que la demande de Giovanni Hernandez-Montiel devait être acceptée car il avait des raisons de craindre d’être persécuté en cas de retour dans son pays[96]. Pour la première fois, une cour fédérale a affirmé qu’une persécution sur la base de la préférence sexuelle constituait un fondement suffisant pour accorder l’asile.


Un combat pour la vie

Il y a peu encore, le silence et l’indifférence entourant les actes de torture et mauvais traitements infligés aux lesbiennes, aux gays et aux personnes bisexuelles ou transsexuelles se reflétaient dans l’action d’une bonne partie de la communauté internationale des défenseurs des droits humains. Tandis que des organisations telles qu’Amnesty International cherchaient à attirer l’attention du public sur la situation critique des dissidents politiques emprisonnés, des « dissidents » d’un autre genre, persécutés en raison de leur comportement sexuel ou affectif, demeuraient pour la plupart des victimes oubliées. Les questions relatives à la sexualité et à la préférence sexuelle figuraient rarement à l’ordre du jour des organisations gouvernementales internationales ou des mécanismes des Nations unies en matière de droits humains.

Cette conspiration du silence a maintenant été brisée. Au cours des trois dernières décennies, des mouvements ont émergé à travers le monde pour la défense des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles; leurs membres ont mené campagne pour que cessent les brutalités policières contre ces personnes, pour que l’homosexualité soit dépénalisée et pour réclamer une égalité de traitement devant la loi face aux violences et à la discrimination homophobes. Ces militants ont à leur actif quelques victoires impressionnantes, mesurées à l’aune des réformes juridiques et de l’évolution des mentalités.

En Inde, c’est à la fin des années 1980 que la question des homosexuels et des bisexuels a trouvé un cadre pour s’exprimer publiquement, au travers de la sortie du premier magazine du pays consacré aux gays, Bombay Dost, et de la création du collectif lesbien Sakhi, à Delhi. Il existe aujourd’hui dans la plupart des grandes villes indiennes plusieurs organisations, permanences téléphoniques, bulletins d’information, centres d’accueil et de soins, lieux de rencontre. La forte augmentation des agressions visant des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles à Bangalore, notamment des brutalités policières, a conduit à la création de la Coalition for Sexual Minorities’Rights (Coalition pour la défense des droits des minorités sexuelles), constituée d’organisations de lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transsexuelles, d’avocats et de femmes ainsi que de personnes militant pour les droits sociaux. Cette Coalition a pris contact avec le groupe de défense des droits humains People’s Union for Civil Liberties-Karnataka (PUCL-K, Union populaire pour les libertés publiques – Karnataka) afin de recueillir des informations sur ces attaques et mobiliser l’opinion publique « en vue de percer le voile opaque et le silence dont la société entoure une catégorie de personnes du fait de leur préférence sexuelle[97] ».

La militante Melike Demir fait partie des huit transsexuels qui ont déposé une plainte en bonne et due forme contre la police turque pour actes de torture et mauvais traitements. Le 26 janvier 2001 s’est ouvert le procès d’un chef de police accusé d’avoir torturé ces personnes en 1996 et 1997. Les huit plaignants ont évoqué les menaces dont ils avaient fait l’objet et qui visaient apparemment à leur faire retirer leurs plaintes. Eren Keskin, présidente de la branche d’Istanbul de l’Association turque pour la défense des droits humains, raconte qu’elle a avait pris à partie ce commissaire quelques années auparavant au sujet de témoignages similaires faisant état d’actes de torture contre des transsexuels. « Il m’a dit: « Jusqu’à présent, tu t’occupais des terroristes et maintenant tu t’occupes de ces gens qui ne sont même pas des êtres humains? » Je lui ai répondu que personne ne méritait d’être torturé. »

Dans d’autres pays, des organisations ont été mises sur pied pour observer et prévenir les actes de violence contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles dans l’entourage au sens large. La toute première conférence internationale sur les crimes homophobes doit se tenir à Sydney, en Australie, en 2002. Elle sera accueillie par la New South Wales Coalition of Anti-Violence Projects (Coalition des initiatives anti-violence de la Nouvelle-Galles du Sud). Cette conférence vise à étudier en profondeur, sous l’angle des droits humains, les différentes façons d’aborder la violence contre les personnes homosexuelles. Elle donne par ailleurs une occasion de sensibiliser le public au fait que les actes violents perpétrés contre ces personnes, que ce soit sur les lieux de détention, dans la société ou au foyer, peuvent être considérés comme des actes de torture ou des mauvais traitements et que, en vertu des engagements internationaux contractés en matière de droits humains, les gouvernements sont tenus de prévenir ces actes, de faire procéder à des enquêtes lorsqu’ils se produisent et de les punir.

En ce début de xxie siècle, le fait que les droits des homosexuels trouvent un écho à travers le monde constitue sans doute la victoire la plus durable remportée par leurs défenseurs. En effet, il existe partout des hommes et des femmes qui militent pour les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles, regroupés au sein d’organisations qui ont essaimé en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Ces mouvements ont élaboré un langage qui leur est propre pour revendiquer les droits liés à l’identité sexuelle. Leur seule existence vient défaire les mensonges de ceux qui prétendent que « l’homosexualité ne fait pas partie de [leur] culture ».

Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles ont été des membres actifs des mouvements locaux et nationaux de défense des droits humains à travers le monde: ils ont participé à la lutte pour les droits des femmes et milité contre l’apartheid; ils ont mené des campagnes pour les « disparus » en Amérique latine et dans l’ex-Yougoslavie. Tout comme les homosexuels ont pris part à d’innombrables combats pour défendre différents thèmes liés aux droits humains, nous devrions tous nous soulever pour défendre les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles.

