MEXIQUE : des autorités incapables d’arrêter les

enlèvements et meurtres de femmes à Ciudad Juarez et Chihuahua

 

Rapport Index AI : AMR 41/027/2003 – SF 03 FEM 12 document public

Pour en savoir plus : www.amnesty.asso.fr  ou comfemmes@manesty.asso.fr

 

 

RESUME

 

Plus de 400 femmes enlevées et disparues en 10 années

Depuis 10 ans, des femmes et jeunes filles le plus souvent de milieux défavorisés sont enlevées et assassinées dans les villes de Ciudad Juarez et Chihuahua près de la frontière des Etats-Unis. Selon les informations reçues par Amnesty International, environ 370 femmes ont été assassinées parmi lesquelles au moins 137 avaient été agressées sexuellement avant leur mort. De plus 75 corps n’ont toujours pas été identifiés.

 

Des recherches négligées, des enquêtes retardées

Pour tous les cas rapportés à Amnesty International, les autorités compétentes ont fait preuve de leur incapacité à mener rapidement des recherches qui auraient pu sauver les vies de certaines jeunes femmes. La négligence dans leur manière de procéder aux enquêtes est flagrante ainsi que le manque de volonté à trouver les coupables.

Pour l’ensemble de ces meurtres il n’y a eu qu’une condamnation et 18 mises en détention. Les inculpés attendent toujours l’issue du processus judiciaire, dans certains cas depuis plusieurs années. Pendant ce temps, les crimes continuent.

L’inefficacité des enquêtes a conduit les familles des victimes à organiser les recherches elles-mêmes. La responsabilité de la collecte de preuves leur échoit également.

 

La mobilisation de l’opinion n’a pas réussi à modifier le comportement des autorités

Les pressions exercées par les familles et les ONG mexicaines ont fini par attirer l’attention nationale et internationale. Le Rapporteur spécial sur les droits des femmes de la Commission interaméricaine des droits humains s’est rendu sur place et a commandé un rapport. La création en 1998 du Bureau du Procureur chargé d’enquêter sur ces meurtres a déçu les espérances des familles. A ce jour elles n’ont constaté aucune amélioration dans la coordination et la systématisation des enquêtes, les autorités se refusant contre toute évidence à reconnaître que ces enlèvements et assassinats sont de nature systématiquement semblables. La découverte du corps de Viviana Rayas en mai 2003 à Chihuahua démontre que rien n’est résolu.

 

Le rapport publié par Amnesty International, en s’appuyant sur des cas précis, met en évidence l’incapacité des autorités mexicaines à régler ces agressions systématiques à caractère sexuel avéré, à apporter une réponse adéquate aux familles ainsi qu’une réparation effective en justice. En 10 ans, l’Etat mexicain n’a pas développé la diligence requise pour prévenir, éclaircir et punir les crimes en questions. C’est d’autant plus insupportable que le Mexique a ratifié le 23 mars 1981 la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le 12 novembre 1998, la Convention interaméricaine pour la prévention, le châtiment et l’éradication des violences à l’encontre des femmes.

 

 

 

En conséquence, Amnesty International recommande :

-          que les autorités municipales et l’Etat mexicain reconnaissent et condamnent publiquement   ces enlèvements et meurtres de femmes à Ciudad Juarez et au Chihuahua;

-          que se déroulent sans retard des enquêtes effectives et complètes avec la coopération effective de toutes les autorités;

-          que toute négligence, non-intervention, complicité ou tolérance de la part d’un représentant de l’Etat en lien avec ces enlèvements et meurtres fassent l’objet de sanction;

-          que la sécurité publique soit améliorée dans cet Etat, notamment en installant un éclairage public et en mettant sur pied des patrouilles de sécurité;

-          que les autorités mettent en œuvre les recommandations internationales adressés au Mexique depuis 1998 par les Rapporteurs spéciaux de la Commission interaméricaine des droits de l’homme ainsi que par le Comité de l’ONU pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ces organismes ayant étudié le cas des femmes de Ciudad Juarez et de Chihuahua.

