CONSEIL DE
L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES
Recommandation Rec
(2002)5
du Comité des Ministres
aux Etats membres
sur la
protection des femmes contre la violence1
(adoptée par le Comité des
Ministres le 30 avril 2002,
lors de la 794e réunion des Délégués des
Ministres)
Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,
Réaffirmant que la violence à l’égard des femmes découle de rapports de force inégaux entre hommes et femmes, et aboutit à une grave discrimination envers le sexe féminin tant au sein de la société que de la famille;
Affirmant que la violence à l’égard des femmes porte atteinte à leurs droits de la personne humaine et leurs libertés fondamentales, et les empêche, partiellement ou totalement, de les exercer;
Constatant que la violence exercée à l’égard des femmes porte des atteintes à leur intégrité physique, psychique et/ou sexuelle ;
Constatant avec préoccupation que les femmes sont souvent sujettes à de multiples discriminations fondées sur leur sexe ainsi que sur leur origine et qu'elles sont également victimes de pratiques traditionnelles ou coutumières incompatibles avec leurs droits de la personne humaine et leurs libertés fondamentales;
Estimant que la violence à l’égard des femmes va à l’encontre de l’instauration de l’égalité et de la paix, et constitue un obstacle majeur pour la sécurité des citoyens et la démocratie en Europe;
Constatant avec préoccupation l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des femmes au sein de la famille, quelle que soit sa forme, et à tous les niveaux de la société;
Estimant qu’il est urgent de combattre ce phénomène qui affecte les sociétés européennes dans leur ensemble et qui concerne tous leurs membres;
Rappelant la Déclaration finale adoptée lors du 2e Sommet du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 1997) par laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres ont affirmé leur détermination à combattre la violence contre les femmes et toute forme d’exploitation sexuelle des femmes;
Gardant à l’esprit les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme (1950) et la jurisprudence de ses organes qui garantissent notamment le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté ainsi que le droit à un procès équitable;
Considérant la Charte sociale européenne (1961) et la Charte sociale européenne révisée (1996), et notamment leurs dispositions concernant l’égalité entre les femmes et les hommes en matière d’emploi, ainsi que le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives;
Rappelant les recommandations suivantes du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe: Recommandation n° R (79) 17 concernant la protection des enfants contre les mauvais traitements, Recommandation n° R (85) 4 sur la violence au sein de la famille, Recommandation n° R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale, Recommandation n° R (87) 21 sur l’assistance aux victimes et la prévention de la victimisation, Recommandation n° R (90) 2 sur les mesures sociales concernant la violence au sein de la famille, Recommandation n° R (91) 11 sur l’exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que sur le trafic d’enfants et de jeunes adultes, Recommandation n° R (93) 2 sur les aspects médico-sociaux des mauvais traitements infligés aux enfants, Recommandation n° R (2000) 11 sur la lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et Recommandation Rec(2001)16 sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle;
Rappelant également les déclarations et résolutions adoptées par la 3e Conférence ministérielle européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes organisée par le Conseil de l’Europe (Rome, 1993);
Ayant à l’esprit la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (1993), la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979), la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole visant à prévenir, supprimer et sanctionner la traite d’êtres humains, en particulier les femmes et les enfants (2000), le Programme d’action adopté lors de la 4e Conférence mondiale sur les femmes (Pékin, 1995) et la Résolution sur les nouvelles mesures et initiatives pour la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Pékin adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies (23e session extraordinaire, New York, 5-9 juin 2000);
Ayant à l’esprit la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989), ainsi que son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000);
Ayant également à l’esprit la Convention n° 182 de l’Organisation internationale du travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (1999) ainsi que la Recommandation (R 190) sur les pires formes de travail des enfants (1999);
Rappelant également les principes de base du droit humanitaire international et notamment la 4e Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949) et son 1er et 2e Protocoles additionnels;
Rappelant également l’inclusion des crimes liés à l’appartenance sexuelle et des violences sexuelles dans le Statut de la Cour pénale internationale (Rome, 17 juillet 1998),
Recommande aux gouvernements des Etats membres:
I. De revoir leur législation et leurs politiques en vue:
1. de garantir aux femmes la reconnaissance, la jouissance, l’exercice et la protection de leurs droits de la personne humaine et leurs libertés fondamentales ;
