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Recommandation 1582
(2002)[1]
Violence
domestique à l’encontre des femmes
1. La violence domestique est la
forme la plus commune de violence à l’encontre des femmes dont les
conséquences affectent les victimes sur plusieurs plans – le
logement, la santé, l’éducation, et la liberté de vivre leur vie
sans crainte et de la manière dont elles l’entendent. Ce phénomène
endémique concerne tous les pays européens et s’observe dans
toutes les catégories ou classes sociales. La violence domestique
peut prendre diverses formes comme l’agression physique, l’abus
sexuel et le viol, les menaces et l’intimidation, et doit être
considérée comme une infraction pénale.
2. Or, la violence perpétrée au
sein de la famille continue d’être considérée comme une question
d’ordre privé. Selon les statistiques, pour les femmes de 16 à 44
ans, la violence domestique serait la principale cause de décès et
d’invalidité, avant le cancer, les accidents de la route et même
la guerre. Elle doit, en conséquence, être traitée comme un
problème politique et public, et une violation des droits de
l’homme.
3. L’Assemblée parlementaire
rappelle la déclaration finale adoptée lors du
2e Sommet du Conseil de l’Europe à Strasbourg en
1997, la Recommandation 1450
(2000) de l’Assemblée sur la violence à l’encontre des femmes en
Europe et la Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres aux
Etats membres sur la protection des femmes contre la violence, qui
condamnaient toutes les formes de violence envers les femmes comme
une violation générale de leurs droits en tant qu’êtres
humains.
4. L’Assemblée considère les
actes de violence domestique comme des actes criminels et invite
les Etats membres à reconnaître qu’ils ont l’obligation de
prévenir, d’instruire et de sanctionner les actes de violence
domestique et d’offrir une protection aux
victimes.
5. Compte tenu de la nature
cachée de la violence domestique, l’Assemblée demande instamment
aux gouvernements de lancer des politiques de sensibilisation
efficaces et des campagnes d’information pour informer et pour
éduquer la population sur ce problème. Chaque gouvernement doit
obtenir des informations et des données objectives sur l’ampleur
de ces délits.
6. L’Assemblée reconnaît
l’importance d’élaborer des stratégies d’intervention collective
aux niveaux locaux, visant à coordonner la coopération
interinstitutionnelle et la mobilisation des ressources humaines
et financières pour combattre la violence domestique, et d’inviter
l’ensemble de la population à prendre ses responsabilités afin
qu’un changement s’opère sur les lieux de vie et de
travail.
7. L’Assemblée recommande, en
conséquence, aux Etats membres du Conseil de
l’Europe:
Mesures à adopter concernant les
victimes de violence domestique
i. de proposer aux victimes de
violence domestique une aide judiciaire et des conseils
juridiques gratuits, préalablement à l’engagement d’une action
judiciaire;
ii. de venir en aide aux
victimes de violence domestique en créant des centres
d’hébergement où les femmes pourront obtenir un soutien
psychologique, et de soutenir financièrement les associations
d’aide sociale et les services d’urgence;
iii. d’offrir une protection
efficace aux victimes de violences, après l’incident et durant
toute la procédure judiciaire;
iv. d’apporter un soutien
financier spécial aux organisations non gouvernementales et aux
associations de femmes s’occupant des victimes de violence
domestique;
v. d’adopter ou de renforcer
les mesures de protection sociale afin que les blessures causées
aux femmes et aux enfants à la suite d’actes de violence soient
prises en charge par les régimes de protection
sociale;
vi. de promouvoir la formation
des professionnels travaillant avec des jeunes ainsi que des
personnels de santé pour identifier les enfants et les
adolescents qui vivent dans des foyers où règne la violence, et
de prendre les mesures nécessaires pour leur porter
assistance;
vii. d’offrir aux personnels
médicaux une formation leur permettant d’identifier les victimes
de violence;
viii. d’accorder aux femmes
immigrées qui ont été ou sont victimes de violence domestique un
droit indépendant de résidence.