Des menaces pèsent sur les défenseurs des droits des homosexuels

Plus visibles désormais, les défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles sont aussi victimes d’attaques plus fréquentes, surtout dans les pays où l’émergence de mouvements de défense de ces droits est plus récente. « Pourquoi cette haine soudaine à l’égard des homosexuels? », s’interrogeait le militant indien Ashok Row Kavi. « Parce qu’ils sont désormais une force politique. Si les gouvernements tentent de les réduire au silence, c’est qu’ils les perçoivent comme risquant de déstabiliser la société. »

Dans certains pays où l’homosexualité constitue une infraction à la loi, le militantisme en faveur des droits des homosexuels peut être assimilé à une incitation au crime. Le vice-président de Zambie, Christon Tembo, a ainsi déclaré: « Aucune association visant à promouvoir les intérêts des homosexuels ne saurait être tolérée en Zambie. Ceux qui persisteront à se faire les chantres de la cause homosexuelle dans le pays s’exposent à être arrêtés pour crime ou pour complot en vue de commettre un crime[98]» La Zambian Lesbian, Gay and Transgender Association (LEGATRA, Lesbiennes, gays, personnes homosexuelles et transsexuelles de Zambie) a signalé qu’elle n’a pas pu obtenir de reconnaissance officielle, et n’a donc pas pu organiser de campagne pour sensibiliser le public à la cause gay et contester l’interdiction de l’homosexualité masculine. Un ancien président de LEGATRA aurait été agressé à deux reprises.

La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la question des défenseurs des droits de l’homme a reconnu les risques spécifiques auxquels sont exposés ces défenseurs lorsque leur travail porte sur les préférences sexuelles. Dans son rapport de mars 2001 à la Commission des droits de l’homme, elle déclarait: « Les défenseurs des droits de certains groupes courent de plus grands risques du fait que par leur action ils contestent les structures sociales, les pratiques traditionnelles et les interprétations de préceptes religieux qui ont pu servir pendant de longues périodes à cautionner et justifier la violation des droits de l’homme de membres de ces groupes. Les groupes qui défendent les droits des femmes et ceux qui s’occupent de questions de sexualité, en particulier de l’orientation sexuelle et des droits relatifs à la procréation, sont particulièrement importants. Ils sont souvent très vulnérables devant les préjugés, la marginalisation et le rejet social, véhiculés non seulement par les forces de l’État mais aussi par d’autres acteurs sociaux[99]»

Pour d’autres militants du mouvement international de défense des droits humains, un premier pas important aura été franchi lorsqu’il sera reconnu que ceux qui se battent pour mettre un terme à la torture et aux autres mauvais traitements, ainsi qu’à la violence et à la discrimination dont sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles seront considérés comme des défenseurs des droits humains à proprement parler, des personnes qui œuvrent pour l’accomplissement de la Déclaration universelle des droits de l’homme et pour que, selon les termes de celle-ci, tous les hommes soient égaux en dignité et en droits.

Le fait de savoir qu’ils peuvent compter sur la coopération de la communauté des défenseurs des droits humains au sens large peut s’avérer d’une importance capitale pour les défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles. Ils peuvent ainsi se sentir plus forts pour faire échouer les tentatives visant à affaiblir la légitimité de leur action et à les marginaliser. Comme le dit le défenseur colombien des droits humains Juan Pablo Ordoñez: « La défense des droits fondamentaux des personnes homosexuelles ne peut pas être entreprise uniquement par des homosexuels. Si c’était le cas, leur vie serait en danger. La lutte doit être menée par des personnes venues de l’extérieur, homosexuelles ou hétérosexuelles, qui ne sont pas elles-mêmes victimes de l’hostilité de la société. »


Recommandations

Forte de bien des années d’expérience en matière de lutte contre la torture à travers le monde, Amnesty International a élaboré un Programme en 12 points qui résume les principales mesures que devraient prendre les gouvernements à titre de prévention contre les actes de torture commis par des agents de l’État (voir annexe).

Les enquêtes les plus récentes menées par l’organisation de défense des droits fondamentaux ont montré la nécessité de mesures spécifiques pour protéger les personnes qui risquent d’être victimes de tels actes en raison de leur identité sexuelle réelle ou supposée. Il s’agit notamment d’instaurer de nouvelles garanties à titre préventif afin de venir à bout de l’impunité et de combattre la discrimination, deux facteurs majeurs qui permettent à la torture de perdurer.

La plupart des recommandations ci-dessous sont destinées aux gouvernements, à qui incombe la plus grande part de responsabilité dans l’action pour éradiquer la torture. D’autres sont destinées aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales.

Recommandations aux gouvernements

1. Abrogation des lois criminalisant l’homosexualité

Les gouvernements doivent réexaminer toute législation aux termes de laquelle des personnes peuvent subir des actes de discrimination, être persécutées ou punies du simple fait de leurs préférences ou de leur identité sexuelle. Sont notamment visées les lois contre la « sodomie » ou les dispositions similaires qui décrètent hors-la-loi les comportements homosexuels ou transsexuels; les lois fixant l’âge minimum du consentement; les lois sur l’ordre public qui sont utilisées pour poursuivre en justice et punir des personnes en raison de leur identité sexuelle ainsi que les lois interdisant de « promouvoir » l’homosexualité, exploitées dans le but d’emprisonner les défenseurs des droits des homosexuels.

Toute loi de cette nature doit être abrogée ou, à tout le moins, modifiée et toute personne emprisonnée ou détenue uniquement en raison de ses préférences ou de son identité sexuelle, réelles ou supposées, doit être libérée dans les plus brefs délais et de manière inconditionnelle. Sont concernées les personnes adultes détenues pour avoir eu en privé des rapports sexuels avec un adulte consentant du même sexe, celles qui sont détenues pour avoir milité en faveur des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles et enfin celles qui sont détenues officiellement en raison de leur homosexualité alors que ce sont en réalité leurs convictions politiques ou leurs activités qui sont en cause.

La flagellation et tous les autres châtiments corporels, la peine de mort ainsi que tous les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent être abolis par la loi.

2. Condamnation de la torture, quelle que soit la victime

Les représentants de l’État au plus haut niveau doivent condamner publiquement la torture et faire clairement savoir que ni la torture ni aucune forme de mauvais traitements ne sauraient être tolérés contre qui que ce soit. Ils doivent veiller à ne faire aucune déclaration publique ni à donner des ordres qui pourraient être interprétés de façon plausible comme un blanc-seing autorisant à pratiquer la torture et d’autres formes de mauvais traitements en raison de l’identité sexuelle. Dans le cas contraire, leurs propos doivent être considérés comme une instigation, une incitation ou un encouragement à la torture.

3. Mesures de protection en détention

Les gouvernements doivent veiller à ce que tout le personnel policier, judiciaire, pénitentiaire, médical et les autres représentants de l’État soient formés pour assurer la protection des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles contre la torture et les autres formes de mauvais traitements.

