En finir avec l’impunité des viols
Par
Dominique Foudelle
Faire reconnaître les viols qu’elles ont subis comme crimes
de guerre, c’est l’objectif que se sont fixé des Djiboutiennes constitué en
Comité.
Comme des centaines
d’autres femmes de par le monde.
La
France a su jouer des rivalités entre les deux ethnies qui peuplent la
République de Djibouti : les Afars et les Issas. Depuis l’indépendance en 1977,
le pouvoir s’est progressivement concentré entre les mains des seconds.
L’indécrottable président Hassan Gouled a durci la répression contre
l’opposition, qui s’est en 1991 transformée en lutte armée. Des villages afars,
principalement situés au nord et au sud-ouest du pays, sympathisants du FRUD
(Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie) se sont vidés de
leurs hommes valides. Restaient les vieillards, les enfants et les femmes. Dans
ces villages, les soldats de l’armée gouvernementale sont entrés et ont
pratiqué des viols en série, quasi systématiques, assortis de tortures et
parfois conclus par un assassinat…
Ces viols ont, en principe,
cessé avec la signature de l’accord de paix le 7 février 2000 entre le FRUD et
le gouvernement désormais dirigé par le neveu de Gouled. Mais en huit mois de
négociations, il n’en a pas été fait mention. Jamais la question de leur
reconnaissance comme crimes de guerre n’a été abordée. Encore moins a été
évoqué le jugement des coupables, alors que leur impunité encourage les
récidives. Alors les Djiboutiennes s’interrogent : si toutefois le pays
s’achemine vers la démocratie, celle-ci persistera-t-elle à ignorer leurs
droits ?
Comme partout ailleurs, il
est impossible de chiffrer les viols, car la plupart des victimes se taisent.
Aux souffrances physiques, s’ajoute une honte insurmontable, en particulier pour
celles qui ont été violées devant leurs parents. Certaines ont osé déposer des
plaintes, mais on s’est empressé de les classer. C’est pour lutter contre cette
situation intolérable, que des Djiboutiennes se sont constituées en "
Comité contre les viols et l’impunité ".
Aïcha Dabalé relaie leur
action en France. Elle avait déjà dénoncé ces viols à la faveur de la
Conférence de Pékin en 1995. Ce qui lui a valu d’être arrêtée en 1997 pour
avoir " sali l’honneur de l’armée ". Libérée grâce à une campagne de féministes
françaises, aujourd’hui officiellement réfugiée, elle continue à se battre.
C’est par son intermédiaire
que l’ " Appel à toutes les femmes de la planète " des Djiboutiennes
a été diffusé à Tokyo, lors de la tenue en décembre dernier du Tribunal International
qui jugeait les délits sexuels de l’armée japonaise durant la deuxième Guerre
mondiale. Il avait été apporté par des Algériennes, membres du RAFD, venues
elles, dénoncer les viols commis par des membres du FIS, et exiger qu’ils
soient jugés comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Car ce Tribunal ne
dénonçait pas que des délits vieux de cinquante ans. Des femmes du Sierra
Leone, du Burundi, de Colombie, de Puerto Rico, d’Indonésie, du Mexique
(Chiapas), du Vietnam, de Somalie, de Birmanie, de Corée, et d’Okinawa (base
militaire américaine) étaient venues témoigner de violences sexuelles commises
lors de conflits plus récents, ou toujours en cours. Qu’elles aient été ou
soient le fait d’armées gouvernementales, d’occupation, ou dans le cas
d’Indiennes de Colombie, de guerilleros.
Quelques jours plus tôt,
lors des affrontements qui ont marqué les élections en Côte-d’Ivoire, des actes
similaires avaient été perpétrés. Cette fois, la dénonciation a été immédiate,
de la part des présidentes des Femmes du Rassemblement des Républicains, et de
la Fédération des organisations féminines de Côte-d’Ivoire, plaintes appuyées
par un rapport d’Amnesty International.
Les deux Tribunaux créés
par le Conseil de sécurité de l’ONU pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ont
clairement défini le viol comme crime contre l’humanité, et prononcé des
inculpations pour violence sexuelle. La cinquième rencontre de la Commission
préparatoire du Tribunal Pénal International qui s’est tenue à New York en juin
2000 a vu les Etats se mettre non moins clairement d’accord pour inclure dans
la définition des crimes de violence sexuelle, l’esclavage, le travail forcé et
le trafic d’êtres humains. Mais quant à admettre l’éventualité de leur mise en
accusation directe, ils se sont montrés nettement plus réticents. La Cour
pénale internationale permettrait aux simples citoyens de porter plainte contre
un Etat. Hélas ! si 94 pays ont signé le traité entérinant sa création,
seulement 13 ratifications sur les 60 nécessaires à sa mise en route ont été
recueillies. Si les " reconnaissances " pleuvent, les procédures et
les sanctions se font attendre.
Comité des Femmes
Djiboutiennes contre les viols et l’impunité – BP 1757 – Djibouti – Tél. : 253
352593
Relais sur la France : Aïcha Dabalé – Fax : 01 43 62 03 94