2. de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires afin de permettre aux femmes l’exercice libre et effectif de leurs droits économiques et sociaux;
3. de veiller à ce que toutes les mesures qu’ils prennent soient coordonnées au niveau national et centrées sur les besoins des victimes, et associer les organismes publics et les organisations non gouvernementales (ONG) compétents en la matière à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures nécessaires, notamment celles mentionnées dans la présente recommandation;
4. d’encourager à tous les niveaux l’action des ONG qui luttent contre les violences envers les femmes et instaurer en outre une coopération active avec ces ONG comprenant une assistance financière et logistique appropriée;
II. De reconnaître que les Etats sont tenus de faire preuve de suffisamment de vigilance pour prévenir, instruire et réprimer les actes de violence, que ceux-ci soient perpétrés par l’Etat ou par des particuliers, et de fournir une protection aux victimes;
III. De reconnaître que la violence masculine à l’égard des femmes constitue un problème structurel et de société majeur, fondé sur les relations de pouvoir inégales entre les femmes et les hommes, et, en conséquence, d’encourager la participation active des hommes dans des actions visant à combattre la violence à l’égard des femmes;
IV. D’encourager toutes les institutions traitant la violence à l’égard des femmes (policiers, professions médicales et sociales) à élaborer des plans d’action coordonnés à moyen et long terme prévoyant des activités pour la prévention de la violence et la protection des victimes;
V. De promouvoir la recherche, la collecte de données et la création de réseaux aux niveaux national et international;
VI. De promouvoir la mise en place de programmes d’éducation supérieure et de centres de recherche y compris universitaires, concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, et notamment la violence à l’égard des femmes;
VII. D’améliorer les interactions entre la communauté scientifique, les ONG travaillant dans ce domaine, le législateur et les organismes compétents en matière de santé, d’éducation, de politique sociale et de police, afin de concevoir des actions coordonnées contre la violence;
VIII. D’adopter et d’appliquer les mesures décrites dans l’annexe à la présente recommandation de la manière qu’ils jugeront la plus appropriée à la lumière des circonstances et préférences nationales, et d’envisager à cette fin l’élaboration d’un plan d’action national pour lutter contre la violence envers les femmes;
IX. D’informer le Conseil de l'Europe des suites données au niveau national aux dispositions de la présente recommandation.
Annexe à la Recommandation Rec(2002)5
Définition
1. Aux fins de la présente recommandation, le terme de «violence envers les femmes» désigne tout acte de violence fondé sur l’appartenance sexuelle qui entraîne ou est susceptible d'entraîner pour les femmes qui en sont la cible des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle ou psychologique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte, la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. Cette définition s'applique, mais n'est pas limitée, aux actes suivants:
a. la violence perpétrée au sein de la famille ou du foyer, et notamment les agressions de nature physique ou psychique, les abus de nature émotive et psychologique, le viol et l’abus sexuel, l'inceste, le viol entre époux, partenaires habituels, partenaires occasionnels ou cohabitants, les crimes commis au nom de l'honneur, la mutilation d'organes génitaux ou sexuels féminins, ainsi que les autres pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes, telles que les mariages forcés;
b. la violence perpétrée dans la communauté en général, et notamment le viol, l'abus sexuel, le harcèlement sexuel et l'intimidation sur le lieu de travail, dans les institutions ou en d'autres lieux, la traite des femmes aux fins d'exploitation sexuelle et économique ainsi que le tourisme sexuel;
c. la violence perpétrée ou tolérée par l'Etat ou les agents de la puissance publique;
d. la violation des droits fondamentaux des femmes en situation de conflit armé, en particulier la prise d’otage, le déplacement forcé, le viol systématique, l'esclavage sexuel, la grossesse forcée et la traite aux fins d'exploitation sexuelle et économique.
Mesures générales concernant les violences envers les femmes
2. Il est de la responsabilité et de l’intérêt des Etats, qui doivent en faire une priorité de leurs politiques nationales, de garantir aux femmes le droit de ne subir aucune violence, quels qu’en soient la nature et l’auteur. A cette fin, les Etats ne pourront invoquer la coutume, la religion ou la tradition pour se soustraire à cette obligation.
3. Les Etats devraient introduire, développer et/ou améliorer, le cas échéant, des politiques nationales de lutte contre la violence fondées sur:
a. la sécurité maximale et la protection des victimes;
b. le renforcement de la capacité d'agir des femmes victimes de violences par la mise en place de structures de soutien et d'assistance optimales qui évitent une victimisation secondaire;
c. l’ajustement du droit pénal et civil, y compris les procédures judiciaires;
d. la sensibilisation du public et l’éducation des enfants et des jeunes;
e. la formation spéciale des professionnels confrontés à la violence à l'égard des femmes;
f. la prévention dans tous les domaines pertinents.