 

Absence de réaction des autorités après le signalement de l’enlèvement de Lilia Alejandra Garcia

4 jours après que la mère de Lilia Alejandra Garcia ait signalé la disparition de sa fille âgée de 17 ans, des gens informent la Police le 19 février qu’une jeune femme se faisait battre et violer par deux hommes dans une voiture près d’un terrain vague. Aucun véhicule de police ne se déplace. A la suite d’un second appel, une patrouille est envoyée. Trop tard. La voiture est déjà repartie. Le 21 février le corps de la jeune femme est retrouvé sur le terrain proche de l’endroit où l’appel d’urgence avait été lancé. Le rapport de médecine légale a conclu à une mort qui remontait à un jour et demi. Le rapport du standard de la police note le 19 février à 34h05 « rien à signaler ».

 

Refus des autorités de mener l’enquête : les cas de Rosalba, Julieta, Yesenia et Minerva

Ces quatre jeunes filles de 16 à 18 ans ont disparu dans la ville de Chihuahua entre février et mars 2001. De nombreux indices et témoignages sembleraient établir des liens entre ces quatre enlèvements. Dans les quatre cas, les investigations ont été dirigées par le commandant Gloria Cobos de la police judiciaire de l’Etat. Le Commandant a déjà été accusé de falsification de preuve dans l’enlèvement d’une autre jeune femme Paloma Escobar Ledesma. A ce jour les jeunes filles sont toujours portées disparues et les autorités n’ont rien fait pour s’emparer de ceux qui sont les responsables. En janvier 2003 les mères Rosalba, Julieta et Minerva ont déposé plainte pour enlèvement auprès du Bureau du Procureur de l’Etat de Chihuahua. Le 23 janvier ce Bureau a rejeté leur requête et retourné le dossier vers le service qui en était chargé jusqu’alors. Cette décision a fermé les voies juridiques par lesquelles cette affaire pouvait être confiée à un service d’enquête sur les crimes graves.

 

 

Action recommandée

 

 
 

 


Veuillez adresser des courriers à :

 

Monsieur le Procureur général,

 

Je suis très préoccupé(e) par l’incapacité des autorités mexicaines à faire la lumière sur les multiples enlèvements et meurtres insupportables de femmes qui se perpétuent depuis 10 ans à Ciudad Juarez et Chihuahia.

Je vous demande instamment que des enquêtes impartiales, exhaustives et efficaces interviennent sans retard pour la dignité des victimes et afin que les familles obtiennent enfin, vérité, justice et réparation. Je vous demande également d’améliorer la sécurité publique dans l’Etat du Chihuahua dans le but de prévenir d’autres enlèvements.

 

Je suis inquiet(e) par le fait que les autorités de l’Etat n’ont pas pris de mesures disciplinaires ni pris en compte les erreurs commises par les policiers dans le cas du meurtre de Lila Alejandra Garcia. Je demande à l’Etat de reconnaître sa responsabilité dans la négligence qui a affecté l’enquête et d’offrir réparation à la famille de la jeune fille.

Concernant Rosalba Pizarro Ortega, Julieta Marleng Gonzales Valenzuela, Yesenia Concepcion Vega Marquez et Minerva Torres Abeldano, disparues entre février et mars 2001, je vous exprime ma profonde préoccupation devant les retards pris dans les recherches et l’incapacité à exploiter de possibles indices; je vous prie d’enquêter sur les allégations de négligence, d’inaction et de complicité à l’égard de fonctionnaires chargés des enquêtes sur ces quatre enlèvements.     

 

Au nom des 400 jeunes victimes je souhaite que le gouvernement mexicain reconnaisse sa responsabilité dans les multiples négligences qui ont entaché les enquêtes depuis dix années. Je vous demande de garantir, dans l’Etat de Chihuahua, l’application des Conventions que le Mexique a ratifiées: Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes, et Convention interaméricaine pour la prévention, le châtiment et l’éradication des violences à l’égard des femmes.    

 

Recevez Monsieur le Procureur général, mes salutations respectueuses.

 

 

Adresses des destinataires :

Zone de Texte: Procureur Général de la République
General Rafael Marcial Macedo de la Concha
Procurador General de la Republica
Procuradoria General de la Republica
Reforma Norte Esq. Violeta 75
Col. Guerrero
Delegacion Cuauhtemoc
México DF
CP06300
Mexique

Copie de vos courriers à 

Ambassade du Mexique
9, rue Longchamps
75116 Paris

Commission mexicaine de défense et de promotion des droits humains
Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos A.C. (CMDPDH)
Tehuanantep 155
Col. Roma Sur
México DF, CP 5584 2731
Mexique
e-mail : cmdpdh@laneta.apc.org