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deux tiers des quelque 900 millions d'adultes analphabètes et des 125
millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire non scolarisés,
sont de sexe féminin. En Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne, l'écart
de scolarisation entre filles et garçons peut atteindre 20%. Pour tenir un
des objectifs fixés au Forum Mondial sur l'Education de Dakar en 2000,
éliminer les disparités entre les genres dans l'enseignement primaire et
secondaire d'ici 2005, il va falloir que gouvernements et bailleurs de
fonds se remuent sérieusement !
Le droit à l'éducation, reconnu comme un droit fondamental, n'est pas
partout respecté, il s'en faut de beaucoup. Dans les pays pauvres, on fait
avec les moyens du bord. Les gouvernements, quand ils se préoccupent de la
question, doivent affronter des difficultés budgétaires accrues par le
remboursement de la dette ; ONG et société civile pallient dans les
meilleurs des cas leurs déficiences (L'éducation
pour tous en Afrique : vues d'en bas, par Jean Ruremesha).
Ecole = autonomie
Ces difficultés touchent l'ensemble des populations : adultes et
enfants, garçons et filles. Mais pour les femmes et les filles, il s'en
ajoute une autre : la difficulté à faire reconnaître leur droit à
l'éducation. A quoi bon envoyer une fille à l'école quand elle est de toute
façon destinée à se marier, faire et élever des enfants, tenir la
maisonnée ? Ce peut même être nuisible car une fille instruite, tout
le monde le sait, deviendra moins malléable. Le sacrifice financier que
représente souvent la scolarisation pour les familles restera réservé aux
garçons ; tandis qu'aux fillettes, il sera imposé une importante
participation aux tâches domestiques, voire une contribution au budget
familial, sous forme de travail ou de prostitution.
Hélas ! il ne s'agit pas d'une caricature, mais de la réalité de
millions de fillettes et jeunes filles, qui ne s'améliorera pas avec l'âge
adulte, précisément parce que leur analphabétisme leur barre toute voie
vers l'indépendance. A l'injustice, s'ajoute ici une lamentable
incohérence : alors qu'à tous les niveaux, on loue le sérieux des
élèves de sexe féminin, et l'importance du rôle des femmes dans le
développement durable, les engagements pris et repris lors de multiples
sommets nationaux ou internationaux ne dépassent guère le stade des belles
promesses.
Pourtant, des projets bien conçus et menés, qui tiennent compte des
réalités locales et des souhaits et besoins des populations, tout en
respectant la recommandation de la Commission européenne sur l'éducation et
la formation qui place la question du genre au-delà du respect des choix
culturels locaux, parviennent à faire évoluer les mentalités, en impulsant
la participation des communautés dans leur ensemble, en commençant par celle
des mères (Education
de qualité, Aide et Action).
Si les femmes ont bien compris les enjeux de l'éducation, elles ne veulent
pas se laisser imposer un modèle éducatif standardisé. Pour que les plus
pauvres, les filles et femmes du monde rural, aient accès à l'éducation,
elles demandent que celles-ci soit dispensée dans leur propre langue. De
l'école, elles attendent des ouvertures vers une formation qui leur
permette d'accéder à l'indépendance financière ; laquelle seule leur
permet ensuite de peser dans la balance pour faire respecter leurs droits
fondamentaux et sortir de la spirale des violences (Pistes pour
l'avenir).
A quand l'anti-sexisme à
l'école ?
Leur lutte suit tout simplement la même logique que celle que menèrent les
femmes occidentales au siècle dernier. Selon la loi, la bataille fut
gagnée. Toutes les filières éducatives sont aujourd'hui en France, ouvertes
aux filles. Mais rares restent les femmes aux plus hauts postes de
l'université ou de la recherche (sur la place des femmes au CNRS, consulter
le site http://www.cnrs.fr/mpdf/index.htm).
D'où une fâcheuse tendance au sexisme ordinaire, qui peut aller jusqu'au
harcèlement sexuel (voir le site http://clasches.multimania.com/pet.php).