Il faudrait également qu’ils prennent des mesures préventives contre les viols et autres violences sexuelles à l’encontre de ces personnes lors de leur détention. Les viols commis alors que la victime est en garde à vue ou en prison doivent systématiquement être reconnus comme des actes de torture. Par ailleurs, les femmes emprisonnées doivent être séparées des détenus de sexe masculin et surveillées par des femmes. En outre, des membres du personnel de sécurité féminins doivent être présents lors de leur interrogatoire.

Amnesty International recommande également d’éviter de marginaliser davantage les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles ou de les exposer plus encore à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements en les isolant dans les prisons. Elle préconise aussi que les prisonniers transsexuels soient incarcérés dans des quartiers pénitentiaires destinés aux détenus du sexe auquel ils s’identifient.

Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles placés en détention doivent bénéficier de soins médicaux appropriés à leurs besoins; les femmes détenues doivent avoir accès à un personnel soignant féminin. Par ailleurs, dans les établissements autorisant les visites conjugales, celles-ci doivent être accordées indistinctement à tous les détenus, quel que soit le sexe de leur partenaire. Les autorités doivent veiller à ce que les agents de l’État observent les normes internationales réglementant l’usage de la force et le recours aux armes à feu lorsqu’ils surveillent les manifestations, lorsqu’ils font respecter la loi pour le maintien de l’ordre public ou lorsqu’ils procèdent au maintien de l’ordre dans les lieux de détention.

4. Interdiction des traitements médicaux forcés

Les traitements médicaux infligés à des lesbiennes, à des gays et à des personnes bisexuelles ou transsexuelles contre leur volonté et dans le but de modifier leur orientation ou leur identité sexuelle sont des traitements cruels, inhumains et dégradants assimilables à de la torture. Ils doivent être interdits en toute circonstance. La participation de professionnels de la médecine à de tels « traitements » constitue une violation des codes internationaux de déontologie médicale qui interdisent à ces professionnels de s’associer à des actes de torture ou autres formes de mauvais traitements[100]. Les associations médicales nationales doivent, si elles ne l’ont pas encore fait, affirmer que l’homosexualité ne constitue pas un trouble médical et elles doivent empêcher leurs membres de participer à tout « traitement » visant à la « guérir » ou à la « soigner » et condamner ceux d’entre eux qui s’associeraient à de telles pratiques.

5. Fin de l’impunité

Les autorités doivent veiller à ce que les allégations et les témoignages faisant état d’actes de tortures ou d’autres formes de mauvais traitements motivés par l’identité sexuelle réelle ou supposée fassent l’objet d’une enquête impartiale dans les plus brefs délais et s’assurer que les responsables présumés sont déférés à la justice.

Elles doivent mettre en place des mécanismes indépendants efficaces visant à superviser les interventions des responsables de l’application des lois et des représentants de l’appareil judiciaire, de façon à identifier et à supprimer toutes les formes de discrimination au sein du système judiciaire et à écarter tous les obstacles qui s’opposent à ce que les responsables présumés d’actes de torture soient déférés à la justice.

L’État doit par ailleurs établir des systèmes de consultation efficaces permettant le dialogue avec les groupes associatifs importants, notamment celui qui rassemble les défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles. Des organismes de surveillance doivent tenir à jour et publier des statistiques élaborées et d’autres types de documentation sur les plaintes dénonçant des violences homophobes infligées par des fonctionnaires de l’État ou des particuliers. Des mesures spéciales doivent être mises en œuvre pour que les victimes de torture ou d’autres mauvais traitements causés par leur identité sexuelle – viol et autres violences sexuelles notamment – aient accès aux moyens d’obtenir réparation et puissent exercer un droit de recours effectif leur permettant de bénéficier d’une réadaptation et d’une indemnisation.

6. Protection des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles contre les violences sur leur lieu de vie ou de travail

La police et les autorités judiciaires doivent procéder avec toute la diligence due pour assurer la protection des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles au sein de la collectivité au sens large, ce qui inclut les violences familiales. L’État doit faire clairement savoir que des actes de violence de cette nature constituent une infraction prévue par le Code pénal et ne seront pas tolérés. Les responsables de l’application des lois doivent recevoir des directives spécifiques et bénéficier de formations sur l’identification et l’investigation des crimes homophobes. Par ailleurs, toutes les allégations faisant état de violences homophobes doivent faire l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, les auteurs présumés de ces actes doivent être traduits en justice et les victimes doivent se voir accorder des réparations suffisantes.

Les enfants doivent également être protégés contre les violences physiques et psychologiques qui leur sont infligées en raison de leur identité sexuelle réelle ou supposée. Les autorités scolaires doivent mettre en œuvre des mesures préventives contre les agressions homophobes et autres formes de brimades dans les écoles. Les gouvernements doivent par ailleurs se conformer aux obligations qui leur incombent, en vertu des normes internationales, de protéger les enfants contre toute forme de violence, au foyer ou dans la collectivité, y compris les violences dont ils sont victimes en raison de leur identité sexuelle réelle ou supposée.

L’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles doit être prohibée, conformément aux normes internationales qui interdisent de prôner la haine et à celles qui proscrivent la discrimination[101].

7. Protection des réfugiés fuyant les actes de torture liés à l’identité sexuelle

Les gouvernements doivent réexaminer et amender la politique générale d’asile et les pratiques en la matière de sorte que quiconque, craignant avec raison d’être persécuté en raison de son identité sexuelle réelle ou supposée, soit en mesure de demander et d’obtenir l’asile politique, conformément à la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés.

Nul ne doit être forcé à retourner dans un pays où il court le risque d’être persécuté ou torturé, y compris dans le cas où ces violences résulteraient d’un manquement de l’État au devoir qui lui incombe de garantir une protection contre la persécution ou la torture au sein de la collectivité. La détention de demandeurs d’asile doit normalement être évitée[102]. Dans les circonstances bien déterminées où la détention est légale, les autorités doivent veiller à ce que les demandeurs d’asile ne soient pas soumis à la torture ni à d’autres formes de mauvais traitements.

Des directives doivent être délivrées aux fonctionnaires de l’immigration et aux autres personnes impliquées dans les procédures d’asile afin que ces derniers disposent des moyens de traiter de façon appropriée le sujet délicat que représentent les demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle. La formation de ce personnel doit notamment viser à l’élimination de tout préjugé lors des entretiens avec le demandeur d’asile et comporter des éléments relatifs à l’obtention d’information sur les spécificités des pays. Il faudrait par ailleurs qu’elle fasse intervenir des groupes de défense des droits des personnes homosexuelles.