4. Dans ce cadre, il s’agira de mettre en place au niveau national, partout où cela est possible, et en coopération, si nécessaire, avec les autorités régionales et/ou locales, des institutions ou organismes gouvernementaux chargés de la mise en oeuvre de mesures contre la violence à l’égard des femmes ainsi que du suivi et de l'évaluation réguliers de toute réforme juridique ou nouvelle forme d'intervention dans le domaine de la lutte contre la violence, en consultation avec les ONG, les institutions académiques et autres.
5. La recherche, la collecte de données et la création de réseaux aux niveaux national et international devraient être développées notamment dans les domaines suivants :
a. l’établissement de statistiques ventilées par sexe, de statistiques intégrées et de critères communs, afin de mieux évaluer l’ampleur de la violence envers les femmes;
b. les conséquences de la violence sur les victimes à moyen et à long terme;
c. les conséquences de la violence sur les témoins de cette violence, notamment en milieu familial;
d. les coûts sanitaires, sociaux et économiques de la violence envers les femmes;
e. l’évaluation de l’efficacité des mécanismes judiciaires et juridiques dans la lutte contre la violence envers les femmes;
f. les causes de la violence à l’égard des femmes, à savoir les raisons qui poussent les hommes à être violents et les raisons qui font que la société admet cette violence;
g. l’élaboration de critères d’étalonnage en matière de violence.
Information, sensibilisation, éducation et formation
Les Etats membres devraient :
6. compiler de manière adaptée des informations sur les différentes formes de violence et leurs conséquences pour les victimes, y compris des données statistiques intégrées, et les diffuser auprès du grand public en utilisant tous les supports médiatiques disponibles (presse, radio, télévision, etc.);
7. mobiliser l’opinion publique en organisant ou en soutenant des conférences et campagnes d’information afin que la société prenne conscience du problème ainsi que de ses effets dévastateurs sur les victimes et sur la société en général, et faire en sorte que le sujet de la violence envers les femmes puisse être abordé ouvertement sans préjugés ni idées préconçues;
8. inclure dans le cadre de la formation de base des fonctionnaires de police, des personnels judiciaires, du personnel soignant et des travailleurs sociaux, des éléments importants sur le traitement de la violence domestique ainsi que sur toutes les autres formes de violence touchant les femmes;
9. inclure dans les programmes de formation professionnelle de ces personnels des éléments d’information et de formation afin de leur fournir les moyens nécessaires pour détecter et gérer des situations de crise et améliorer l’accueil, l’écoute et le conseil aux victimes;
10. encourager la participation de ces personnels à des programmes de formation spécialisée en intégrant ceux-ci dans un système de promotion professionnelle;
11. encourager l’inclusion des questions concernant la violence envers les femmes dans la formation des magistrats;
12. encourager les professions fonctionnant par autorégulation, telles que les thérapeutes, à développer des stratégies visant à combattre les abus sexuels qui pourraient être commis par des personnes en position d’autorité;
13. organiser des campagnes de sensibilisation sur la violence masculine à l’égard des femmes, en soulignant que les hommes doivent assumer la responsabilité de leurs actes et en encourageant ces derniers à analyser et à enrayer les mécanismes de violence et à adopter d'autres comportements;
14. introduire ou renforcer la perspective d’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les programmes d’éducation sur les droits de la personne humaine et renforcer les programmes d’éducation sexuelle accordant une importance particulière à l’égalité entre les sexes ainsi qu’au respect mutuel;
15. veiller à ce que garçons et filles reçoivent une éducation de base qui évite les schémas et préjugés sociaux et culturels, les images stéréotypées du rôle de chaque sexe, et comporte des formations permettant le développement de la personnalité, en accordant une attention particulière aux jeunes en décrochage scolaire; former les enseignant(e)s à intégrer le concept d’égalité des sexes dans l’éducation qu’ils dispensent;
16. inclure dans les programmes scolaires une information spécifique sur les droits des enfants, sur les lignes téléphoniques d’urgence, les institutions d’accueil et les personnes auxquelles ils peuvent s’adresser en toute confiance.