Mesures à prendre concernant la
prévention de la violence domestique
i. d’améliorer les
statistiques sur la violence domestique, et pour ce faire, de
brosser un tableau précis de sa nature et de sa prévalence, de
permettre l’identification des ressources consacrées à la lutte
contre ce phénomène et l’évaluation des initiatives allant dans
ce sens;
ii. d’établir un partenariat
entre les autorités chargées de la protection des droits des
femmes et les pouvoirs locaux et régionaux afin d’accroître le
nombre de centres de réinsertion et d’accueil pour les femmes
victimes de violence domestique;
iii. de favoriser la
coopération et l’entente durables entre la police, les services
gouvernementaux et les organisations non gouvernementales dans
le cadre de la lutte contre les problèmes et les dangers
associés à la violence domestique;
iv. d’élaborer des plans
d’action, en coopération avec des organisations non
gouvernementales de femmes, pour créer un climat général de
rejet de la violence domestique;
v. de lancer, via les médias,
des campagnes nationales de sensibilisation contre la violence
domestique;
vi. d’organiser une formation
adéquate pour les personnes qui s’occupent des victimes de
violence domestique: le personnel de santé, la police et les
travailleurs sociaux;
vii. d’introduire, à un stade
très précoce, l’éducation à l’égalité des sexes et à la
non-violence, et de prévoir, pour les enseignants, une formation
adéquate sur le thème de la violence domestique et de l’égalité
des sexes;
viii. d’encourager les
citoyens, par le biais de programmes éducatifs, à accepter leurs
responsabilités et à prendre des mesures positives pour réduire
et pour prévenir la violence domestique dans la
société;
ix. d’augmenter le financement
de l’Etat pour soutenir les services sociaux traitant de ce
problème de violence domestique;
x. d’encourager les médias à
parler du problème de la violence domestique de manière
régulière, objective et sans parti pris; les médias doivent
également tenter de sensibiliser le public aux causes et aux
conséquences de ce type de violence;
xi. d’encourager les femmes à
apprendre les techniques d’autodéfense;
xii. d’élaborer des programmes
de formation appropriés pour les auteurs d’actes de violence
contre des femmes;
xiii. d’élaborer des
programmes spéciaux d’information pour les hommes afin de
prévenir la survenue d’actes de violence
domestique.
Mesures juridiques à
prévoir
i.que les législations
nationales interdisent toutes les formes de violence domestique
et qu’elles établissent des dispositions légales efficaces,
prévoyant notamment l’éloignement immédiat du partenaire violent
du domicile et de l’environnement quotidien de la femme et de
ses enfants, sans qu’il soit nécessaire d’établir de preuves, et
ce, dès la première plainte et sans attendre l’ordonnance du
tribunal;
ii. que le concept de violence
domestique soit défini dans les législations nationales de
manière à ce que cette violence soit considérée, quelles que
soient ses formes, comme une infraction pénale
grave;
iii. que, dans la perspective
de la réforme juridique et institutionnelle tendant à établir
des systèmes plus efficaces pour protéger les femmes contre la
violence domestique, il soit nécessaire de passer en revue les
législations nationales en vigueur et de mener des recherches
approfondies;
iv. que le viol conjugal soit
érigé en infraction pénale;
v. que l’accès à la justice et
aux différentes procédures soit assoupli: l’audition devant, de
préférence, se tenir à huis clos, la charge de la preuve devant
être allégée, etc.;
vi. que soit accordé, à la
police et aux autorités judiciaires, le droit de mener des
investigations et de rassembler des preuves, et qu’il leur soit
autorisé de porter plainte au nom des victimes de violence
domestique.
8. L’Assemblée invite le Comité
des Ministres à lancer une année européenne contre la violence
domestique qui soulignerait ce problème au niveau européen et
inciterait les gouvernements européens à engager des actions
concrètes pour combattre la violence domestique.
________
[1].
Discussion par l’Assemblée le 27 septembre 2002
(32e séance) (voir Doc. 9525,
rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes
et les hommes, rapporteuse: Mme Keltošová; et Doc.
9563,
avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la
famille, rapporteur: M. Hancock).
Texte adopté par l’Assemblée le
27 septembre 2002 (32e séance).