Il convient de procéder à une évaluation des demandes d’asile après avoir recherché activement des informations spécifiques concernant le pays auprès des organisations représentant les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles, des organisations de défense des droits des femmes et autres organisations de défense des droits fondamentaux. Ces dernières sont à même de donner des précisions sur les actes de torture, mauvais traitements et autres formes de violence dirigés contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. Les gouvernements doivent s’informer des mesures prises dans différents pays et pouvant avoir un caractère discriminatoire, mener des enquêtes en bonne et due forme sur les plaintes et veiller à ce que les procédures d’appel soient équitables et efficaces.

8. Protection des défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles et soutien à leur action

Les gouvernements doivent s’assurer qu’une protection adéquate est accordée aux défenseurs des droits humains exposés à des risques en raison de leurs activités relatives à l’identité et aux préférences sexuelles. Un soutien doit de plus être apporté au travail de ces derniers et il conviendrait de les consulter au sujet des initiatives à prendre pour combattre la torture. Les autorités doivent supprimer tous les obstacles juridiques et administratifs qui entravent le travail de ces personnes et mettre en œuvre les dispositions prévues aux termes de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ainsi que les recommandations de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la question des défenseurs des droits de l’homme.

9. Renforcement de la protection internationale

Les États doivent ratifier sans réserve les instruments internationaux qui prévoient des mesures pour la prévention de la torture et des mauvais traitements, notamment:

   le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le premier Protocole facultatif s’y rapportant qui reconnaissent la compétence du Comité des droits de l’homme pour examiner les plaintes déposées par des particuliers;

   la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et notamment les articles 21 et 22 qui reconnaissent la compétence du Comité des droits de l’homme pour examiner sans réserve des plaintes émanant de particuliers;

   la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif qui permet l’examen des plaintes émanant de particuliers;

   le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

   la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

   la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant;

   le Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

   les normes régionales pertinentes telles que la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – y compris son Protocole n° 12 récemment adopté, portant sur la discrimination – et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Lorsqu’ils soumettent des rapports et des communications aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits humains, les gouvernements doivent apporter des informations sur les mesures prises pour protéger les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles contre la torture et les autres formes de mauvais traitements infligées par des représentants de l’État ou des particuliers. Les autorités doivent prioritairement mettre en œuvre les recommandations des rapporteurs spéciaux chargés de la question de la violence contre les femmes et de la torture.

Il faut par ailleurs qu’elles veillent à ce que des dispositions efficaces en faveur de la protection des droits fondamentaux des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles soient prises dans toutes les conférences des Nations unies ayant à connaître de ces questions et dans le cadre des activités des organes régionaux et internationaux qui veillent au respect des droits humains.

10. Combat contre la discrimination

Les gouvernements doivent renforcer l’arsenal de protection juridique contre
les violences homophobes en adoptant des dispositions constitutionnelles et
autres interdisant toute forme de discrimination fondée sur les préférences ou l’identité sexuelle.

Ils doivent également promouvoir la diversité dans la composition des organes chargés de l’administration de la justice et veiller à ce que les mesures qu’ils prennent visent également la discrimination fondée sur l’identité sexuelle.

Les autorités doivent par ailleurs lancer et soutenir des campagnes anti-discrimination pour sensibiliser à la nécessité de protéger les droits de toutes les personnes, y compris les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles. Il faudrait qu’elles épaulent le travail des organisations qui combattent les discriminations, en permettant à ces dernières d’exercer leurs activités sans craindre de restrictions infondées.

Les limitations à la liberté d’association et de rassemblement pacifique des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles ou des organisations qui les représentent ne doivent pas être appliquées de manière arbitraire et discriminatoire.

Recommandations aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales

Les organes des Nations unies chargés de veiller au respect des droits humains doivent recueillir des informations sur la torture, les mauvais traitements et les autres formes de violence fondés sur l’identité sexuelle. Leur action doit consister notamment – sur la base des travaux effectués par les rapporteurs spéciaux des Nations unies chargés de la question de la torture, de la violence contre les femmes et des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraire, par la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la question des défenseurs des droits de l’homme et enfin par le Comité des droits de l’homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies – à analyser les différentes formes de torture et de mauvais traitements de cet ordre et à émettre des recommandations pour tenter d’y faire face. Ces organes doivent également promouvoir des exemples de bonnes pratiques auprès des États.

Le HCR devrait publier des directives concernant les demandes d’asile fondées sur l’orientation ou l’identité sexuelle en s’efforçant de renforcer la connaissance des meilleures pratiques auprès des personnes compétentes.

Les organisations non gouvernementales doivent pour leur part intensifier leurs efforts de collecte et de diffusion de l’information en matière d’atteintes aux droits humains des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transsexuelles. Elles doivent également soutenir les victimes de torture et leurs familles, par exemple en soumettant les plaintes émanant de particuliers aux autorités compétentes et aux organes internationaux chargés de veiller au respect des droits fondamentaux. Les informations urgentes faisant état de cas d’individus soumis à la torture doivent être communiquées au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture ou à la rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences, afin qu’ils entreprennent une action.


Annexe

Programme en 12 points d'Amnesty International pour la prévention des actes de torture commis par des agents de l’État

La torture est une violation fondamentale des droits humains, condamnée par la communauté internationale comme un outrage à la dignité humaine, et interdite en toutes circonstances par le droit international.

Pourtant, la torture persiste, quotidienne, dans le monde entier. Des mesures immédiates s’imposent pour combattre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et les éliminer radicalement, quel que soit le lieu où de tels actes se produisent.

Amnesty International lance un appel à tous les gouvernements pour qu’ils mettent en œuvre le programme en douze points ci-après pour la prévention des actes de torture commis par des agents de l’État. Elle invite les personnes et organisations intéressées à s’associer à cette entreprise. Amnesty International estime qu’un gouvernement qui applique les mesures énoncées dans ce programme donne un indice positif de sa volonté de mettre fin à la torture dans son pays et d’en promouvoir l’abolition universelle et effective.

