Recommandation 1470
(2000)1
Situation des gays et des lesbiennes et de leurs
partenaires en matière d'asile et d'immigration dans les Etats
membres du Conseil de l'Europe
1. L'Assemblée
rappelle et réaffirme les principes de sa Recommandation 924 (1981)
relative à la discrimination à l'égard des homosexuels, de sa Recommandation 1236 (1994)
relative au droit d'asile et de sa Recommandation 1327 (1997)
relative à la protection et au renforcement des droits de l'homme
des réfugiés et des demandeurs d'asile en Europe.
2. L'Assemblée est
préoccupée par le fait que les politiques de l'immigration de la
plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe sont
discriminatoires à l'égard des homosexuels. La majorité de ces
Etats, par exemple, ne reconnaissent pas la persécution pour
raison d'orientation sexuelle comme un motif valable d'octroi de
l'asile et ne prévoient aucun type de droit de séjour pour les
membres de nationalité étrangère de couples homosexuels
binationaux.
3. De même, les
règles en matière de regroupement familial et de prestations
sociales ne s'appliquent généralement pas aux couples
homosexuels.
4. L'Assemblée est
consciente de l'existence de cas avérés de persécution
d'homosexuels dans les pays d'origine, dont certains sont membres
du Conseil de l'Europe.
5. L'Assemblée
estime que des homosexuels qui craignent avec raison d'être
persécutés du fait de leur préférence sexuelle doivent être
considérés comme des réfugiés au sens de l'article 1.A.2 de
la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés en leur
qualité de membres d'«un certain groupe social» et qu’ils doivent,
par conséquent, bénéficier du statut de réfugié. La pratique
actuelle de certains Etats membres du Conseil de l'Europe
consistant à leur accorder un permis de séjour pour raisons
humanitaires peut porter préjudice aux droits de l'homme de ces
personnes et ne doit pas être considérée en soi comme une solution
satisfaisante.
6. De plus,
l'Assemblée est consciente que le refus de la plupart des Etats
membres d'accorder un droit de séjour aux membres de nationalité
étrangère de couples homosexuels binationaux est à l'origine de
situations très douloureuses pour de nombreux couples homosexuels,
qui peuvent se trouver séparés de ce fait et contraints de vivre
dans deux pays différents. Elle estime que les règles applicables
aux couples en matière d'immigration ne doivent pas établir de
distinction entre relations homosexuelles et relations
hétérosexuelles. Par conséquent, un document établissant
l'existence d'une relation suivie, autre que le certificat de
mariage, devrait pouvoir être admis parmi les pièces demandées
pour l'admission au bénéfice du droit de séjour dans le cas des
couples homosexuels.
7. Par conséquent,
l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
i. de charger
ses comités compétents:
a. de
procéder à des échanges de vues et de mettre en commun
l'expérience acquise en cette matière;
b.
d'examiner la question de la reconnaissance des homosexuels en
tant que membres d'«un certain groupe social» au sens de la
Convention de Genève de 1951, afin que la persécution pour
homosexualité soit considérée comme un motif d'octroi de
l'asile;
c. de
définir des lignes directrices concernant le traitement des
homosexuels réfugiés ou membres d'un couple
binational;
d. d'entreprendre la mise en place d'un
système européen de collecte de données sur le sujet et
d'informations sur les abus commis envers les
homosexuels;
e. d'apporter leur concours et leur soutien
aux groupes et aux associations de défense des droits de
l'homme des homosexuels en matière d'asile et d'immigration
dans les Etats membres;
ii. de demander
instamment aux Etats membres:
a. de
réexaminer leurs politiques et procédures de détermination du
statut de réfugié, afin que puissent être reconnus comme
réfugiés les homosexuels ayant présenté une demande d'asile
parce qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés pour
l'un des motifs énumérés dans la Convention de Genève de 1951
ou dans le Protocole relatif au statut des réfugiés de
1967;
b. d'adopter des critères et des lignes
directrices concernant les homosexuels demandeurs
d'asile;
c. de
veiller à ce que les autorités chargées de la procédure de
détermination du statut de réfugié soient bien informées de la
situation générale dans le pays d'origine des demandeurs, en
particulier en ce qui concerne la condition des homosexuels et
les persécutions dont ils pourraient faire l'objet de la part
d'agents de l'Etat ou d'autres tiers;
d. de
revoir leur politique en matière de droits sociaux et de
protection des migrants de manière à ce que les couples et les
familles homosexuels soient traités selon les mêmes règles que
les couples et les familles hétérosexuels;
e. de
prendre les mesures requises pour que les couples homosexuels
binationaux bénéficient des même droits en matière de
résidence que les couples binationaux
hétérosexuels;
f. d'encourager la création d'organisations
non gouvernementales de défense des droits des réfugiés, des
migrants et des couples binationaux
homosexuels;
g. de
coopérer plus étroitement avec le Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les organisations non
gouvernementales nationales, de les encourager à travailler en
réseaux et de leur demander d'effectuer un suivi systématique
du respect des droits des homosexuels des deux sexes en
matière d'immigration et d'asile;
h. de
veiller à ce que les agents des services de l'immigration en
contact avec des demandeurs d'asile et des couples homosexuels
binationaux soient formés à prendre en considération la
situation spécifique des homosexuels et de leurs
partenaires.
1. Discussion par l'Assemblée le
30 juin 2000 (24e séance) (voir
Doc. 8654,
rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la
démographie, rapporteur:
Mme Vermot-Mangold).
Texte adopté par
l'Assemblée le 30 juin 2000
(24e séance).