La place des femmes dans le sport

par Dominique Foufelle

Les données chiffrées rassemblées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports montrent que, si les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer un sport et à participer à des compétitions de haut niveau, leur présence au sein des instances dirigeantes sportives reste faible. Femmes et hommes ont des pratiques différentes, et se rencontrent encore peu dans les mêmes disciplines.

Le 6 mars 1998, le ministère de la Jeunesse et des Sports organisait une rencontre autour du thème : "La place des femmes dans le sport". Un dossier communiquait des chiffres et pourcentages éclairant l'état des lieux : l'espace sportif reste truffé de places fortes, qui ne pourront être conquises qu'avec un ferme soutien politique.
Présentes dans la pratique...
En 1968, 9% de femmes pratiquaient une activité sportive au moins une fois par semaine. En 1997, le chiffre était grimpé à 32,5%.
Concernant la participation des femmes aux épreuves des Jeux Olympiques, la courbe s'élève spectaculairement à partir de 1984 : 54 pays avaient présenté des atlhètes féminines aux J.O. de Moscou en 1980; aux J.O. d'Atlanta, il ne restait "que" 26 pays sur 197 à s'entêter dans la mysoginie.
... mais pas dans les instances dirigeantes
Une seule femme en France est présidente d'une fédération sportive; trois sont à des postes de Directrices Nationales Adjointes. Les licences sportives de la catégorie "dirigeant" se répartissent de la façon suivante : 78% d'hommes, 22 % de femmes.
Plutôt "loisir" - Plutôt "compèt'"
Le nombre de personnes déclarant pratiquer "même occasionnellement" une activité sportive ne varie pas énormément selon le sexe. Mais la manière de la pratiquer est radicalement différente : 52% des hommes possèdent une licence, contre 26, 5% des femmes; 34 % des hommes participent à des compétitions, contre 10% des femmes.
Comment se fait-il ? Une enquête européenne (période de référence : 1970 - 1990) montre que sur une journée de femme, 6h sont consacrées à un travail non rémunéré, contre 1 h pour les hommes; 9 h contre 10 au repos; 6 h contre 7 aux loisirs. Les femmes françaises disposent de 76' de moins pour leurs loisirs que la moyenne des Européennes étudiées.
Nous savons toutes (c'est moi qui commente) que, au sein d'une famille, si contretemps il y a, maladie d'un enfant ou passage de l'employé du gaz, il sera, dans la majorité des cas, pris en charge par la femme. Quand on manque régulièrement des séances d'entraînement, comment peut-on espérer atteindre le stade de la compétition ? Ou les femmes doivent-elles se réfugier dans des compétitions si amicales qu'elles en deviennent molles ? Doivent-elles renoncer au plaisir de se mesurer ?
Des disciplines imposées ?
Les tableaux des sports les plus souvent pratiqués par chacun des sexes frôle la caricature : les adeptes de la danse et arts chorégraphiques, de la natation synchronisée et de la gymnastique rythmique et sportive sont des femmes à + ou - 100 %, tandis que le rugby attire des hommes à 98 %. Schématiquement, les femmes pratiquent des disciplines gracieuses, réputées entretenir la "forme", et sont absentes des sports d'affrontement, motorisés ou liés aux armes.
Les auteurs du dossier ont placé en regard un autre tableau, classant les métiers les plus souvent exercés par des femmes; en tête, ceux qui requièrent du dévouement : métiers de la petite enfance, domesticité, secrétariat, professions de santé (au bas de l'échelle)... On pourrait noter qu'ils exigent une excellente "forme", douceur, patience et, bien souvent pouvoir de séduction intact (car, si l'on met au pluriel le mot "forme", on en arrive aux "formes" - le jeu de mots est abondamment exploité dans les titres des magazines féminins. Combien de femmes se traînent au cours de gym pour entretenir leur silhouette ?), mais que l'esprit de compétition (ou même d'affirmation de soi) n'y est pas conseillé.
Dans le sport comme dans le travail, les choix sont moins étendus : 49% des licenciées sont concentrées dans les sports les plus fréquents pour elles (contre 40,9% des licenciés); 45% des femmes sont concentrées dans les 20 professions les plus fréquentes pour elles (contre 26% des hommes).
Ignorées par la télé
Pour analyser les retransmissions sportives à la télévision française (année 1995), les auteurs ont répartis les disciplines en quatre catégories, en fonction du pourcentage d'hommes et de femmes dans les fédérations : sports masculins, mixtes, à fort effectif féminin, à dominante féminine. Indubitablement, les sports masculins occupent l'antenne : 483,20 h de foot, 160,16 h de cyclisme, 125,03 h de rugby, 115, 56 h de sports mécaniques, etc., contre 20, 16 h de l'unique sport à dominante féminine présent, la gymnastique.
Seul le tennis, classé sport à fort effectif féminin, fait exception (163, 25h). Le triomphe médiatique de ce sport est relativement récent. Les championnes qui s'y sont illustrées et ont déchaîné les passions du public, ont brillamment démenti le lieu commun qui sert d'argument aux médias pour justifier leur frilosité vis à vis du sport féminin : il serait moins spectaculaire (comprenez : ne ferait pas assez d'audimat).
Les préjugés perdurent
Ces chiffres sont loin d'être glorieux... Mais, si l'on se souvient qu'il y a un siècle, Pierre de Coubertin déclarait : "Une olympiade de femelles est impensable, elle est impraticable, inesthétique et incorrecte."; quand on considère que le nombre de licences féminines dans les fédérations sportives a triplé entre 1971 et 1994, la situation apparaît sous un jour plus optimiste.
Il reste pourtant une rude partie à mener contre des préjugés extrêmement pugnaces, ceux qui touchent à l'image du corps de la femme. Une musculature développée, des affrontements entraînant un contact physique direct (la lutte, la boxe) sont encore jugés inconvenants, voire répugnants par de nombreuses personnes - des femmes aussi, hélas ! Pour que cette rétrograde conception de la "féminité" disparaisse, il faudra que l'école s'en mêle !

Source : "Quelques données indicatives sur les femmes et le sport", dossier réalisé par la cellule "Banque de données" de la Direction des Sports - mars 1998.