1. Condamnation de la torture

Dans chaque pays, les plus hautes autorités devraient manifester leur totale opposition à la torture. Elles devraient condamner les actes de torture sans réserve, où qu’ils soient commis. Elles devraient faire savoir à tous les membres de la police, de l’armée et des autres forces de sécurité que la torture ne sera tolérée en aucune circonstance.

2. Garantie de la possibilité de contact avec les prisonniers

La torture est souvent pratiquée pendant que les prisonniers sont gardés au secret et ne peuvent se mettre en rapport avec ceux qui, à l’extérieur, pourraient les aider ou apprendre dans quelle situation ils se trouvent. La pratique de la détention au secret devrait être abolie. Les pouvoirs publics devraient veiller à ce que toute personne placée en détention soit déférée dans les plus brefs délais à une autorité judiciaire indépendante. Les détenus devraient être autorisés à rencontrer rapidement et régulièrement leurs proches, des avocats et des médecins.

3. Pas de détention secrète

Dans certains pays, la torture est pratiquée dans des lieux secrets, souvent après que l’on a fait « disparaître » les victimes. Les autorités devraient s’assurer que les détenus sont incarcérés dans des lieux officiellement destinés à cet usage, et que leurs proches, leurs avocats et les tribunaux reçoivent immédiatement des renseignements exacts au sujet de leur arrestation et de l’endroit où ils se trouvent.
Les proches et les avocats devraient pouvoir exercer à tout moment des voies de recours juridiques leur permettant de déterminer où une personne est détenue, de s’assurer de la légalité de sa détention et de vérifier que sa sécurité est garantie.

4. Mise en place de garanties pendant la détention et les interrogatoires

Tous les prisonniers devraient être immédiatement informés de leurs droits, notamment celui de présenter des plaintes relatives aux traitements qu’ils subissent et celui de faire en sorte qu’un juge statue dans les plus brefs délais sur la légalité de leur détention. Les juges devraient examiner toutes les informations donnant à penser que des actes de torture ont été commis et ordonner la libération si la détention se révèle illégale. Un avocat devrait assister aux interrogatoires. Les autorités devraient s’assurer que les conditions de détention sont conformes aux normes internationales relatives au traitement des détenus et tiennent compte des besoins des groupes particulièrement vulnérables. Les autorités responsables de la détention devraient être distinctes de celles chargées des interrogatoires. Tous les lieux de détention devraient faire l’objet de visites d’inspection régulières et parfois inopinées, effectuées par des observateurs indépendants jouissant d’une totale liberté d’accès.

5. Prohibition de la torture dans la loi

Les pouvoirs publics devraient adopter des lois relatives à l’interdiction et à la prévention de la torture reprenant les principaux points de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention des Nations unies contre la torture) et d’autres instruments internationaux pertinents. Tous les châtiments corporels judiciaires et administratifs devraient être abolis. L’interdiction de la torture et les principales garanties visant à sa prévention ne doivent être levées en aucune circonstance, même en cas d’état de guerre ou d’autre état d’exception.

6. Enquêtes

Toutes les plaintes et les informations faisant état de tortures devraient faire rapidement l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces menées par un organisme indépendant des responsables présumés. Les méthodes employées pour ces enquêtes, ainsi que leurs conclusions, devraient être rendues publiques. Les fonctionnaires soupçonnés d’avoir commis des actes de torture devraient être mis à pied pendant toute la durée de l’enquête. Les plaignants, les témoins et les autres personnes en danger devraient être protégés contre toute manœuvre d’intimidation et de représailles.

7. Poursuites

Les personnes soupçonnées d’actes de torture doivent être traduites en justice. Ce principe doit s’appliquer quels que soient l’endroit où se trouvent ces personnes, leur nationalité, leur statut social, le lieu où le crime a été perpétré, la nationalité des victimes et le laps de temps écoulé depuis le moment où les faits ont été commis. Les autorités des différents pays doivent poursuivre les tortionnaires présumés en vertu du principe de compétence universelle ou les extrader, et coopérer entre elles dans le cadre des procédures judiciaires relatives à des actes de torture. Les procès doivent être équitables. Un ordre émanant d’un supérieur ne saurait en aucune circonstance justifier des actes de torture.

8. Nullité des déclarations arrachées sous la torture

Les pouvoirs publics devraient veiller à ce que les déclarations et autres éléments de preuve obtenus sous la torture ne puissent pas être invoqués au cours d’une procédure, sauf lorsqu’il s’agit d’incriminer les auteurs présumés des tortures.

9. Efficacité de la formation des fonctionnaires

Il devrait être clairement indiqué au cours de la formation de tous les fonctionnaires chargés de maintenir en détention des personnes, de leur faire subir des interrogatoires ou de leur dispenser des soins médicaux, que la torture est un acte criminel. Ces agents devraient être informés qu’ils ont le droit et le devoir de refuser d’obéir à tout ordre de torture.

10. Droit à réparation

Les victimes de torture et les personnes à leur charge devraient pouvoir faire valoir rapidement auprès de l’État leur droit à réparation et bénéficier d’une indemnisation équitable, de soins médicaux et de mesures de réadaptation appropriés à leurs cas.

11. Ratification des instruments internationaux

Tous les États devraient ratifier sans réserve les instruments internationaux comportant des mesures de protection contre la torture, notamment la Convention des Nations unies contre la torture; ils doivent reconnaître, en faisant les déclarations nécessaires, la compétence du Comité contre la torture pour examiner des communications émanant d’États parties à la Convention ou de particuliers. Ils doivent se conformer aux recommandations des organes et experts internationaux sur la prévention de la torture.

12. Responsabilité sur la scène internationale

Les gouvernements devraient utiliser tous les moyens à leur disposition pour intercéder auprès des gouvernements des États dans lesquels des cas de torture sont signalés. Ils devraient veiller à ce que les transferts d’équipements ou de compétences dans les domaines militaire, de sécurité ou de police (MSP) ne facilitent pas la pratique de la torture. Les autorités d’un pays ne doivent pas renvoyer une personne contre son gré dans un pays où elle risque d’être torturée.

Ce programme en 12 points a été adopté par Amnesty International en octobre 2000. Il présente des mesures visant à éviter que les personnes se trouvant entre les mains d’agents de l’État, y compris lorsque cette détention revêt un caractère non officiel, ne soient soumises à des actes de torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. Amnesty International rappelle aux gouvernements qu’ils sont tenus, aux termes du droit international, de prévenir et de punir les actes de torture, qu’ils soient commis par des agents de l’État ou par d’autres personnes. Amnesty International s’oppose également aux actes de torture commis par des groupes politiques armés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre Crimes of hate, conspiracy of silence. Torture and ill-trreatment based on sexual identity. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI -juin 2001.