Médias
Les Etats membres devraient:
17. encourager les médias à promouvoir une image non stéréotypée de la femme et de l’homme, fondée sur le respect de la personne humaine et de sa dignité, et à éviter les productions associant violence et sexe; dans la mesure du possible, tenir compte de ces éléments aussi dans le domaine des nouvelles technologies de l'information;
18. encourager les médias à participer aux campagnes d’information et de sensibilisation du grand public sur les violences à l’égard des femmes;
19. encourager l’organisation des formations destinées aux professionnels des médias afin de les informer et de les sensibiliser aux conséquences que peuvent engendrer les productions qui associent violence et sexe;
20. encourager l’élaboration de codes de conduite pour les professionnels des médias, en tenant compte de la problématique de la violence à l’égard des femmes et encourager, dans le mandat des organisations autonomes de surveillance des médias, existantes ou à créer, l’inclusion des missions relatives à la violence à l’égard des femmes et au sexisme.
Aménagement du territoire et urbanisme
Les Etats membres devraient:
21. encourager la prise en compte, dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire et d'urbanisme, de la nécessité de renforcer la sécurité des femmes et de prévenir les actes violents qui pourraient être exercés dans les lieux publics;
22. prendre, dans la mesure du possible, toutes mesures nécessaires à cet égard, concernant notamment l'éclairage public, l'organisation des transports publics, des services de taxis, l'aménagement des parkings et zones de stationnement ainsi que des immeubles d'habitation.
Assistance aux, et protection des victimes (accueil, prise en charge et conseil)
Les Etats membres devraient:
23. faire en sorte que les victimes puissent bénéficier, sans aucune discrimination, qu’elles portent plainte ou non, d’une assistance immédiate et globale fournie de façon coordonnée, multidisciplinaire et professionnelle, comprenant des examens faits par des médecins ou des médecins légistes et des traitements médicaux, ainsi qu’un soutien psychologique et social post-traumatique et une assistance juridique; cela doit être fourni sur une base confidentielle et gratuite, et être disponible de façon permanente;
24. en particulier, faire en sorte que tous les services et les recours légaux prévus pour les victimes de violence domestique soient fournis aux femmes immigrées si elles les demandent;
25. prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que les éléments de preuve relevant de la médecine légale et les informations soient recueillis selon un protocole et par l’utilisation de formulaires standardisés;
26. diffuser des documents ciblant plus particulièrement les victimes afin de les informer de manière claire et compréhensible de leurs droits, des services dont elles ont bénéficié et des actions qu’elles peuvent envisager ou entreprendre, qu’elles portent plainte ou non, ainsi que des possibilités de continuer à bénéficier d’un soutien psychologique, médical et social et d’une assistance juridique;
27. promouvoir la coopération entre les services de police, médicaux, sociaux et le système judiciaire afin qu’ils agissent de façon coordonnée ; encourager et soutenir la mise en place d’un réseau d’organisations non gouvernementales participant aux actions coordonnées;
28. encourager la mise en place des services d’urgence tels que des lignes téléphoniques d’urgence anonymes et gratuites pour les victimes de violence et/ou les personnes confrontées ou menacées par des situations de violence; assurer un suivi régulier des appels, ainsi qu’une évaluation des données obtenues et de l’assistance fournie dans le respect des règles relatives à la protection des données;
29. garantir au sein des services de police ainsi que des autres services d’enquête un accueil, une prise en charge des et le conseil aux victimes, fondés sur le respect de la personne humaine et de sa dignité, ainsi qu’un traitement confidentiel; les victimes doivent être entendues sans délai, par des personnes spécialement formées et dans un local aménagé, permettant l’instauration d’une relation de confiance entre la victime et l’agent de police, et garantir que les victimes de violence puissent être entendues, si elles le demandent et autant que possible, par des personnels de police féminins;
30. à cette fin, accroître le nombre de femmes fonctionnaires de police à tous les niveaux de responsabilité;
31. garantir un traitement global et adapté aux enfants par un personnel spécialisé à tous les niveaux (premier accueil, police, ministère public, magistrats) et faire en sorte que l’assistance fournie réponde aux besoins des enfants;
32. prévoir les mesures nécessaires au soutien psychologique et moral des enfants victimes de violence, par la création de structures adaptées, la mise à disposition de personnels spécialisés assurant le suivi et le traitement, depuis l’accueil jusqu’à la guérison; ces services devraient être assurés gratuitement;
33. prendre les mesures nécessaires pour éviter à toutes les victimes de violence une victimisation secondaire, ainsi que tout traitement ne tenant pas compte des spécificités de leur sexe de la part du personnel de police, des personnels médicaux et sociaux chargés d’assister les victimes, ainsi que des personnels judiciaires.