Faut-il s'en étonner, quand le sexisme est instillé dans les esprits dès
les premières lectures ? Au XXIe siècle en Europe, les petites filles
voient encore dans leurs albums illustrés les " mamans " (en
tablier !) cuisiner et les " papas " lire le journal. L'étude
de l'association européenne Du Côté des Filles démontre que la fiction
dépasse même ici la réalité (Dangereuses
lectures, par Dominique Foufelle).
L'école va-t-elle se charger de décontaminer les petits qui lui sont
confiés ? Elle se doit de bannir toute discrimination. Mais on a trop
vite voulu croire que la mixité avait mis la dernière touche à l'égalité.
C'est si peu vrai que l'Education Nationale française a jugé bon de
renforcer ses recommandations par une Convention égalité des chances plus
vigoureuse, signée en 2000, et de sensibiliser quelques (pas tous !)
futur-es enseignant-es au problème (A l'école de
l'égalité, par Dominique Foufelle). Reste que " le masculin
l'emporte sur le féminin " encore et toujours dans nos grammaires, et
que le sexisme sévit dans les classes et les cours de récré avec plus de
violence que jamais.
La laïcité : un combat de
première urgence
La recrudescence de ce sexisme latent qu'il n'a jamais pris la peine
d'éradiquer, le gouvernement français le met commodément sur le dos des
musulmans. Il menace plus ou moins ouvertement d'interdire la fréquentation
de l'école républicaine aux filles de familles musulmanes portant le voile,
tout en sachant qu'elles y sont pour la plupart contraintes, tout en
initiant des alliances avec les islamistes pour " pacifier " les
banlieues. Cette manœuvre perverse n'a fort heureusement pas convaincu
l'ensemble des partisans de la laïcité (Oui à la
laïcité ! Non aux lois d'exception ! ). Qui exclurait-elle
une fois de plus ? Non pas les plus faibles, mais les plus affaiblies
par l'oppression au quotidien.
Au même moment, il est question de rétablir dans le cursus scolaire
l'enseignement du fait religieux. Certes, il est difficile d'enseigner
l'histoire de l'humanité sans l'évoquer. Mais comment ? Avec
qui ? Dans quel cadre ? Avec quels objectifs ? (Enseignement
du fait religieux, Comité Laïcité République) Les extrémistes chrétiens
ne prétendent pas moins que les extrémistes musulmans régenter le temporel.
Ils s'allient d'ailleurs au sein de l'Onu pour dénier leurs droits sexuels
et reproductifs aux jeunes filles du monde entier ; or, les grossesses
précoces constituent un des freins majeurs à leur éducation. Si nous
laissons les églises entrer dans l'école, il en résultera immanquablement des
régressions. Déjà, des femmes croates ont enregistré un retour du
patriarcat dans l'enseignement primaire et tiré la sonnette d'alarme
(consulter le site http://www.babe.hr/eng)
Au Québec, où les thèses masculinistes ont gagné plus d'audience, le débat
prend une tournure franchement antiféministe : on y accuse le système
éducatif de discriminer les garçons en privilégiant des valeurs dites
féminines. Si les malheureux mâles se trouvent plus souvent en échec scolaire,
c'est qu'ils peinent à s'adapter à un modèle social qui ne prend plus en
compte leur spécificité. Or, des études ont démontré que les élèves qui
réussissaient le mieux à l'école étaient précisément celles et ceux qui ne
se laissaient pas enfermer dans un moule (Identités de
sexe, conformisme social et rendement scolaire, par Pierrette Bouchard
et Jean-Claude St-Amand).
Mais de quelle réussite parle-t-on ? Si la privatisation de l'enseignement
se poursuit, si on continue à ouvrir de plus en plus largement les portes
des universités aux multinationales, c'est à la capacité à répondre aux
besoins du " marché " que se mesurera le succès d'une éducation.
(L'éducation
dans les griffes de l'OMC, par Chryssi Tsirogianni). Sans doute, des
pauvres, des femmes, et même peut-être des femmes pauvres, parviendront à
se tailler une place dans cette jungle. Humainement, ils n'en sortiront pas
moins laminés que les laissés pour compte. Si par éduquer, on entend former
des individu-es pensant et des citoyen-nes responsables, seul un
enseignement laïc, public et gratuit peut garantir le respect du droit de
toutes et tous à l'éducation.
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