Vous pouvez également consulter le site ÉFAI sur internet : http://efai.i-france.com

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[1].      Arrêts de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, NCGLE (National Coalition for Gay and Lesbian Equality) c. ministère de la Justice, CCT 11/98, 9 octobre 1998, § 126 et 127.

[2].      Témoignage transmis à Amnesty International en mars 2000.

[3].      Des pseudonymes ont été utilisés pour tous les militants ougandais évoqués dans ce chapitre.

[4].      « Arrest Homos, says Museveni » [Arrêtez les homos, dit Museveni], New Vision, 28 septembre 1999.

[5].      « No easy escape to freedom » [Le chemin de la liberté, un parcours semé d’embûches], article adressé à Amnesty International en mai 2000.

[6].      Témoignage transmis à Amnesty International, octobre 1999.

[7].      Témoignage transmis à Amnesty International, mars 2000.

[8].      Entretiens avec Amnesty International, février et juillet 2000.

[9].      Namibia gay rights row, BBC News, World Services, Afrique, 2 octobre 2000.

[10].    Voir, par exemple, « Are homos NRM’s new political ladder? Yes » [Les homosexuels, nouveaux marchepieds politiques du NRM], Sunday Monitor, (Ouganda), 7 novembre 1999.

[11].    Comité des droits de l’homme, Observation générale 20, 1992.

[12].    Voir les articles 4-2 et 7 du PIDCP.

[13].    Voir les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Dudgeon c. Royaume-Uni, série A, n° 45, 1981, Norris c. Irlande, série A, n° 142, 1988 et Modinos c. Chypre, série A, n° 259, 1993. Voir également Observations finales du Comité des droits de l’homme (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – les dépendances de la Couronne de Jersey, Guernesey et île de Man) [27 mars 2000], doc. ONU CCPR/C/79/Add.119, § 14; Observations finales du Comité des droits de l’homme (Trinité-et-Tobago) [3 novembre 2000], doc. ONU CCPR/CO/70/TTO, § 11; Observations finales du Comité des droits de l’homme (Autriche) [19 novembre 1998], doc. ONU CCPR/C/79/Add.103, § 13.

[14].    Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Dudgeon c. Royaume-Uni (1981), Norris c. Irlande (1988) et Modinos c. Chypre (1993).

[15].    Comité des droits de l’homme, Toonen c. Australie [31mars 1994] (constatations sur la Communication n°488/1992).

[16].    Voir par exemple Observations finales du Comité des droits de l’enfant (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Couronne de Jersey, île de Man) [16 octobre 2000], doc. ONU CRC/C/15/Add. 134, § 22; Observations finales du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Kirghizistan) [27 janvier 1999], doc. ONU A/54/38, § 127-8; Observation générale 14, § 18, concernant l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels [11 août 2000], doc. ONU E/C.12/2000/4.

[17].    B. c. France, arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, 25 mars 1992, série A, n° 232-C.

[18].    P. c. S. and Cornwall County Council, arrêt de la Cour de justice des communautés européennes, recueil de jurisprudence 1996, I-2143.

[19].    Voir par exemple les Observations finales du Comité des droits de l’homme (Pologne) [29 juillet 1999], doc. ONU CCPR/C/79/Add.110, § 23.

[20].    Mott, Luis, O Lesbianismo no Brasil [Le lesbianisme au Brésil]. Mercado Aberto, 1987.

[21].    Briser le silence. Violations des droits de l’Homme liées à l’orientation sexuelle, section française d’Amnesty International, Paris, 1998 (adaptation d’un rapport publié en 1997 et mis à jour en 1998 par la section du Royaume-Uni d’Amnesty International).

[22].    Dans certains pays où les relations homosexuelles, en tant que telles, ne constituent pas une infraction, la loi fixe un âge minimum du consentement différent selon que les partenaires sont ou non du même sexe; cette mesure crée une discrimination puisqu’une liaison qui serait licite pour des hétérosexuels tombe sous le coup de la loi lorsqu’elle est homosexuelle.

[23].    Roumanie. Mariana Cetiner, prisonnière d’opinion (index AI: EUR 39/30/97) et Roumanie. Amnesty International demande la libération de Mariana Cetiner (index AI: EUR 39/10/98).

[24].    Interview accordée par Mariana Cetiner à Amnesty International en avril 1998.

[25].    Romania: Consensual homosexual relations continue to be punished under amended legislation [Roumanie. Les relations homosexuelles entre adultes consentants continuent d’être sanctionnées en dépit d’un amendement du texte de loi] (index AI: EUR 39/017/1996).

[26].    Public Scandals: Sexual Orientation and the Criminal Law in Romania [Scandales publics: Les préférences sexuelles et le droit pénal en Roumanie], International Gay and Lesbian Human Rights Commission/Human Rights Watch, 1998.

[27].    Article 76 de la Loi sur les infractions contre les personnes.

[28].    Comité des droits de l’homme, Toonen c. Australie (constatations sur la Communication n∞ 488/1992), § 8-5.

[29].    Articles 377A et 377B du Code pénal.

[30].    Voir Malaysia: Human Rights Undermined – Restrictive Laws in a Parliamentary Democracy [Malaisie. Les droits humains menacés par des lois restrictives dans une démocratie parlementaire] (index AI: ASA 28/06/1999).

[31].    Arabie Saoudite. Craintes de flagellation – neuf ressortissants saoudiens (index AI: MDE 23/038/00).

[32].    Voir par exemple, dans le rapport Torture. Ces femmes que l’on détruit (index AI: ACT 40/001/01), le cas de Bariya Ibrahima Magazu, une femme nigériane flagellée pour avoir eu des rapports sexuels en dehors du mariage et ne pas avoir pu produire des témoins susceptibles de confirmer ses dires selon lesquelles elle aurait été violée.

[33].    Voir Afghanistan. Peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (index AI: ASA 11/15/99).

[34].    États-Unis. Des policiers de Chicago accusés d’actes de violence à caractère homophobe (index AI: AMR 51/022/01).

[35].    Pseudonyme.