Droit pénal, droit civil et procédures judiciaires
Droit pénal
Les Etats membres devraient:
34. faire en sorte que la législation pénale prévoie que tout acte de violence, notamment physique ou sexuelle, à l’égard d’une personne constitue une atteinte à la liberté et à l’intégrité physique, psychologique et/ou sexuelle de cette personne, et ne se fonde pas uniquement sur des atteintes à la morale, à l'honneur ou à la décence;
35. prévoir dans la législation nationale les mesures et sanctions appropriées permettant d'agir rapidement et efficacement contre les auteurs de violences ainsi que de réparer les torts causés aux femmes victimes de violences. En particulier, les législations nationales devraient:
- incriminer les actes de violence sexuelle et le viol entre époux, partenaires habituels ou occasionnels, ou cohabitants;
- incriminer tout acte de caractère sexuel commis sur une personne non consentante, même si elle ne montre pas de signes de résistance;
- incriminer tout acte de pénétration sexuelle, quelle qu'en soit la nature et quels que soient les moyens utilisés, commis sur une personne non consentante;
- incriminer tout abus d'un état de vulnérabilité particulière, du fait d'une grossesse, d'une incapacité à se défendre, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou mentale ou d'un état de dépendance;
- incriminer tout abus d'autorité de la part de l'auteur, et en particulier lorsqu'il s'agit d'un adulte abusant de sa position vis-à-vis d'un enfant.
Droit civil
Les Etats membres devraient:
36. assurer aux victimes, sous réserve que les faits de violence soient établis, une juste réparation du préjudice matériel, corporel, psychologique, moral et social subi, en fonction de sa gravité, ainsi qu’une indemnisation des frais exposés lors de l’action en justice;
37. envisager la mise en place de mécanismes financiers visant à dédommager les victimes.
Procédures judiciaires
Les Etats membres devraient:
38. assurer la possibilité d’ester en justice à toutes les victimes de violences ainsi que, le cas échéant, aux organisations publiques ou privées de défense des victimes, dotées de la personnalité juridique, soit conjointement avec les victimes, soit à leur place;
39. prévoir qu'une action pénale puisse être engagée sur requête du ministère public;
40. encourager le ministère public à considérer la violence à l’égard des femmes et des enfants comme un facteur aggravant ou décisif lorsqu’il décide de l’éventualité d’engager les poursuites dans l’intérêt public;
41. prévoir toutes les mesures nécessaires afin qu'il soit tenu compte, à toutes les étapes de la procédure, de l'état physique et psychologique des victimes, qui doivent pouvoir bénéficier d'une assistance médicale et psychologique;
42. envisager d’instaurer des conditions particulières d'audition des victimes, ou témoins de violences, afin d'éviter les témoignages à répétition et de réduire les effets traumatisants des procédures;
43. faire en sorte que les règles de procédure permettent d’éviter les interrogatoires déplacés et/ou humiliants pour les victimes ou les témoins de violences, en prenant en compte les traumatismes qu’ils ont subis afin de leur éviter d’autres traumatismes;
44. le cas échéant, prévoir des mesures pour assurer la protection efficace des victimes contre les menaces et les risques de vengeance;
45. veiller, par des mesures spécifiques, à la protection des droits des enfants au cours des procédures;
46. faire en sorte que les mineur(e)s soient accompagné(e)s, lors de toute audition, par leur représentant légal ou, le cas échéant, par la personne majeure de leur choix, sauf décision contraire motivée prise à l’égard de cette personne par le tribunal;
47. assurer aux enfants la possibilité d’ester en justice par l’intermédiaire de leur représentant(e) légal(e), d’organisations publiques ou privées, ou d’une personne majeure de leur choix agréée par les autorités judiciaires, et de bénéficier, le cas échéant, d’une assistance juridique gratuite;
48. prévoir, pour les crimes et délits de nature sexuelle, que tout délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du jour où la victime a atteint l’âge de la majorité civile;
49. prévoir, à titre exceptionnel, une exemption du secret professionnel pour les personnes qui, dans l’exercice de leurs fonctions, seraient amenées à connaître, par examen ou par confidence, de cas de violences sexuelles sur enfants.
