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RECOMMANDATION 1325 (1997)[1]
relative à la traite des femmes et à la
prostitution forcée dans les États membres du Conseil de
l’Europe
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L’Assemblée s’alarme de l’accroissement
considérable qu’ont connu au cours de ces dernières années la
traite des femmes et la prostitution forcée dans les États
membres du Conseil de l’Europe. Elle s’inquiète de la
participation croissante des organisations criminelles à cette
délinquance lucrative, utilisée par ces groupes pour financer et
étendre leurs autres activités telles que le trafic d’armes et
de stupéfiants, et le blanchiment de l’argent. L’Assemblée est
également préoccupée par le fait que cette évolution a entraîné
une détérioration du traitement de ces femmes, lequel confine à
l’esclavage.
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L’Assemblée définit la traite des femmes et
la prostitution forcée comme tout transfert légal ou illégal de
femmes et/ou le commerce de celles-ci, avec ou sans leur
consentement initial, en vue d’un profit économique, dans
l’intention de les contraindre ensuite à la prostitution, au
mariage ou à d’autres formes d’exploitation sexuelle forcée. Le
recours à la force, qui peut être physique, sexuelle et/ou
psychologique, comprend l’intimidation, le viol, l’abus
d’autorité ou la mise en situation de dépendance.
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Considérant que la traite des femmes et la
prostitution forcée ainsi définies constituent une forme de
traitement inhumain et dégradant en même temps qu’une violation
flagrante des droits de l’homme, l’Assemblée estime nécessaire
que le Conseil de l’Europe, ses États membres et d’autres
organisations internationales entreprennent d’urgence une action
concertée. Dans ce cadre, elle se félicite de l’adoption par
l’Union européenne, le 29 novembre 1996, d’un programme d’action
commune dans ce domaine, bien que ce texte ne comporte aucune
recommandation contraignante. Le Conseil de l’Europe, en tant
qu’organisation paneuropéenne dotée d’un mandat très clair en
matière de droits de l’homme et regroupant à la fois des pays
d’origine et des pays de destination des femmes victimes de la
traite, occupe une position idéale pour prendre la tête de la
lutte contre la traite des femmes et la prostitution forcée, et
devrait sans plus tarder agir en ce sens.
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L’Assemblée recommande au Comité des
Ministres d’élaborer une convention sur la traite des femmes et
la prostitution forcée, une telle convention serait également
ouverte à la signature d’Etats non membres du Conseil de
l’Europe. Sa portée devrait être limitée aux femmes adultes et
reposer sur la définition de l’Assemblée donnée au paragraphe 2
ci-dessus. Elle devrait insister tout particulièrement sur les
droits de l’homme et énoncer des mesures répressives destinées à
lutter contre la traite par une harmonisation des législations,
notamment dans le domaine pénal, offrir de nouvelles
possibilités d’améliorer la communication, la coordination et la
coopération policières et judiciaires, et prévoir un certain
niveau d’assistance et de protection pour les victimes de la
traite, notamment lorsqu’elles sont prêtes à témoigner en
justice, en leur assurant si nécessaire une protection physique
et, dans tous les cas, des permis de séjour temporaires ainsi
qu’une assistance juridique, médicale et psychologique. La
convention devrait instituer un mécanisme de contrôle de
l’application de ses dispositions et coordonner l’action en
cours au niveau paneuropéen pour lutter contre la traite des
femmes et la prostitution forcée. Le Comité des Ministres est
invité à soumettre pour avis à l’Assemblée le projet de
convention avant son adoption.
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Consciente de la complexité des problèmes
inhérents à l’élaboration d’une convention et préoccupée par la
longue durée de cette procédure, l’Assemblée propose, comme
mesure provisoire, l’adoption d’une recommandation par le Comité
des Ministres traitant spécifiquement du problème de la traite
des femmes et de la prostitution forcée, et précisant les
mesures à prendre par les États membres en vue de prévenir ce
fléau.
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L’Assemblée recommande également au Comité
des Ministres d’inviter les États membres:
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à adopter des mesures spécifiques visant à
sensibiliser davantage le public en général, et en particulier
les groupes cibles des victimes potentielles des trafiquants,
par exemple grâce à une information assurée par le personnel
des consulats et des ambassades chargé de traiter les demandes
de visa et de permis de travail;
-
à introduire la formation du personnel
chargé de l’immigration, en particulier dans les consulats
délivrant des visas et aux postes frontières, en vue de
s’assurer que ce personnel est pleinement conscient du
problème, est pourvu d’informations à jour sur les méthodes et
les tendances du trafic, et est formé à reconnaître les
victimes potentielles;
-
à créer, au niveau national, des services
de police spécialisés dans la lutte contre la traite des
femmes et la prostitution forcée, tout en améliorant la
communication, la coordination et la coopération
internationales entre les services de police par le biais
d’Interpol et d’Europol, mais aussi dans le cadre de contacts
bilatéraux et multilatéraux;
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à prendre des dispositions permettant la
saisie et la confiscation des profits issus de délits liés à
la traite des femmes et à la prostitution forcée, ainsi que la
fermeture des établissements dans lesquels des victimes de la
traite sont sexuellement exploitées;
-
à accorder des permis de séjour aux
victimes de la traite des femmes et de la prostitution forcée
disposées à témoigner en justice, et à leur faire bénéficier,
si nécessaire, de mesures de protection des témoins;
-
à organiser une assistance juridique,
médicale et psychologique pour les victimes de la traite des
femmes et de la prostitution forcée, particulièrement pour
celles disposées à témoigner en justice;
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à envisager d’introduire des règles
spécifiques dans les procédures pénales concernant
l’utilisation de la force à l’encontre des victimes de la
traite des femmes et de la prostitution forcée, d’alourdir les
peines encourues au titre de la traite des femmes et de leur
prostitution forcée, et, enfin, de rendre passibles de
poursuites pénales les clients recourant sciemment aux
services d’une femme contrainte à la prostitution ou au
mariage;
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à demander aux États n’extradant pas leurs
ressortissants pour des délits commis à l’étranger d’envisager
leur poursuite dans leur pays d’origine au titre d’actes liés
à la traite des femmes et commis à l’étranger, que le pays
dans lequel a été perpétré le délit le demande ou non;
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à faciliter la réinsertion des femmes
victimes de la traite dans la société de leur pays d’origine à
leur retour;
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à donner la possibilité d’ester en justice
aux diverses ONG et associations de défense des victimes de la
prostitution dans le souci d’augmenter l’efficacité de la
lutte contre la traite et la prostitution forcée;
-
à généraliser la pratique d’une ligne
téléphonique gratuite d’assistance à l’intention des femmes
victimes;
-
à aider à la création de centres d’accueil
et au développement des capacités d’hébergement provisoire
pour les victimes, et à assurer à ces dernières l’octroi de
l’aide sociale minimale et l’accès aux soins de santé durant
leur séjour.
[1] Discussion par l’Assemblée le 23 avril 1997 (13e
séance) (voir Doc. 7785, rapport de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, rapporteuse: Mme Wohlwend; et
Doc. 7808, avis de la commission des migrations, des réfugiés et
de la démographie, rapporteuse: Mme Johansson). Texte adopté
par l’Assemblée le 23 avril 1997 (13e
séance).
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