[36].    Témoignage recueilli par Amnesty International, mars 2001.

[37].    Interview accordée par Bojan Aleksov à Amnesty International.

[38].    Argentine. Mort d’un travesti en garde à vue (index AI: AMR 13/004/00)

[39].   Brésil. Exécutions extrajudiciaires probables/Craintes pour la sécurité (index AI: AU 236/97; AMR 19/019/97).

[40].    Ecuador: Arbitrary detention of transvestites [Équateur. Détention arbitraire de travestis] (index AI: AMR 28/014/00).

[41].    « Sidosos en la Primero de Mayo », in El Universo, 5 juillet 2000; « Gays con SIDA andan sueltos », in Expresso de Guayaquil, 5 juillet 2000.

[42].    Politique de l’ONUSIDA relative au test et au conseil VIH, ONUSIDA/97.2, août 1997.

[43].    Vénézuéla. Craintes pour la sécurité de la communauté des personnes transsexuelles de Valencia (État de Carabobo) (index AI: AMR 53/009/00).

[44].    Argentina: AI Communication to Minister of Interior, December 1997 [Argentine. Communication d’Amnesty International adressée au ministre de l’Intérieur] (index AI: AMR 13/016/1997).

[45].    Argentine. Vanessa Piedrabuena/Craintes pour la sécurité (index AI: AMR 13/011/00).

[46].    Transvestites condemned to sex trade to survive [Des travestis condamnés au travail sexuel pour survivre], IPS, 3 octobre 2000.

[47].    Émeutes déclenchées à New York le 28 juin 1969 par une descente de police au bar du Stonewall. Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transsexuelles sont alors descendus dans les rues pour protester contre les rafles, le harcèlement et les mauvais traitements infligés par la police.

[48].    Pseudonyme.

[49].    Témoignage recueilli par le Comite Permanente por la Defensa de los Derechos Humanos (Comité permanent pour la défense des droits humains).

[50].    Comite Permanente por la Defensa de los Derechos Humanos (Comité permanent pour la défense des droits humains).

[51].    Human Rights violations against Sexual Minorities in India, a PUCL-K Fact-finding Report about Bangalore [Les violations des droits humains contre les minorités sexuelles en Inde, un rapport d’enquête du PUCL-K au sujet de Bangalore], People’s Union for Civil Liberties-Karnataka, février 2001.

[52].    Elsner Alan, « Rampant rape in US prisons traumatizes victims » [La pratique généralisée du viol dans les prisons des États-Unis traumatise les victimes], Reuters, 17 janvier 2001.

[53].    Mexique. Menaces de mort/Craintes pour la sécurité (index AI: AU 386/00; AMR 41/064/00) et Mexique. Action complémentaire sur Menaces de mort/Craintes pour la sécurité (index AI: AU 386/00; AMR 41/003/01).

[54].    Jamaica: A Summary of Concerns: A briefing for the Human Rights Committee [Jamaïque. Bref exposé des préoccupations: rapport destiné au Comité des droits de l’homme] (index AI: AMR 38/007/1997).

[55].    Tom Cahill, de l’association Stop Prisoner Rape, Inc. (Mettre un terme aux viols de prisonniers), cité in Elsner Alan, « Rampant rape in US prisons traumatizes victims ».

[56].    Cahill, ibid.

[57].    États-Unis. Prisons californiennes: les détenus ne sont pas à l’abri de mauvais traitements. Préoccupations persistantes d’Amnesty International (index AI: AMR 51/079/00).

[58].    United States of America: Violations in West Virginia Jails [États-Unis. Violations des droits humains dans les maisons d’arrêt de Virginie-Occidentale] (index AI: AMR 51/109/00).

[59].    All Too Familiar: Sexual Abuse of Women in U.S. State Prisons, [Toujours la même chanson: Les sévices sexuels contre les femmes dans les prisons d’État] Human Rights Watch Women’s Rights Project, 1996.

[60].    USA: Rights for All « Not part of My Sentence » – Violations of the human rights of women in custody [États-Unis. Elle n’avait pas été condamnée à ça. Violations des droits fondamentaux des femmes détenues] (index AI: AMR 51/001/99). Il existe une version française abrégée de ce rapport: États-Unis. Les mêmes droits pour tous. « Je n’avais pas été condamnée à ça. » Violations des droits fondamentaux des femmes détenues (index AI: AMR 51/19/99).

[61].    « Trois surveillants de la prison de Fleury-Mérogis condamnés pour agressions sexuelles sur des travestis », in Le Monde, 3 février 1999.

[62].    « Trois gardiens abusaient des travestis », in Le Parisien, 2 février 1999.

[63].    Rapport relatif à la visite effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en France du 6 au 18 octobre 1996, CPT/Inf (98) 7, 14 mai 1998, p. 36 et 79.

[64].    « Six surveillants de Fleury déférés pour avoir abusé de travestis détenus », in Le Monde, 18 octobre 1996.

[65].    « À Fleury, marché sexuel entre gardiens et travestis », in Libération, 16 octobre 1996.

[66].    « Trois surveillants de la prison de Fleury-Mérogis condamnés pour agressions sexuelles sur des travestis », in Le Monde, 2 février 1999.

[67].    Gessen Masha, The Rights of Lesbians and Gay Men in the Russian Federation [Les droits des lesbiennes et des gays dans la Fédération de Russie], rapport de l’International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC, Commission internationale des droits des gays et des lesbiennes).

[68].    Voir Pitcherskaïa c. INS, 118 F3d 641 (9e circ. 1997), 24 juin 1997. En septembre 2000, cette affaire était toujours en instance d’appel au Board of Immigration Appeals. Voir également Minter Shannon in « Unspoken Rules: Sexual Orientation and Women’s Human Rights » [Des règles tacites: les préférences sexuelles et les droits humains des femmes], International Gay and Lesbian Human Rights Commission, 1995, p. 222 et 223.

[69].    van Zyl Mikki, de Gruchy Jeanelle, Lapinsky Sheila, Lewin Simon et Reid Graeme, The Aversion Project: Human rights abuses of gays and lesbians in the SADF by health workers during the apartheid era, [Le Projet Dégoût, violations des droits fondamentaux des gays et des lesbiennes par des professionnels de la santé à l’époque de l’apartheid] Simply Said and Done, Le Cap, octobre 1999.