Programmes d’intervention pour les auteurs de violences
Les Etats membres devraient:
50. organiser des programmes d’intervention ayant pour objectif d'encourager les auteurs de violences à adopter des comportements exempts de violence en leur permettant de prendre conscience de leurs actes et de reconnaître leur responsabilité;
51. proposer aux auteurs de violences la possibilité de suivre un programme d’intervention, non pas au titre de peine de substitution, mais de mesure supplémentaire destinée à prévenir la violence; la participation à ce programme d’intervention doit être volontaire;
52. envisager la création de centres agréés par l'Etat, spécialisés dans le programme d’intervention pour des hommes violents, et de centres de soutien créés à l’instigation d’ONG et d’associations, dans le cadre des ressources disponibles;
53. assurer la coopération et la coordination entre les programmes d’intervention ciblés sur les hommes et ceux qui ont pour but la protection des femmes.
Mesures additionnelles concernant les violences sexuelles
Banque de données génétiques
Les Etats membres devraient:
54. envisager la création de banques de données nationales et européennes contenant le profil génétique de tous les auteurs de violences sexuelles identifiés ou non, afin de mettre en place une politique efficace de poursuite des contrevenants, de prévention de la récidive, et respectant les normes fixées en la matière par les législations nationales et le Conseil de l'Europe.
Mesures additionnelles concernant les violences perpétrées au sein de la famille
Les Etats membres devraient:
55. qualifier comme infraction pénale toute violence perpétrée au sein de la famille;
56. réviser et/ou augmenter, si nécessaire, les peines prévues pour les coups et blessures volontaires lorsque ceux-ci sont perpétrés au sein de la famille, quel que soit le membre de la famille concerné;
57. exclure que l’adultère puisse être retenu comme une justification recevable des violences physiques perpétrées au sein de la famille;
58. envisager la possibilité de prendre des mesures afin de:
a. permettre aux forces de police de pénétrer dans un domicile où une personne est en danger pour arrêter l’auteur des violences et faire en sorte qu’il/elle soit présenté(e) à un(e) juge;
b. permettre aux autorités judiciaires d’adopter des mesures intérimaires en vue de protéger les victimes, visant à empêcher l’auteur de violences d’entrer en contact avec la victime, de communiquer avec elle ou de s’approcher d’elle, de résider dans certains endroits déterminés ou de fréquenter de tels endroits;
c. établir un protocole obligatoire d’intervention afin que la police et les services médicaux et sociaux suivent les mêmes procédures d’intervention;
d. promouvoir la mise en place de service pro-actifs de protection des victimes qui prennent l’initiative de contacter les victimes dès qu’un rapport est transmis aux services de police;
e. garantir une bonne coopération de toutes les institutions concernées, telles que la police, les tribunaux et les services de protection des victimes, afin que la victime puisse prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires pour obtenir de l’aide et intenter une action contre l’agresseur dans les délais impartis et sans avoir à entrer en contact avec son agresseur;
f. incriminer toute infraction aux mesures que les autorités ont imposées à l’agresseur.
59. envisager, lorsque cela est nécessaire, d’accorder aux femmes migrantes qui ont été/sont victimes de violences perpétrées au sein de la famille, un droit à résidence qui leur soit propre afin de leur permettre de se séparer de leur conjoint sans avoir à quitter le pays d’accueil dans lequel elles se trouvent.
Mesures additionnelles concernant le harcèlement sexuel
Les Etats membres devraient:
60. prendre des mesures pour interdire tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe, qui affecte la dignité des femmes au travail, y compris le comportement d’un supérieur hiérarchique ou collègue: tout comportement à connotation sexuelle, comprenant l’utilisation d’une position conférant une autorité, est concerné, quel que soit le lieu (y compris les situations telles que les relations de voisinage, les relations entre étudiant(e)s et professeurs, les situations de harcèlement téléphonique, etc.). Ces situations constituent une violation de la dignité des personnes;
61. promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou en relation avec le travail ou quel que soit le lieu, et prendre toute mesure appropriée pour protéger les femmes et les hommes contre de tels comportements.
