Résolution 1327 (2003)1
Les
prétendus «crimes d’honneur»
1. L’Assemblée
parlementaire est très préoccupée par l’augmentation des prétendus
«crimes d’honneur», crimes commis contre les femmes au nom de
l’honneur, qui constituent une violation flagrante des droits de
l’être humain, fondée sur des cultures et des traditions
archaïques et injustes.
2. L’Assemblée rappelle
la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui garantit le
droit à la vie et le droit à ne pas être soumis à la torture ou à
des peines ou traitements inhumains ou
dégradants.
3. Elle se réfère
également à ses Recommandations 1450
(2000) et 1582
(2002), relatives à la violence à l’encontre des femmes en Europe,
qui condamnent tous les «crimes d’honneur», et plus
particulièrement à sa Résolution 1247
(2001) relative aux mutilations sexuelles féminines, qui souligne
l’importance et l’urgence d’établir une distinction entre la
nécessité de protéger les cultures minoritaires et l’aveuglement
sur des coutumes inacceptables qui s’apparentent à la torture
et/ou à la violation des droits de l’homme.
4. L’Assemblée constate
que, si les prétendus «crimes d’honneur» sont l’émanation de
motifs culturels et non pas religieux et s’ils se produisent dans
le monde entier (principalement dans les sociétés ou communautés
patriarcales), la majorité des cas mentionnés en Europe s’est
produite dans les communautés musulmanes ou parmi les réfugiés
musulmans (toutefois, l’Islam en tant que tel ne préconise pas la
peine de mort pour inconduite liée à l’honneur).
5. L’Assemblée se
félicite de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies
de la Résolution sur les mesures à prendre en vue d’éliminer les
crimes d’honneur commis contre les femmes, qui invite la
communauté internationale à appuyer les efforts de tous les pays
qui en font la demande pour renforcer leurs capacités
institutionnelles de prévention des crimes commis contre les
femmes en s’attaquant à leurs causes profondes.
6. L’Assemblée rappelle
également la Convention des Nations Unies sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son
protocole facultatif, qui rendent l’Etat responsable de ses
manquements aux dispositions de la Convention concernant les
mauvais traitements commis contre les femmes, y compris des crimes
commis au nom de l’honneur. Elle lance un appel aux Etats membres
du Conseil de l’Europe pour qu’ils ratifient la convention et en
particulier le protocole facultatif.
7. L’Assemblée constate
que certains Etats utilisent la jurisprudence comme moyen pour
défendre les prétendus «crimes d’honneur» et déplore le manque de
réactions des pays, qui se justifie par les traditions et les
coutumes des minorités.
8. L’Assemblée
s’inquiète de l’insuffisance de données pertinentes mentionnant
l’existence de prétendus «crimes d’honneur» et des politiques de
certains Etats qui ne communiquent pas ces informations. Elle
considère que les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent
divulguer toutes les informations concernant ces crimes, afin de
faciliter les efforts visant à lutter contre ces formes de
violence et à augmenter la prise de conscience de leur
existence.
9. L’Assemblée se
félicite des mesures prises par certains pays d’Europe en vue de
prévenir et d’éliminer les prétendus «crimes d’honneur», y compris
par des amendements à la législation nationale et l’octroi d’un
permis de séjour ou même du droit d’asile aux femmes qui ont été
les victimes de prétendus «crimes d’honneur».
10. Par conséquent,
l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de
l’Europe:
i. à adopter les
mesures juridiques suivantes concernant la prévention et les
poursuites contre les prétendus «crimes
d’honneur»:
a. modifier la législation
nationale en matière d’asile et d’immigration en vue de
veiller à ce que la politique en matière d’immigration
reconnaisse qu’une femme puisse obtenir un permis de séjour ou
même le droit d’asile afin d’échapper aux prétendus «crimes
d’honneur» et puisse éviter le risque d’être expulsée ou
renvoyée s’il y a, ou s’il y a eu, une menace réelle de
prétendu «crime d’honneur»;
b. respecter plus
efficacement la législation afin de sanctionner pénalement
tous les crimes commis au nom de l’honneur et veiller à ce que
les plaintes concernant des violences ou des mauvais
traitements soient sérieusement traitées comme des plaintes en
matière criminelle;
c. veiller à ce que ces
crimes fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites efficaces
(et sensibles). Les autorités judiciaires ne doivent pas
accepter que l’honneur soit utilisé pour atténuer ou pour
légitimer ce crime;
d. prendre les mesures
nécessaires pour mettre en œuvre les législations concernant
ces crimes et mieux en faire connaître les causes et les
conséquences auprès des décideurs politiques, des forces de
police et des membres des professions
judiciaires;
e. veiller à ce qu’il y ait
une présence féminine plus forte au sein des organes
judiciaires et de la police;
ii. à adopter les
mesures de prévention suivantes:
a. lancer des campagnes
nationales de sensibilisation par le biais des médias auprès
des écoles, des universités et des organisations
confessionnelles, afin de décourager et d’empêcher les crimes
d’honneur;
b.
prévoir des programmes d’éducation
spéciaux pour les femmes et les hommes issus des communautés
où sont pratiqués ces crimes, afin qu’ils prennent conscience
des droits des femmes;
c.
veiller à ce que tous les enfants
soient sensibilisés à la question de l’égalité des sexes et
ce, dès leur plus jeune âge;
d. encourager la collecte et
la diffusion d’informations statistiques sur l’existence des
prétendus «crimes d’honneur»;
e. fournir aux agents de la
force publique et aux membres des professions judiciaires une
formation en matière d’égalité des sexes, afin de leur
permettre de traiter avec impartialité les plaintes concernant
les violences commises au nom de
l’honneur;
iii. à adopter les
mesures de protection suivantes:
a. dans les cas de demandes
d’asile, aider les victimes de tentatives de prétendus «crimes
d’honneur» et les victimes potentielles;
b. aider les victimes de
tentatives de prétendus «crimes d’honneur» et les victimes
potentielles, en leur fournissant notamment une protection
personnelle, une assistance juridique et un soutien
psychologique;
c. créer les conditions
permettant aux personnes de dénoncer ces crimes en toute
sécurité et de façon confidentielle;
d. soutenir les ONG et les
associations féminines qui luttent contre ces pratiques et qui
fournissent un refuge
sécurisé.
1.
Discussion par l’Assemblée le 4 avril 2003 (16e
séance) (voir Doc.
9720, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour
les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Cryer; et Doc.
9770, avis de la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme, rapporteuse: Mme
Wohlwend).
Texte adopté par
l’Assemblée le 4 avril 2003 (16e
séance).