[70].    Coalition nationale pour l’égalité des gays et des lesbiennes (NCGLE), demande de désignation d’une commission d’enquête, 14 août 2000. Lettre adressée au ministre de la défense, Mosiuoa Patrick Gerard Lekota, membre du Parlement sud-africain.

[71].    An ambulance of the Wrong Colour: Health Professionals, Human Rights and Ethics in South Africa [Une ambulance de la mauvaise couleur. Les professionnels de la santé, les droits humains et l’éthique en Afrique du Sud], Baldwin-Ragaven Laurel, de Gruchy Jeanelle et London Leslie, Université du Cap, 1999.

[72].    Organisation mondiale de la santé, Classification Statistique Internationale des Maladies et des Problèmes de Santé Connexes, 10e révision (CIM 10), Genève, 1992.

[73].    Association chinoise de psychiatrie, mars 2001

[74].    Cette citation est extraite d’une interview recueillie en décembre 1994 par Bev Clark, auteur de « Lesbian activism in Zimbabwe » [Militantisme lesbien au Zimbabwe].

[75].    Doc. ONU E/CN.4/1996/53, § 32.

[76].    Affaire Velasquez-Rodriguez, arrêt du 29 juillet 1988, série C, n° 4, § 172.

[77].    Ibid. § 174.

[78].    A. c. Royaume-Uni (recours 25599/94), arrêt du 23 septembre 1998.

[79].    Phrase prononcée par le président Robert Mugabe lors de l’inauguration de la foire internationale du livre du Zimbabwe sur le thème des droits humains et de la justice, août 1995.

[80].    Pseudonyme.

[81].    Lesbian and Gay Immigration Rights Task Force (Groupe de défense des droits des lesbiennes et des gays à l’immigration), New York, États-Unis: entretien avec Irina, février 2000. La demande d’Irina a été rejetée pour vice de procédure.

[82].    « Sri Lanka’s Press Council Attacks Lesbianism » [Le Conseil sri lankais de la presse attaque le lesbianisme], in BBC Online News, 2 juin 2000.

[83].    Rapport de la rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences, Commission des droits de l’homme, doc. ONU E/CN.4/1997/47, 12 février 1997.

[84].    Voir par exemple Lesser Shirley, Violence Against Lesbians [Violence contre des lesbiennes], pp. 42-46 (part. 2 sur 2), vol. 13, in A Journal About Women [Un journal parle de femmes], Iris, 1993 et Duberman Martin, Vicinus Martha et Chauncey George Jr, « Hidden from History: Reclaiming the Gay and Lesbian Past » [Les reclus de l’histoire: en quête du passé gay et lesbien], éd., New York, Penguin, 1989.

[85].    Lambda Legal Defense Fund, New York, États-Unis, interview avec Derek Henkle; www.lambdalegal.org

[86].    Lesbian and Gay Immigration Rights Task Force, New York, États-Unis, rapport d’activité 2000, n° 1.

[87].    Gay-Hate Related Homicides: An overview of major findings in New South Wales (Homicides en relation avec la haine homophobe: synthèse des principales données recueillies en Nouvelle-Galles du Sud), Australian Institute of Criminology (AIC, Institut australien de criminologie), juin 2000.

[88].    HCR, Protéger les réfugiés: questions et réponses, HCR/PI/Q & A-fr1.pm5/Fév. 1996.

[89].    ILGA, association internationale des lesbiennes et des gays.

[90].    États-Unis d’Amérique. La détention des demandeurs d’asile (index AI: AMR 51/115/99).

[91].    Cette phrase a été citée en octobre 1997 par Saeed Rahman – auteur de Shifting Grounds for Asylum: Female Genital Surgery and Sexual Orientation [Admettre de nouveaux motifs de demande d’asile: chirurgie de l’appareil génital féminin et préférences sexuelles], Columbia Human Rights Law Review, 29: 2: 467, p. 516 – lors d’une intervention publique à une table ronde organisée par la faculté de droit de l’université de New York.

[92].    Lettre au ministère de la Justice, bureau de l’inspecteur général, Catholic Legal Immigration Network Inc., 4 août 1999.

[93].    Refugee Status Appeal Authority, appel n° 1312/93 (Re GJ), 30 août 1995.

[94].    Juris Lavrikovs, 22 juillet 1998, cité dans l’introduction du ILGA World Legal Survey – Latvia/Asylum;

www.ilga.org/Information/legal_survey/Europe/latvia. htm

[95].    « Gays seek Political Asylum in S.A. » (Des gays demandent l’asile politique à l’Afrique du Sud); www.q.co.za/news/1999/9911/991108-gayasylum.htm

[96].    Hernandez-Montiel c. US Immigration and Naturalization Services (INS, Service d’immigration et de naturalisation des États-Unis), F. 3e, n° 98-70585 (cour d’appel du neuvième circuit, 24 août 2000).

[97].    Human Rights Violations against Sexual Minorities in India, A PUCL-K Fact-finding Report about Bangalore [Violations des droits humains des minorités sexuelles en Inde, rapport d’enquête du PUCL-K sur Bangalore], People’s Union for Civil Liberties – Karnataka, février 2001.

[98].    « Zambian gays and lesbians in impasse » [Gays et lesbiennes zambiens dans l’impasse], in Gay and Lesbian Times, 10 février 2001.

[99];    « Rapport de la représentante spéciale du secrétaire général pour la question des défenseurs des droits de l’homme à la Commission des droits de l’homme, mars 2001, doc. ONU E/CN.4/2001/94, § 89-g.

[100].  Se référer par exemple à la Déclaration de Tokyo de l’Association médicale mondiale (1975) qui enjoint aux médecins de ne pas participer à des actes de torture « quelles que soient les croyances de la victime » et souligne que « le rôle fondamental du médecin est de soulager les souffrances de ses semblables ».

[101].  Ainsi, aux termes de l’article 2 du PIDCP, les États parties s’engagent à prendre les arrangements devant permettre l’adoption de toutes les mesures garantissant la protection de tous les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune. L’article 17 prohibe les « atteintes illégales à [l’]honneur et à [la] réputation » de la personne et engage les États parties à fournir une protection de la loi contre de telles atteintes.

[102].  Conclusions sur la protection internationale des réfugiés adoptées par le Comité exécutif du Programme du HCR. N° 44: Détention des réfugiés et des personnes en quête d’asile.