Comité d’action “
droits des femmes droit au séjour - contre la double violence ”
Un projet de loi
sur l’immigration au détriment de l’autonomie des femmes
Le projet de loi “ relatif
à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France ” voté à
l’Assemblée nationale le 8 juillet et bientôt en discussion au Sénat, restreint
les droits des personnes étrangères et fait ainsi de la France une terre encore
plus hostile à leur égard. La fermeture des frontières et la répression n’ont
pourtant jamais constitué des réponses efficaces aux flux migratoires. Elles
fabriquent au contraire des “ sans-papiers ” et des “ sans-papières ”,
accentuent alors les discriminations, la précarité, la suspicion xénophobe,
l’arbitraire et multiplient les atteintes aux libertés.
Nos associations, engagées
pour les droits des femmes et contre les violences à leur encontre, mesurent au
quotidien la situation des femmes étrangères confrontées à des lois qui les
privent de la possibilité de vivre et de travailler légalement en France et de
l’accès aux droits humains fondamentaux, et qui les placent dans un état de
dépendance en ne leur permettant de prétendre au droit au séjour en tant
qu’épouse d’un Français ou d’un étranger. Cette dépendance est propice aux
violences et aux abus de toutes sortes, comme en témoignent deux articles
récents parus dans Libération, “ Noces sans
papiers “ de Blandine Grosjean et Charlotte Rotman (5 mai 2003)
et dans Politis, “ Jamais tu n’auras tes papiers ” de Claire Martin (25 septembre 2003, n°768).
Le projet de loi
renforce la dépendance des femmes migrantes envers leur conjoint :
- les épouses de Français
(article 11 du projet de loi) et les femmes entrées en France par le
regroupement familial demandé par le titulaire d’une carte de résident (article
10 du projet de loi) n’obtiendront un titre de résident qu’après s’être vu
délivrer durant deux ans un titre de séjour temporaire. La loi précise que si
la vie commune a cessé durant ce laps de temps, la carte de résident n’est pas
délivrée (article 28 du projet de loi). Que leur arrivera-t-il en cas de
conflit conjugal, si leur mari s’en sépare ou exerce des violences ? Sous peine
d’une reconduite à la frontière, des femmes devront encore renoncer à leur
liberté individuelle et à leur intégrité. Si elles ont des enfants, elles
pourront s’en trouver privées.
- qu’en est-il de la menace
de retirer leur titre de séjour aux personnes étrangères (hors catégories
protégées) qui font venir leur conjoint hors regroupement familial (article 28
du projet de loi) ? Trois-quarts des rejoignant étant des femmes, cet article
les vise plus particulièrement, et loin de dissuader cette pratique, il
contraindra les femmes venues en France dans ces conditions à rester dans la
clandestinité et fera obstacle à toute demande de regroupement familial sur
place, qui n’est déjà accordé qu’à titre exceptionnel. Dans le même temps
d’ailleurs les demandes de regroupement familial sont rendues plus difficiles
par la nécessité d’avoir un salaire du niveau du Smic augmenté d’un coefficient
selon le nombre de personnes composant le foyer (article 28 du projet de loi).
Des dispositions
contestables, des intentions inabouties
Alors qu’elle affichant une
volonté de prévenir les mariages forcés (par des modifications au Code civil,
articles 35 quater et 36 du projet de loi), cette loi ne prévoit pourtant rien
pour les femmes qui en ont été victimes alors qu’elles vivaient en France et
qui souhaitent revenir dans ce pays si elles se sont libérées de ces violences
après expiration de leur titre de séjour.
Sous prétexte
d’intégration, la loi précarise les migrant/e/s, en retardant les possibilités
d’obtention de la carte de résident et en exigeant des “ preuves d’intégration
”. Comment apporter ces preuves si, n’ayant qu’une carte temporaire, on ne
trouve que des emplois eux aussi temporaires ?
L’aide au séjour irrégulier
est condamnée plus lourdement (article 17 du projet de loi) si elle a pour effet de “ soumettre les étrangers à des conditions de
vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de
la personne humaine ”. Mais quelles mesures pour les victimes de cette
exploitation ? Le modèle européen dont se prévaut le Ministre de l’Intérieur
aurait pourtant pu dans ce cas l’inspirer davantage. En effet, la recommandation 1523 incite les Etats membres à prendre
en compte les droits des victimes de l’esclavage domestique, notamment en
généralisant l’octroi d’un titre de séjour à titre humanitaire et en prenant
à l’égard des victimes des mesures de protection et d’assistance sociale,
administrative et juridique. Voilà qui constituerait un début de solution ! Au
lieu de cela, les victimes sont elles-mêmes reconduites à la frontière (article
19 ter du projet de loi) et peuvent être condamnées à
la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, si elles
travaillent de façon non déclarée (article 14 bis du projet de loi).
Le fait de “
contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre
de séjour, ou d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ”
(article 19 du projet de loi) est aussi lourdement pénalisé. Se pose alors le
problème des preuves. N’est ce pas la porte ouverte aux dénonciations, au
chantage et à l’arbitraire ?
Les
migrations rendues illégales
Toutes les
mesures prévues par ce projet de loi réduisent à une peau de chagrin les
possibilités de migration régulière. Les femmes, du fait de la dépendance à
laquelle les contraint un statut conjugal sans lequel elles n’existent pas, en
sont les premières victimes.
Par ces mesures, le
Ministre de l’Intérieur prétend s’aligner sur les recommandations européennes
que la France, en tant qu’Etat membre, s’est effectivement engagée à suivre.
A-t-il oublié que par la résolution 1337, les Etats membres s’engagent à
prendre des mesures tendant à améliorer les politiques migratoires et donc à
adopter, en matière de politiques migratoires, des décisions efficaces visant à
multiplier les opportunités de migration légitime ? Cela lui a sans doute
échappé étant donné que son projet de loi anéantit ces éventuelles
opportunités.
Nous vous
appelons donc à refuser ces nouvelles dispositions et à déposer des amendements
en faveur des droits des étranger(e)s.
____________________________________________________________________________
Comité
d'action inter-associatif " Droits des femmes, droit au séjour - Contre la
double violence"
Groupe femmes
de Turquie, Asfad, Rajfire, Fédération nationale solidarité femmes, Asti des
Hauts de Seine.
AMF, APEL, ATF,
LDH, FASTI, LFID, Citoyennes des deux rives, Collectif Féministe
"Ruptures", Conseil européen des fédérations WIZO, Collectif national
pour les droits des femme, Collectif femmes immigrées du MRAP, ESAF, Fédération
IFAFE, Femmes solidaires, Mouvement Français pour le Planning Familial.
Adresse
électronique : doubleviolence@free.fr
Adresse postale
:
c/o Maison des
Femmes de Paris
163, rue de
Charenton 75012 Paris