Mesures additionnelles concernant les mutilations génitales
Les Etats membres devraient:
62. incriminer toute mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin avec ou sans consentement de cette dernière; par mutilation des organes génitaux, on entend couture du clitoris, excision, clitoridectomie, infibulation;
63. incriminer toute personne ayant volontairement pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin avec ou sans son consentement; tout commencement d’exécution des actes est répréhensible;
64. organiser des campagnes d’information et de prévention auprès des populations concernées, notamment les immigrant(e)s et les réfugié(e)s, sur les risques pour la santé des victimes et les conséquences pénales pour les auteurs;
65. sensibiliser le corps médical et en particulier les médecins chargés d’effectuer les visites médicales pré et postnatales ainsi que le suivi des enfants;
66. prévoir la conclusion ou le renforcement d’accords bilatéraux concernant la prévention et l’interdiction des mutilations des organes génitaux d’une personne de sexe féminin et la poursuite des auteurs;
67. examiner la possibilité d’accorder à ces femmes une protection spéciale en qualité de groupe menacé en raison de leur sexe.
Mesures additionnelles concernant les violences en situation de conflit et d'après-conflit
Les Etats membres devraient:
68. incriminer toute forme de violences à l’égard des femmes et des enfants perpétrées en situation de conflit, conformément aux dispositions du droit humanitaire international, qu'il s'agisse d'humiliations, de tortures, d'esclavage sexuel ou de mort consécutive à ces actes;
69. incriminer le viol, l’esclavage sexuel, la grossesse et la stérilisation forcées ou toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable en tant que violation intolérable des droits de la personne humaine, en tant que crimes contre l’humanité et, quand elles sont perpétrées en situation de conflit armé, en tant que crimes de guerre;
70. assurer la protection des victimes appelées à témoigner devant les tribunaux nationaux et les tribunaux pénaux internationaux jugeant des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, et leur accorder un permis de séjour, au moins pendant la durée de la procédure;
71. fournir une assistance sociale et juridique à tous les témoins cités devant les tribunaux nationaux et les tribunaux pénaux internationaux jugeant des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ;
72. envisager d'accorder le statut de réfugié(e) ou une protection subsidiaire en raison de persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle et/ou d'octroyer le statut de résidente pour des motifs humanitaires aux femmes victimes de violences pendant un conflit;
73. soutenir et financer les ONG qui conseillent et aident les victimes de violences dans les situations de conflit et d'après-conflit;
74. dans les situations d'après-conflit, encourager la prise en compte des problèmes spécifiques aux femmes dans le processus de reconstruction et de renouvellement politique dans les zones touchées;
75. aux niveaux national et international, faire en sorte que toutes les interventions effectuées dans des zones touchées par un conflit soient conduites par un personnel formé aux questions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes;
76. soutenir et financer des programmes visant à apporter une assistance aux victimes de conflits et à contribuer aux efforts de reconstruction et de rapatriement à la suite des conflits dans une perspective d’égalité entre les femmes et les hommes.
Mesures additionnelles concernant les violences en milieu institutionnel
Les Etats membres devraient:
77. incriminer toute forme de violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée ou tolérée par l’Etat ou les agents de la puissance publique, quel que soit l’endroit où elle s’exerce et tout particulièrement dans les centres de réclusion et de détention, dans les centres d’internement psychiatrique ou autres;
78. incriminer toute forme de violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée ou tolérée dans des contextes où la responsabilité de l’Etat ou d’un tiers peut être invoquée, et par exemple dans les pensionnats, internats, maisons de retraite et autres établissements.
Mesures additionnelles concernant le non-respect du droit au libre choix en matière de procréation
Les Etats membres devraient:
79. Interdire les stérilisations ou avortements forcés, la contraception imposée par la contrainte ou la force et la sélection prénatale en fonction du sexe, et prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin.
Mesures additionnelles concernant les meurtres d’honneur
Les Etats membres devraient:
80. incriminer toutes violences à l’égard des femmes et des enfants commises en vertu de la coutume dite «des meurtres d’honneur»;
81. prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les «meurtres d'honneur», et notamment mener des campagnes d'information visant les groupes de population et les professionnels concernés, en particulier les juges et les personnels judiciaires;
82. incriminer toute personne ayant volontairement participé à, facilité ou favorisé un «meurtre d’honneur»;
83. soutenir les ONG et autres groupes qui combattent ces pratiques.
Mesures additionnelles concernant les mariages précoces
Les Etats membres devraient:
84. interdire les mariages forcés, conclus sans le consentement des personnes concernées;
85. prendre les mesures nécessaires pour prévenir et empêcher les pratiques relatives à la vente des enfants.