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Recommandation 1523 (2001)[1]
Esclavage domestique
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Depuis quelques années, une nouvelle forme
d’esclavage est apparue en Europe: l’esclavage domestique. L’on
a ainsi dénombré plus de 4 millions de femmes vendues chaque
année dans le monde.
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L’Assemblée rappelle et réaffirme à cet
égard l’article 4, paragraphe 1, de la Convention européenne de
sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
(CEDH) qui condamne l’esclavage et la servitude, ainsi que la
définition de l’esclavage qui découle des avis et des jugements
de la Commission européenne des Droits de l’Homme et de la Cour
européenne des Droits de l’Homme.
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L’Assemblée rappelle également
l’article 3 de la CEDH affirmant le droit de tout individu
de ne pas être soumis à la torture et à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants, et l’article 6 qui
proclame un droit d’accès aux tribunaux dans les matières
civiles et pénales, ce, notamment, lorsque l’employeur est
couvert par une immunité de juridiction.
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L’Assemblée se réfère également à la
Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale
(1959) (STE no 30), à la Convention européenne
d’extradition (1957) (STE no 24), ainsi qu’à
l’Accord européen sur le placement au pair (1969) (STE
no 68).
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Elle constate que les victimes se voient
systématiquement confisquer leur passeport et se retrouvent dans
une situation de vulnérabilité totale vis-à-vis de leur
employeur, voire dans une situation proche de la séquestration,
et subissent des violences physiques et/ou
sexuelles.
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Les victimes de cette nouvelle forme
d’esclavage sont, pour la plupart, des personnes en situation
irrégulière, le plus souvent recrutées par des agences et qui
empruntent de l’argent pour payer leur voyage.
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L’isolement physique et affectif dans
lequel se trouvent ces victimes, associé à la peur de
l’environnement extérieur, entraîne des troubles psychologiques
qui perdurent après leur libération et les privent ainsi de tous
leurs repères.
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L’Assemblée déplore également qu’un nombre
important de victimes travaillent dans des ambassades ou chez
des fonctionnaires internationaux qui, par le couvert de la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961,
bénéficient d’une immunité de juridiction et d’exécution, ainsi
que du principe d’inviolabilité de la personne et des
biens.
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Elle regrette qu’aucun des États membres du
Conseil de l’Europe ne reconnaisse expressément l’esclavage
domestique comme délit dans leur Code pénal.
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Elle recommande par conséquent au Comité
des Ministres de demander aux gouvernements des États
membres:
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de prévoir dans leur Code pénal la
reconnaissance comme délits de l’esclavage, de la traite des
êtres humains et du mariage forcé;
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de renforcer le contrôle aux frontières
et d’harmoniser les politiques de coopération policière,
surtout en ce qui concerne les mineurs;
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d’une part, de faire en sorte que les
policiers reçoivent une formation les rendant capables de
s’occuper des victimes de l’esclavage et, d’autre part,
d’augmenter le nombre des femmes policiers;
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d’amender la Convention de Vienne afin de
systématiser la levée de l’immunité diplomatique pour tous les
actes relevant de la vie privée;
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de signer et de ratifier la Convention
contre le crime transnational organisé et ses protocoles
additionnels (décembre 2000);
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de sauvegarder les droits des victimes de
l’esclavage domestique:
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en généralisant l’octroi d’un titre de
séjour humanitaire temporaire et renouvelable;
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en prenant à l’égard des victimes des
mesures de protection et d’assistance sociale,
administrative et juridique;
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en prenant des mesures visant à la
réintégration et à la réhabilitation des victimes, y compris
la création de centres d’aide notamment destinés à leur
protection;
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en développant des programmes
spécifiques pour leur protection;
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en prévoyant des délais de prescription
plus longs pour le délit d’esclavage;
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en créant des fonds d’indemnisation
destinés aux victimes;
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de donner des informations précises sur
les risques du travail à l’étranger aux employés de maison et
autres catégories de personnes lorsqu’ils demandent des
permis, par exemple dans les ambassades;
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d’éviter toute discrimination fondée sur
le sexe lors de l’octroi de permis de travail aux employés de
maison.
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L’Assemblée recommande également au Comité
des Ministres de demander au(x) comité(s) d’experts compétent(s)
d’élaborer une charte du travail domestique.
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